Le Festival du Désert est l’un des plus connus de l’Afrique de l’Ouest. Il a lieu non loin de Tombouctou, dans le Nord du Mali. Tout comme le festival du Niger, c’est un événement annuel qui représente la vitalité artistique du Mali. Mais ce festival a été mis à mal ces dernières années par la menace terroriste. Bien que la France soit intervenue militairement en 2012, le risque d’une attaque djihadiste ne s’est toujours pas estompée dans la région.
La menace plane
Il y a encore à peine 2 semaines, une attaque suicide a visé un camp militaire dans la cité de Gao. Elle a coûté la vie à 77 personnes.
Prévu pour ce weekend, le retour du festival devait être triomphant, et se faire dans la joie. Des dizaines de troupes de musiciens avaient préparés leurs instruments pour le voyage direction Nord. Des équipes techniques avaient embarqué leur matériel et traversé le fleuve Niger pour se rendre à la destination précise gardée secrète jusqu’au dernier moment. Aucune annonce officielle n’avait été proclamée, les organisateurs savaient que la foule serait au rendez-vous.
Mais les questions de sécurité ont repris le dessus.
La musique comme élément de culture
Depuis 2012, ce festival, connu dans le monde entier, doit subir cette incertitude et survivre en exile. Des extrémistes qui se revendiquent de l’Islam ont envahi la région en 2012, et y ont appliqué une forme abjecte de Sharia.
Les femmes étaient fouettées si elles portaient des vêtements jugés indécents. Les voleurs, on leur coupait la main. Les couples adultères étaient lapidés sur la place publique. La musique était interdite. Ce dernier point était particulièrement impensable au sein d’une culture dont la musique tient ses racines de la tradition des griots. Djéli en bambara, le dialecte le plus courant au Mali ; veut dire griot, qui est un artisan du verbe, un poète, un raconteur mais surtout la mémoire du village, un livre d’histoire vivant.
Qui dit griot dit forcément tradition orale. C’était à l’époque au travers d’eux et de leur savoir que se transmettait l’histoire des communautés. C’était à eux à qui revenait la tâche d’arbitrer des conflits sociaux, en tant que détenteur de légendes, de mythes et de sagesse. De surcroît musiciens, ils ont longtemps conservé le monopole du jeu des instruments mélodiques.
Aujourd’hui encore, dans des villages Dogon, reculés dans la région Nord près de Tombouctou, on trouve des griots actifs au sein de leur société. Mais il y en a de moins en moins. Les musiciens ont pris le dessus, et ont transformé la tradition en un style mélodieux identifiable dans le monde entier. Pas seulement par son chant, profondément rythmé et mystique ; mais aussi par le son instantanément reconnaissable d’instruments locaux telle que la kora, le balafon ou le kamele n’goni.
Une interdiction qui démoralise
La décision d’interdire la festival ne proviendrait pas des organisateurs, mais du gouvernement, qui ne voulait pas prendre ce risque après l’attaque sanglante de Gao.
Paul Chandler, un organisateur de concert qui travaille souvent au Mali, a exprimé son regret, et affirme que ce festival représente plus qu’une question de musique – c’est une manière de rassembler le peuple et les nombreuses tribus du Mali, de se réconcilier. « Ce n’est pas comme aller à un simple concert, » dit-il. « Cela devient une véritable communauté, et c’est l’occasion de rencontrer des gens différents de vous, et de réaliser qu’ils ne sont pas si différents de vous tout compte fait. La musique c’est un moyen de nous rassembler. Mais cette esprit de communion, de rencontre dans la diversité, c’est quelque chose d’unique. »
D’anciens musiciens qui ont participé à ce festival incluent Tinariwen, Bombino, Oumou Sangaré, Toumani Diabaté et Bassekou Kouyate.
Manny Ansar, l’un des organisateurs clés du festival, a annoncé que des discutions étaient en cours et que la volonté d’organiser cet événement était bien présente. Impossible de savoir pour l’instant quand on entendra encore la musique gronder à Tombouctou.
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