Au coeur des discussions à la suite de la nomination de Brett Kavanaugh et de la nouvelle juge Amy Coney Barrett, la Cour Suprême des Etats-Unis est devenue ces derniers mois le terrain de jeu de Donald Trump. Ce dernier espère, en nommant des juges ultra-conservateurs, galvaniser son électorat de droite
1/ Les débuts de la Cour Suprême
Dix ans après avoir déclaré l’indépendance du pays, cinquante-cinq délégués connus comme les « Pères Fondateurs » écrivirent en 1787 la Constitution du pays qui entra en vigueur en 1789. Afin de protéger la démocratie naissante, Les Pères Fondateurs embrassèrent l’idée du philosophe français, Montesquieu, et décidèrent d’inclure dans la Constitution le principe de séparation des pouvoirs. Ainsi, le pouvoir de l’Etat fédéral se décline en trois branches : l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
L’Exécutif est régi par le président des Etats-Unis, le législatif par le Congrès (le Sénat et le Chambre des Représentants) et le judiciaire par la Cour Suprême. Chacune de ces branches travaille séparément, aucune d’elles ne peut influencer l’autre. Cependant, si une des branches souhaite imposer sa politique au détriment d’une autre branche, la branche concernée peut contre-balancer son pouvoir. Mais afin d’éviter cette situation, les Pères Fondateurs décidèrent que le pouvoir ultime appartenait au peuple. Ainsi, le président des Etats-Unis est renouvelé tous les quatre ans et le Congrès tous les deux ans. Quant aux juges de la Cour Suprême, ils sont nommés à vie.
2/ Qui nomme les juges de la Cour Suprême ?
La Cour Suprême est composée de neuf juges nommés à vie. Le président des Etats-Unis est en charge de la nomination des juges fédéraux dont ceux de la Cour Suprême. Mais la nomination d’un juge par le président pouvant être favorable à l’exécutif, c’est le Sénat qui est en charge de son approbation. Si le Sénat refuse la nomination, le président peut toujours faire valoir son droit de veto, qui peut tout de fois être neutralisé par le Congrès.
3/ Le rôle de la Cour Suprême
Dans l’ensemble, tous les actes du Congrès et toutes les législations locales doivent se soumettre à la Constitution. Chaque Etat a sa propre Constitution et chacune d’entre elles doit se conformer à celle du pays. Pour éviter toute confusion, la Cour Suprême est donc en charge de l’interprétation de la Constitution du pays. Elle est la gardienne et l’interprète des lois fédérales et de la Constitution américaine. Elle détient le pouvoir judiciaire au niveau de l’Etat fédéral et est ainsi la plus haute autorité judiciaire du pays.
La Cour Suprême ne créé cependant pas les lois. L’institution ne peut qu’interpréter une loi que si et seulement si une affaire lui est présentée. De ce fait, toutes personnes n’étant pas d’accord avec le verdict rendu dans une cour de justice d’un Etat peuvent amener son cas devant la Cour Suprême. Un moyen que les Pères Fondateurs jugeaient fondamental car cela permettait au peuple de garder un certain pouvoir.
4/ Les cas connus
La juge a ainsi rendu plusieurs verdicts dans des affaires devenues célèbres. La plus célèbre des affaires est celle de « Roe v Wade ». Suite à une grossesse non désirée Norma McCorvey, le véritable nom de « Jane Roe » cherche se faire avorter. Les avortements étant seulement réservés aux femmes dont la vie est en danger, la jeune femme essaye de pratiquer un avortement illégal, sans succès. Elle trouve alors deux avocates, Sarah Weddington et Linda Coffee, cherchant à faire modifier la loi anti-avortement qu’elles jugent anti-constitutionnelle. Une plainte est déposée en 1970. Le procureur Dallas Henry Wade est choisi pour défendre l’Etat du Texas. Après trois ans de bataille acharnée c’est finalement la Cour Suprême qui décide en 1973 de donner raison aux défendant, rendant ainsi anticonstitutionnelle les lois anti-avortements alors en en place dans 45 Etats. Sept des neuf juges présents ont confirmé que le 14ème amendement de la Constitution protège le droit des femmes à disposer de leur corps.
Mais la Cour Suprême est aussi connue pour de tristes affaires. En 1896 dans l’affaire « Plessy v Ferguson » l’institution rend la ségrégation légale. En 1892, un Afro-Américain prénommé Homer Plessy est arrêté en Louisiane et condamné car il s’était assis dans la partie d’un train réservée aux personnes blanches. L’affaire est amenée devant les tribunaux et le juge John H.Ferguson affirme qu’il n’y a rien d’anticonstitutionnel dans la loi « Separate Car Act » de l’Etat, obligeant les personnes de couleur et blanche à s’assoir dans différents compartiments lors de trajets en train. L’affaire est par la suite transmise à la Cour Suprême qui rend son verdict un mois après le début du procès. L’institution soutient alors l’Etat et déclare que la loi ne va ni à l’encontre du 13ème amendement, interdisant l’esclavage, ni à l’encontre du 14ème amendement, garantissant la citoyenneté et les mêmes droits à toutes les personnes nées aux Etats-Unis. De ce fait la Cour Suprême, en rendant ce verdict, autorisa les Etats à instaurer des lois ségrégationnistes.
5/ Une Cour Suprême devenue ultra-conservatrice
Actuellement, six juges présents à la Cour Suprême ont été nommés par des présidents républicains et trois par des candidats démocrates. Dernièrement, c’est Amy Coney Barrett qui a été désignée pour remplacer la juge démocrate décédée, Ruth Bader Ginsburg. La nomination de Mme Barrett fut approuvée par le Sénat le 26 octobre 2020, malgré les oppositions du camp démocrates jugeant cette nomination « illégitime » car trop près du scrutin des élections présidentielles. Cinquante-deux sénateurs se sont positionnés en faveur et quarante-huit contre. Ce qui représente respectivement les sénateurs républicains et les sénateurs démocrates. C’est une première dans l’histoire des Etats-Unis qu’un juge nominé ne reçoive aucune voix de la part d’un camp. Cela démontre la polarisation de plus en plus présente dans la politique américaine.
Cette nouvelle nomination fait donc pencher la balance du côté républicain et réjouit le président Donald Trump. Cette nouvelle nomination fait de lui le président le plus influent sur la Cour Suprême depuis 40 ans.
La Cour Suprême, qui a toujours été plus ou moins modérée, se retrouve avec une majorité de juges conservateurs à sa tête. Grâce à cela, Donald Trump tient ses promesses de campagne de 2016 et galvanise ses électeurs de droite. Réélu ou non cela reste une victoire pour le camp des républicains. La présence de ces juges nommés à vie pourrait avoir des conséquences bien au-delà de son mandat. Les juges (ultra-conservateurs pour la plupart) pourraient en effet revenir sur le droit à l’avortement, le mariage homosexuel ou encore sur l’immigration.