
Cette nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo offre une version élégante qui approfondit les thématiques – mais change la fin de l’histoire.
C’est quoi, Le comte de Monte-Cristo ? Le jeune Edmond Dantès (Sam Claflin) est de retour à Marseille, après une importante expédition maritime. Tout lui sourit ; il vient d’être nommé capitaine et il s’apprête à épouser Mercedes (Ana Girardot), son grand amour. Mais c’est compter sans la haine et la jalousie que lui attire sa bonne fortune. Suite à une fausse dénonciation, il est accusé de trahison au profit de Napoléon exilé à l’île d’Elbe et il est enfermé sans jugement dans la sombre forteresse insulaire du château d’If Quinze ans plus tard, avec l’aide de l’abbé Faria (Jeremy Irons) rencontré en prison, Dantès parvient à s’échapper. Grâce au trésor dont l’Abbé lui a révélé l’existence, il prend l’identité du Comte de Monte-Cristo et ourdit un complot pour se venger de ceux qui l’ont trahi et l’ont privé de sa liberté, de sa bien-aimée, de sa famille et de tout ce qui lui était cher.
PRESENTEE AU FESTIVAL CANNESERIES 2025
Certains classiques de la littérature reviennent régulièrement sur nos écrans parce qu’ils ont quelque chose d’universel qui nous parle à tous. Avec son histoire de vengeance, le roman d’Alexandre Dumas Le Comte de Monte-Cristo en fait partie. On peut citer la série avec Jacques Weber (1979) ou celle avec Gérard Depardieu (1998) ; en 2024, deux nouvelles adaptations se sont ajoutées à la liste. Après le film avec Pierre Niney qui a connu l’immense succès que l’on sait, voici une mini-série de huit épisodes présentée au festival Cannes Séries, réalisée par Bille August et avec Sam Claflin dans le rôle principal.
Une belle série d’époque
Ce Comte de Monte-Cristo présente toutes les caractéristiques des grandes séries d’époque : costumes magnifiques, ambiance du XIXème siècle parfaitement rendue, décors impressionnants qui nous emmènent de Rome à Paris en passant par Malte, Marseille, le Château d’If. Sur la forme, rien à redire : la mise en scène soignée, la réalisation classique et élégante sont idéales pour traduire en images les mots de Dumas et visuellement, le résultat est superbe.
Il faut dire que, sans dénigrer le travail des scénaristes, la trame était quasiment déjà écrite épisode par épisode. Le Comte de Monte-Cristo est paru en France de 1844 à 1846 sous forme de roman-feuilleton – c’est-à-dire un récit plein d’aventures, de rebondissements et d’intrigues écrit pour être lu par chapitres, au fil de la parution dans la presse. Le format de la mini-série se prête donc très bien à l’adaptation. Elle dispose du temps nécessaire pour suivre le matériau original qui contient déjà intrigues, sous-intrigues et cliffhangers, sans rien omettre ou presque.
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Coproduction entre la RAI, France TV et Palomar, la série réunit une distribution internationale avec notamment Ana Girardot, Jeremy Irons, Mikkel Boe Følsgaard, Blake Ritson, Michele Riondino ou Nicolas Maupas. Et évidemment Sam Claflin dans le rôle principal. L’acteur britannique livre une performance absolument brillante, montrant l’évolution de Edmond Dantès, du jeune homme naïf et amoureux à celui que les épreuves ont rendu froid et déterminé à se venger.
Une nouvelle version et des choix diversement appréciés
Proposer une œuvre maintes fois adaptée au cinéma et à la télévision suppose une question essentielle : comment faire à nouveau Le comte de Monte-Cristo sans tomber dans la banalité et lasser les spectateurs qui (à moins d’avoir vécu sur une île déserte ou passé quinze ans enfermés dans une geôle) connaissent cette histoire par cœur ? La série a opté pour deux directions, l’une discutable et l’autre beaucoup plus pertinente.
Commençons par le sujet qui peut fâcher : l’ensemble est globalement fidèle à l’œuvre originale – jusqu’au dénouement, radicalement différent. On n’en dévoilera rien, mais la décision de réécrire la fin du roman a suscité de vives réactions en Italie, où la série a déjà été diffusée. Malgré les tentatives un peu maladroites de justification des scénaristes et des producteurs, de nombreux spectateurs ont critiqué cette conclusion qui selon eux transforme complètement le sens donné à l’histoire.
En revanche, la série parvient à mettre à profit le temps accordé pour équilibrer parfaitement le rythme narratif et l’introspection psychologique. Là où un film de trois heures ou les autres mini-séries se concentrent essentiellement sur les coups de théâtre et les rebondissements, la mini-série avec ses huit heures a l’opportunité de creuser les personnages (Dantès en particulier) et de s’appesantir sur la psychologie, le thème universel de la vengeance et les dilemmes moraux qui en découlent.

Vengeance et / ou rédemption ?
Ici, l’histoire de Edmond Dantès embrasse des thèmes et des sentiments primordiaux : l’envie, la jalousie, la haine, le pardon, l’amour, l’amitié, la trahison le destin et évidemment la vengeance. Mais on dépasse justement le cadre de la « simple » histoire de vengeance avec des questions sous-jacentes plus profondes. Une fois les torts réparés, accède-t-on au bonheur ? La satisfaction qu’apporte la vengeance est-elle nécessaire pour se reconstruire et trouver la paix intérieure ? La vengeance est-elle compatible avec la rédemption ? Ou, pour le dire de façon plus pragmatique : est-ce que tout cela en vaut vraiment la peine ?
Avec au final l’idée que l’aboutissement d’une revanche aveugle s’avère beaucoup moins satisfaisante que ce qu’on pouvait le penser, et qu’elle est même susceptible de se retourner contre celui ou ceux qui la mettent en pratique. C’est tout l’enjeu de l’obscur voyage qu’entreprend Edmond Dantès, avant de prendre conscience de la pertinence de la citation de Gandhi : «Œil pour œil, et le monde finira aveugle. »
Cette nouvelle version du comte de Monte-Cristo offre une adaptation superbe, élégante et soignée, qui exploite parfaitement l’espace de temps que lui accorde son format pour reprendre l’essentiel de l’histoire sans négliger de creuser la psychologie du héros. Reste la décision d’un dénouement différent de celui du roman. Les séquences n’occupent que quelques minutes à l’écran mais cela suffit à faire de cette version une réinterprétation plutôt qu’une adaptation fidèle. Choix pertinent ou malavisé ? Chacun en jugera.
Le comte de Monte-Cristo
8 X 53′ environ.