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Le Jeu de l’amour et du hasard : une comédie sociale détonante

Jusqu’au 06 octobre se joue la pièce Le Jeu de l’amour et du hasard au théâtre du Lucernaire. Ecrite par Marivaux et mise en scène par Salomé Villers, elle a toujours trôné parmi les classiques français de la littérature théâtrales. Auréolée de quelque chose d’éternel, la pièce met en scène les convenances sociales et les intrigues que peut y faire germer l’amour.

En bref

Le père de Silvia lui propose un mariage avec un parfait inconnu. Mais, terrifiée par la gravité de la décision, elle décide d’échanger de rôle avec sa servante, Lisette, afin de mieux examiner son prétendant. Seulement de son côté, le prétendant nommé Dorante adopte le même stratagème, ce qui assure à la représentation une cascade de quiproquos enchevêtrés. Et permet de poser la question de l’amour et du mariage, du désir et de la classe. Le mariage est « une bagatelle qui vaut bien la peine qu’on y pense » réplique Silvia.

Des personnages bien trempés

L’intrigue se noue d’abord autour de Silvia, qui a un rôle « focalisateur ». C’est celle qui imagine le stratagème, puis organise la conquête de Dorante. Amoureuse tout en étant en proie à son amour-propre, la pièce la conduit proche de la folie, jusqu’aux cris du moins. Dorante est construit symétriquement à Silvia d’un point de vue psychologique. Arlequin, son valet, déploie un éventail de gestes et singeries très comiques. Il est comme le double négatif de Dorante, bouc-émissaire des distingués. Quant à Lisette, elle s’institue en rivale sociale de Silvia, progressivement dans la pièce. Ces personnages et leurs relations en demi-teinte sont observés « de haut » par Orgon, qui incarne le père moderne, et son fils, le frère de Silvia.

De ces caractères imprégnés des classes sociales, découle ce qu’on a appelé des marivaudages. En d’autres termes une sorte de mélange de subtilités et de locutions triviales, de sentiments alambiqués et de dictions populaires. La pièce alterne entre loufoqueries et subtilités, la parodie de chaque groupe par l’autre en est emblématique. Lisette et Arlequin vont ainsi parodier le langage précieux de leur maître : « Je brûle et je cours au feu » s’écrie Arlequin. Ou bien « Vous ne vous attendez pas au fond du sac » prévient-il maladroitement Lisette.

De gauche à droite : Le frère, Orgon, Silvia, Dorante Crédit photo : Lacritiquerie

De gauche à droite : Le frère, Orgon, Silvia, Dorante
Crédit photo : Lacritiquerie

Et Marivaux dans tout ça ?

Le théâtre de Marivaux s’est toujours ouvert à un vaste public, en proposant une comédie où l’on ne rit contre personne, mais plutôt de ce que les personnages disent. Le texte y est central, et l’interprétation de Salomé Villers n’y fait pas défaut. Bien que le personnage du frère semble un peu trop exagérer son plaisir malicieux à se délecter de la scène, les personnages restent dans l’ensemble très bien interprétés. Sans toutefois verser ni dans l’académisme à outrance ; ni dans l’excessive liberté d’interprétation. Arlequin, lourd et pataud chez Marivaux, devient par exemple un « beauf » moderne dans cette mise en scène.

La metteuse en scène réussit à tenir cet équilibre. Moderniser le classique sans le dénaturer, défi théâtral par excellence. La modernisation passe donc par quelques effets scéniques (la musique des sixties, les séquences vidéo qui entrecoupent les scènes, les chausson Gary l’escargot de Orgon). Et cela fait bon ménage avec les textes très sophistiqués, les envolées lyriques et l’élocution impeccable des comédiens.

Crédit photo à la Une : Youtube.

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