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Les suisses rejettent la proposition d’expulsion de criminels étrangers

Les électeurs suisses ont clairement rejeté — à 58,9 % contre 41,1 % — une initiative qui expulsait automatiquement les étrangers ayant commis certains crimes, même mineurs. 

Seulement six des 26 cantons suisses— Nidwald, Obwald, Schwyz, UriAppenzell Rhodes-Intérieures et Tessin — ont approuvé l’initiative controversée. Cependant, le résultat ne change pas le fait que les personnes ne possédant pas de passeport suisse — un quart de la population — et ayant commis un crime sérieux (ou deux crimes moindres dans les dix ans) puissent toujours être expulsées pour une période de quinze ans.

Le Parti socialiste suisse a évoqué dimanche une « victoire historique », en ajoutant que le peuple avait renversé « la spirale radicalisation de l’extrême droite » de l’UDC — Union démocratique du centre, premier parti suisse. Flavia Kleiner, responsable du comité des ONG contre l’application de la loi, a par ailleurs déclaré  que le résultat est un signal en direction de l’UDC. Les gens en ont assez de leur alarmisme.

La loi prévoyait « le renvoi effectif des criminels étrangers » pour toute personne ayant déjà été condamnée au cours des dix dernières années, reconnue coupable d’avoir commis des infractions mineures.

Un projet d’expulsion approuvée en 2010

L’UDC a appelé les électeurs à faire respecter la version originale d’une autre initiative d’expulsion, approuvée en 2010 par près de 53 % des électeurs. Le Parlement lutte depuis cinq ans pour sa mise en oeuvre, et a proposé une autre version, jugée atténuée par la droite populiste. Sa plainte principale concerne la mise en place d’une « clause de privation ». Cette dernière permettrait aux tribunaux d’intervenir s’ils pensent que l’expulsion aboutirait à une privation sérieuse chez l’intéressé. L’UDC veut que l’expulsion soit automatique : commettez un crime, et vous êtes dehors, sans aucune question.

L'UDC Adrian Amstutz. Source : 1dex.

L’UDC Adrian Amstutz.
Source : 1dex.

Néanmoins, les électeurs n’ont pas approuvé la nouvelle proposition, avec une marge plus importante que les sondages ne l’avaient suggéré. Adrian Amstutz, membre important de l’UDC et du comité initial, a insisté dimanche sur le fait que « la clause de privation serait abusée ». Toni Brunner, le président sortant du parti, a exigé que cette dernière soit utilisée « dans des cas absolument exceptionnels ».

« Un bon jour pour l’État de droit »

La  présidente de la Confédération suisse Simonetta Sommaruga a pour sa part déclaré avec émotion que c’était un « bon jour pour l’État de droit ». Elle a commencé son discours en s’adressant aux supposés 300 000 suisses appelés « segundos » — personnes nées et élevées en Suisse par des parents immigrés, mais qui n’ont pas la nationalité suisse. Légalement, ils sont étrangers et donc soumis à l’initiative d’expulsion. «  Les segundos appartiennent à notre société et devraient être traités décemment », a-t-elle expliqué .

La présidente, une social-démocratique, a décrit la mobilisation des électeurs ces dernières semaines comme « fascinante », mais a ajouté qu’elle avait aussi perçu beaucoup d’incompréhension, d’agressivité et de haine. « Ce n’est pas la première fois, mais notre pays est divisé ; les divisions progressent à travers la Suisse ». Des divisions entre les villes, entre les régions, entre ceux qui se considèrent eux-mêmes comme cosmopolites et les septiques aux étrangers. Son message à ceux qui ont voté le « non » dimanche est le suivant : « Continuez votre engagement, et construisez des points avec ceux qui ont voté oui aujourd’hui ». La loi entrera en vigueur début 2017.

Une proposition raciste ?

La section suisse de l’organisation d’Amnesty International s’est dite grandement soulagée que cette « attaque directe » aux droits de l’homme de cet État de droit ait été battue. Lors de sa campagne, l’UDC a réutilisé pour son affiche celle du vote originel de 2010, qui représente un mouton blanc donnant un coup de pied à un mouton noir pour le sortir du pays. Cette annonce rapporta à la Suisse une réprimande du rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme.

Quant à eux, les adversaires de l’initiative ont utilisé une image accrocheuse d’une croix suisse tournée en croix gammée, avec le slogan « 1933 : l’Allemagne, 1948 : l’Afrique du Sud, 2016 : la Suisse ». Les éditorialistes évoquaient notamment « l’instant Nazi » de la Suisse. La croix gammée était de trop pour la compagnie fédérale des chemins de fer suisses. Le 24 février, elle a annoncé ne plus l’afficher dans les stations, la jugeant trop offensante pour une partie du public. Les personnes offensées par les affiches des moutons noirs restent malchanceuses — les chemins de fer fédéraux n’ont pas de problème avec elles.

Haut taux de participation

Le taux de participation était de 63,1 %, le plus haut depuis vingt ans. La participation survole généralement les 40 %. L’organisation d’une lourde campagne de dernière minute, particulièrement sur la question de l’expulsion des criminels étrangers, a poussé les électeurs à aller exercer leurs droits. Des villes comme Bern, Biel ou Lausanne ont vu dimanches des files de personnes s’alignant pour aller voter avant que les urnes ne soient fermées. La dernière initiative qui avait vu un nombre élevé de suffrages exprimés — avec un taux de participation de 55,8% —concernait le vote au réfrènement de l’immigration il y a deux ans.

›› À lire aussi : Suisse : le référendum contre l’immigration de masse répond « oui ».

© Photo à la Une : AFP.
Panneau incitant à voter, lors d’une élection le 18 octobre 2015 à Fribourg, en Suisse.

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