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On regarde ou pas ? Les invisibles, le polar de France 2

France 2 rediffuse sa série policière, Les invisibles, chaque mercredi. Une belle surprise dans un paysage de polars qui se ressemblent.

C’est quoi Les Invisibles ? Darius, vif, passionné, un brin magouilleur est le boss des « Invisibles », une brigade à la marge qui gère des enquêtes sur les corps sans identité, sans histoire, sans passé… Son obsession ? Leur redonner une dignité, une humanité afin que les familles puissent faire leur deuil. Son équipe ? Marijo, gouailleuse au grand coeur, toujours à râler ; Ben, ancien champion de boxe, gros nounours aux poings sensibles ; Duchesse, petite bourgeoise de 25 ans, brillante mais peu habituée au terrain et Angie qui reconstitue les corps avec un peps malicieux. Leur mission ? Identifier les corps avant qu’ils ne finissent à la fosse commune.  Un corps calciné, une mariée emportée par les flots, des morceaux de corps à travers la ville… Ils sont mandatés pour reconstituer une vie, une destinée et rendre la justice.

Les invisibles, un polar qui a du style

On reproche souvent aux séries policières hexagonales de se ressembler, de décalquer des modèles à n’en plus finir. Ce n’est pas le cas ici. Bénéficiant d’un soin particulier apporté à la photographie, Les invisibles se payent un univers qui lui est propre, où la noirceur des affaires se retrouvent dans la photo et la lumière, tout en tranchant avec les dialogues décochés ici et là par une bande de policiers des plus originaux. Dès les premières minutes de chaque épisode, on comprend que l’on pénètre précisément dans une série qui ne se veut pas semblables aux autres et ça marche.

Une construction scénaristique originale

Comme dans chaque série policière, le « teaser » (ou plus exactement la scène introductive) nous plonge dans les méandres du crime sur lequel l’équipe de policiers va enquêter. Sauf qu’ici, ça ne va jamais dans la direction que l’on pense être la bonne. Ce « teaser » n’est qu’une petite partie du puzzle et il ne trouvera sa solution que les toutes dernières minutes de l’épisode. En ça, il n’est pas sans rappeler la série Cold Case (on y reviendra) qui jouait aussi sur ce principe, série que l’on ne peut s’empêcher d’avoir à l’esprit quand on regarde Les invisibles. Est-ce que ce teaser concerne la victime ? Son meurtrier ? Un moment antérieur au meurtre ? Et surtout quant ? Car, et c’est là la bonne trouvaille des auteurs, la série joue aussi sur cette ambiguïté dans la chronologie des événements ce qui rend, au début, difficile à dater les événements qui se déroulent devant nous. Cette écriture réussie ajoute un intérêt supplémentaire à chaque épisode, au delà de savoir : qui a tué et pourquoi ? Un vrai bon travail d’écriture des auteurs, Christian Mouchart et
 Patrick Tringale
.

Les victimes au centre de l’histoire

L’équipe menée par Darius a une idée en tête et toujours la même : la victime. Lui rendre sa dignité en dévoilant son histoire, même si cette histoire doit éclairer la victime sous un nouveau jour. C’est en ça que la série rappelle à bien des égards Cold Case (même si ici les histoires relèvent plus du polar classique tandis que Cold Case auscultait l’âme de l’Amérique). Mais comme dans Cold Case, un lien particulier se tisse entre les policiers et la victime, ce qui les rend si atypiques vis à vis de leurs collègues et, à travers eux, vis à vis d’autres policiers du PAF. Darius ne manque d’ailleurs jamais de le faire remarquer : leurs méthodes ne sont pas les mêmes car leur priorité diffère aussi. Ce focus sur la victime est symbolisé par une mécanique narrative que l’on retrouve à chaque épisode. Un grand écran sur laquelle figure toujours la photo de la victime et que l’un des inspecteurs éteint à la fin de l’histoire en adressant un « au revoir » à la victime (comme dans Cold Case quand le dossier de l’affaire est descendu de l’étagère en début d’épisode, puis remis à la fin avec la mention « affaire classée« ). Autre élément qui place la victime au centre du jeu. Au début de l’histoire, la victime n’a pas d’identité mais Darius et son équipe lui en donne une en fonction du lieu où elle est trouvée. A la fin de l’histoire, son « vrai nom » lui est rendu. Ce nom, emprunté ou pas, représente le fait que cette victime existe et donc compte.

Des coupables terriblement « humains »

Souvent la mécanique des séries policières avec un héros fort peut mettre de côté la personnalité de l’assassin qui devient un peu « une mécanique de fin d’épisode ». Si les victimes sont bien au centre du jeu, on est aussi frappé par le soin tout particulier apporté au « coupable ». Si l’acte commis est monstrueux, il n’est jamais dépourvu de son humanité et c’est justement ce qui fait la spécificité de la révélation finale. A l’image de l’épisode 3 « Pachelbel » déroutant au possible dans sa construction qui pourrait évoquer The Fall avec un Edouard Montoute tout en justesse dans le rôle de cet effroyable « Mr Tout le monde ». Ou cet épisode 2, « Sycomore » et son retournement de situation final qui rabat totalement les cartes. Chaque épisode nous réserve son lot de surprises, à l’exception d’un épisode 5 bien trop classique dans sa construction et sa résolution.

Un casting réussi

On mentionnait plus haut l’importance des « victimes » dans l’histoire. Cela se ressent jusque dans le choix du casting pour incarner … les policiers. Si l’on connaît ces visages (on est très heureux de retrouver Guillaume Cramoisan), ce ne sont pas des mégas stars de la télévision qui ont été recrutées mais des acteurs qui vont à la fois incarner le mieux possible leur personnage sans phagocyter l’attention au détriment des histoires et donc des victimes. En ce qui concerne l’équipe de Darius, le choix des 4 acteurs pour jouer les policiers – Guillaume Cramoisan, Nathalie Cerda, Déborah Krey, Quentin Faure – est un sans faute et ça fait bien longtemps que l’on avait pas vu une équipe aussi bien équilibrée sans que l’un ou l’autre, y compris le chef, ne prenne le lead. L’humanité de Darius, la gouaille de Marie-Jo, la fragilité de Duchesse et la sincère douceur de Ben sont autant d’éléments pour rendre cette équipe immédiatement attachante. Comme dans tout bon procedural à l’américaine, les flics ont juste ce qu’il faut de caractérisation pour que le public les aime, sans pour autant y passer trop de temps. Cette petite touche d’informations que l’on perçoit nous sert de repères épisode après épisode et nous permet de mieux les cerner, les comprendre, les aimer. A l’image de l’excellente Nathalie Cerda, remarquable dans ce personnage bourru mais en réalité abîmé par la vie.
On regrettera cependant que la légiste (que joue Cécile Rebboah) soit plus convenue – la légiste à l’humour décalée, on l’a pour le coup souvent vu ; que le lien de rivalité entre Darius et Chistera (Jérémie Covillault) soit trop cliché et moins « fine ». Et surtout on aimerait que France Télévisions en finisse avec le recours systématique aux guests dans chacune de ses séries.

Une série créée par Olivier Norek, Christian Mouchart et Patrick Tringale
Réalisation de Chris Briant et Axelle Laffont
About author

Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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