Adulé comme détesté, le hipster a envahi nos villes. Son style de vie souvent stéréotypé fait de lui une cible de débat sur les blogs et les médias online. Comment est-il perçu aujourd’hui sur le web ?
PARADOXE ET PARODIES
Si le hipster essuie tant de critiques, c’est parce que son style de vie est fondé pour certains sur un paradoxe. À l’origine ancré dans une contre-culture née des populations noires américaines dans les années 40, le hipster n’a plus la même force d’opposition au « mainstream ». Fini l’anti-capitalisme et la victimisation de la société de consommation : le hipster est devenu un consommateur comme les autres, mais aussi un effet de mode en lui-même, qui semble délaisser ses racines underground et avant-gardistes.
Pourtant moins snob que le bourgeois-bohème, le hipster ne déjeune pas : il « brunche ». Il se nourrit de produits alimentaires en vogue – The Guardian a même établi un glossaire de la « hipster food » -. Il porte une paire de lunettes qui symbolise sa culture intellectuelle, qui affirme son penchant pour la littérature et qui fait au passage un clin d’œil aux binocles de Woody Allen. Il n’écoute pas de rock commercial, il préfère la musique indie-pop sur fond de synthé. Bref, autant de clichés qui font du hipster la tête de turc idéale à parodier, pour son côté un peu trop « in », un peu trop branché.
Un designer croate, Mihael Miklošić, s’est servi de ces petites manies stéréotypées pour parodier leur culture sur son site web. Avec le « Hipster Starter Kit » (kit pour hipster débutant) qu’il a créé l’été dernier, il recense toute la panoplie du parfait hipster, du lot de fausses moustaches à la chemise-bûcheron. Et quand on lui demande ce qu’il pense du phénomène, Mihael donne son avis :
Je pense que les hipsters sont cool, et j’aime leur style. Mais leur comportement est peut-être trop exagéré avec une contre-culture qu’ils tentent de s’imposer, notamment à travers la musique.
Si la caricature est mesurée pour le jeune designer, certains n’hésitent pas à pousser le vice un peu plus loin. Des blogs anti-hipsters ont récemment émergé de la toile (hackneyhipsterhate.tumblr.com, unhappyhipsters.com) allant jusqu’à les apparenter à un Hitler plus dérisoire que dictateur.
LE HIPSTER COMME MODÈLE
Le phénomène ne ralentit pas pour autant. Au contraire, certains l’encouragent même. La chaîne YouTube American Hispter, créée l’an dernier, diffuse une série de documentaires sur l’art, la musique, la gastronomie et la mode dans les plus grandes villes étatsuniennes. En France, c’est un webzine consacré aux mordus de la tendance qui a permis de cibler son lectorat à travers des sujets relatifs à la culture hipster.
Voir le trailer de l’émission ► American Hipster (2012 Channel Preview)
Un illustrateur, Jean-Philippe Delhomme, en a même fait son personnage phare. Figure emblématique du magazine et du site web de GQ, The Unknown Hipster est un homme barbu et toujours en slim, au look underground mais stylé. Le hipster fait partie intégrante des nouvelles figures de la société. Il est une image qui parle à tout le monde et dans laquelle chacun retrouve un peu son idéal : un côté arty et cultivé, un look plutôt branché, une affection pour le vintage mais aussi pour les nouvelles technologies. Bref, le citadin des années 2000.
Bien que les internautes continuent de parodier les hipsters ou de proposer leur extermination sur une quarantaine de groupes Facebook, personne ne semble être encore prêt pour le grand génocide. Tout simplement parce que comme les emos, les babas cool ou les punks à chien, les hipsters correspondent à une tendance vestimentaire et lifestyle éphémère, qui sera sans doute déjà obsolète dans quelques années.
Maxime Gasnier