Lorsque George Tron adepte de réflexologie par les pieds, a été soupçonné de harcèlement sexuel, je me suis dit que le titre serait de très mauvais goût…
Il n’empêche qu’après l’affaire Strauss-Kahn, l’affaire Tron et maintenant la polémique soulevée par Luc Ferry déterrent de très vieux tabous présents dans la politique française.
Il est évident qu’il ne s’agit pas ici, de porter un jugement personnel sur chacune des personnes visées par ces affaires. De fait, je tiens à réaffirmer mon attachement personnel à la présomption d’innocence comme pilier fondamental de notre justice.
Si les faits sont avérés, et déclarés comme tels par la Justice, alors c’est effroyable. Seulement aux moralistes, ou donneurs de leçons, je tiens à rappeler qu’on ne fait pas sa propre loi, son propre jugement . De ce point de vue, il faut être intransigeant car la justice est la seule toute puissante dans ce domaine . Et j’espère sérieusement que chacun des « encore innocents » présumés coupables porteront systématiquement plainte contre ceux qui les ont jetés aux loups sans attendre le verdict définitif.
Mais alors , y-a-t-il de fumée sans feu ? et a fortiori tous les politiques sont-ils des pervers ? Et si La France était-elle une spécificité propre à ce genre de scandales ? De fait la Presse française a-t-elle été passive ?
Tout d’abord, ces différentes affaires malgré les drames humains qu’elles constituent représentent un véritable trésor en questionnement et l’occasion parfaite de réaffirmer certains principes.
Il n’y a effectivement jamais de fumée sans feu, et les scandales de cette nature font légion dans le monde entier. Pourtant il est fondamentale de s’interroger sur le phénomène sociologique qu’ils symbolisent. À l’heure de la transparence totale, du féminisme affirmée, ce type d’affaires semblent nous ramener des siècles en arrière. Faut-il rappeler le très célèbre « droit de cuissage » qu’aurait exercé certains seigneurs sur leurs cerfs ? Alors comment est-il possible dans une démocratie ancienne que de tels faits se déroulent ?
Le dépassement des limites,établies par la loi, opéré par certains individus est un phénomène normal, que chaque société doit combattre. C’est pour cette raison que chaque société se dote d’une justice en adéquation avec ses valeurs pour juger l’individu « hors la loi ». Ces faits divers n’ont donc rien d’exceptionnels par cet aspect là. Ce qui est exceptionnel, et terriblement dangereux c’est le silence dans lequel se terre la majorité de victimes et la relative impunité dont jouissent les agresseurs.
C’est ce phénomène là, qui constitue un fait sociologique et le fond véritable de ses affaires.
Ainsi il est nécessaire de s’interroger sur la représentation de la femme, et des relations dans nos sociétés. Paradoxalement alors que le féminisme est devenue une composante de notre mode de pensée et même d’action politique, ce type de faits divers n’a pas disparu. Là encore au dehors des problèmes personnels que peuvent posséder certains individus, il est étonnant de voir que l’image de la « femme objet » est encore véhiculée et très présente dans notre société. N’avons nous pas tous entendu des propos machistes tout au long du suivi de ces affaires ? Il paraît évident que dans notre société souvent hypocrite sur ces thèmes là , oscillant entre angélisme et pudeur exacerbée et dans laquelle le sexe, et la bestialité reviennent de plus en plus en force, la conception de la réussite reste étroitement lié à la possession d’argent, de pouvoir et de femmes.
Ce fait en induit un autre, l’utilisation de ce postulat culturel par certains individus pour assouvir leurs besoins en abusant de leur position dominante. Mais aussi l’utilisation de ce postulat par certains individus pour favoriser leur ascension sociale/ professionnelle.
Dans ce domaine là, l’Etat a la responsabilité totale de l’éducation et la lutte contre ces abus. Il ne s’agit pas de transformer « toutes les petites filles en petits garçons », de couper les appareils génitaux de ces derniers ou encore instaurer une paranoïa insupportable.
Non il s’agit d’inculquer un nouveau rapport entre le sexe, le pouvoir et l’argent.
Pour cela nous disposons de différents leviers :
Il semble nécessaire dans un premier temps de réformer la législation afin de permettre aux victimes de tels harcèlements de le déclarer immédiatement sans craintes. Il s’agit aussi de les soutenir tout au long de la procédure autant du point de vue judiciaire que psychologique, et les protéger de la vindicte médiatique.
Il s’agit aussi d’être d’une transparence complète sur les modalités d’embauche et d’emploi des individus pour que la séduction et tous les risques qu’elle comporte ne soit plus un facteur d’embauche.
Il s’agit aussi de réfléchir plus globalement à la place du sexe dans notre société qui hésite souvent entre fascination bestiale et pudeur, dégoût absolu. Il ne me semble pas souhaitable d’en arriver à la hypocrisie de la société américaine qui produit le plus de films porno au monde, mais dans laquelle la vie sexuelle de chaque personnalité publique est analysée et épinglée.
Il ne faut pas oublier non plus le rôle du pouvoir politique dans ce type d’affaire . Les hommes et femmes politiques, ne détiennent pas le pouvoir dans une démocratie, c’est le peuple son réel détenteur. Ils sont donc responsables devant lui de la marche correcte de l’état. Pour autant ils ne sont en aucun cas des surhommes, et sont soumis aux mêmes lois que l’ensemble des citoyens. L’image de l’homme politique tout puissant qui monnaie ses faveurs, ou l’obtention de celles-ci est une réalité à briser.
Il faut donc lever du moins partiellement toutes les impunités qui placent nos dirigeants « au dessus des lois » et qui encouragent un certain nombres d’individus à être hors la loi. Il s’agit aussi d’instaurer une totale transparence sur l’action publique réalisée par nos hommes d’états notamment sur leur rôle, leur action, les fonds qu’ils perçoivent , leurs liens professionnels avec leurs collaborateurs-
Parallèlement c’est l’occasion idéale de rappeler le principe de respect de la vie privée de chaque individu. Car si l’action publique d’un individu relève du domaine publique, ses loisirs, sa famille, ses habitudes doivent strictement rester dans l’ombre du respect à la vie privée.
Justement le pouvoir médiatique en France a-t-il été trop passif ? Non, car contrairement aux U.S.A , en France ce n’est pas les médias qui font le travail judiciaire… Le drame de ces affaires, n’est pas le fait que les médias ne les aient pas ébruitées plus tôt, non le drame c’est la difficulté avec laquelle toutes ces victimes s’expriment, et la réelle impunité dont jouissent nombre de personnes.
Alors réfléchissons d’abord à ces vrais problèmes de société avant de vouloir donner aux médias un pouvoir dangereux si mal utilisé : celui de faire la justice.
D’ailleurs si par hasard la justice venait à disculper tous ses présumés coupables, les dommages injustes infligés par les médias à leur réputation seraient impossibles à réparer…