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Polémique : 13 Reasons Why est-elle une série nécessaire ou dangereuse ?

Les réactions se multiplient autour de 13 Reasons Why et la polémique enfle entre ses partisans et ses détracteurs.

Dire que 13 Reasons Why est un véritable phénomène, c’est énoncer une évidence. Tirée d’un roman de Jay Asher, la série a engendré une multitude de réactions, en particulier sur les réseaux sociaux : plus de 11 millions de messages ont été twittés à son sujet ! Parmi ce nombre effarant de commentaires, on a lu tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi.

Depuis quelques jours, on assiste à une escalade dans l’outrance, et la polémique enfle entre ceux qui qualifient la série de « nécessaire » et la portent aux nues et les autres, qui la fustigent et l’accusent d’être « dangereuse ». D’un côté, on souligne que 13 Reasons Why traite de thèmes difficiles mais qu’il faut aborder, on la juge indispensable et on en vient à militer pour en rendre le visionnage obligatoire dans les écoles ; c’est par exemple le cas en Italie, où une pétition dans ce sens a déjà récolté plus d’un millier de signatures. A l’opposé, des voix s’élèvent pour critiquer la série, l’accusent de favoriser le passage à l’acte chez les jeunes les plus fragiles, voire d’inciter au suicide via le personnage d’Hannah Baker ; le Canada vient de bannir toute discussion en rapport avec la série dans les milieux scolaires et la Nouvelle-Zélande l’a carrément interdite aux moins de 18 ans. N’ayons pas peur des mots : on frôle l’hystérie. Il est temps de dire STOP ! On se calme, on prend une profonde inspiration, et on tente de dépassionner le débat.

C’est quoi, 13 Reasons Why ?  Quelques semaines après le suicide de son ami Hannah Baker Katherine Langford), Clay Jensen (Dylan Minnette) reçoit un paquet contenant 7 cassettes audio. Sur 13 faces de ces cassettes, Hannah s’adresse à 13 personnes de son entourage et révèle ce qu’elles ont fait – ou n’ont pas fait – pour la conduire au suicide. A la manière d’une chaîne, les cassettes circulent d’un personnage à l’autre, chacun découvrant alors le rôle qu’il a joué dans la mort de la jeune femme. En écoutant ce qu’elle a vécu, Clay est tenté d’agir pour réparer les torts qui lui ont été faits ; mais il sait aussi qu’il apparaîtra, à un moment ou à un autre, dans ces cassettes. Quelle est sa part de responsabilité ?

A lire aussi : On débriefe pour vous … 13 reasons why le bouleversant nouveau teen drama

13 Reasons Why aborde un sujet tabou : le suicide, et plus particulièrement le suicide des adolescents. Et elle le fait de manière crue, sans filtre : dès le départ, le spectateur sait que Hannah Baker est morte, et c’est par le truchement de sa voix enregistrée sur les cassettes que, en flashbacks, on découvre les raisons qui l’ont poussée à mettre fin à ses jours. L’immersion est totale: le point de vue est celui d’Hannah, il est totalement subjectif et on est obligé d’entendre sa souffrance. La scène du suicide est également montrée de façon directe et explicite, sans euphémisme.

A ce stade, on peut déjà s’interroger sur le rôle de la fiction : a-t-elle un message à faire passer et une responsabilité à assumer, ou est-elle libre de raconter ce qu’elle veut et est-ce au public de faire la part des choses entre fiction et réalité ? Il serait facile de se prononcer en faveur de la seconde option. Sauf que 13 Reasons Why prend la forme du teen drama pour s’adresser à un jeune public particulièrement sensible aux thèmes qu’elle aborde. Il serait trop facile de se cacher derrière la licence qu’autorise la fiction. Du reste, les créateurs de la série ne le font pas. Dès lors, on peut s’intéresser à la polémique en elle-même.

L’auteure de ses lignes n’est pas psychiatre, et peu attirée par la psychologie de bazar. Je ne saurais donc dire si 13 Reasons Why présente un réel danger pour ses spectateurs. Mais les reproches émanent notamment d’associations luttant contre le suicide des jeunes, et on peut supposer qu’elles savent de quoi elles parlent… La présidente d’un organisme australien a par exemple expliqué s’inquiéter de l’impact de la série, susceptible selon elle de favoriser le passage à l’acte voire de créer un effet de contagion (un phénomène connu en psychiatrie sous le nom d’effet Werther – en référence au personnage d’un roman de Goethe). Soit. Mais dans le même temps, toujours en Australie, on assiste à une explosion du nombre d’appels aux lignes de prévention du suicide des jeunes. Sans être Sigmund Freud, on suppose que c’est plutôt positif : on en déduit que 13 Reasons Why libère la parole et aide à une prise de conscience chez des adolescents à risques.

Clay face au suicide d’Hannah. Welcome to your tape.

 

Nous avons tous été adolescents. Nous savons bien qu’il s’agit d’un âge délicat, où les sentiments et la sensibilité sont exacerbés, où tout prend vite une dimension dramatique. On sait aussi que la souffrance n’est pas quantifiable : elle dépend de chacun, et une situation vécue comme bouleversante par certains en laissera d’autres parfaitement indifférents. Parmi la multitude de commentaires exprimés, l’un d’eux a retenu notre attention : dans un tweet, l’actrice Shannon Purser (Barb dans Stranger Things) a résumé ce qui semble être la position la plus  mesurée et la plus sensée : « Je mettrais en garde contre le visionnage de 13 Reasons Why, si vous luttez contre des pensées suicidaires,  l’automutilation / ou que vous avez subi des violences sexuelles. »  Avant d’ajouter d’autres messages, qualifiant le travail accompli par 13 Reasons Why d’important et admirable, et de préciser : « Mon seul souci, c’est que vous soyez tous en sécurité et que vous ne regardiez pas sans le vouloir quelque chose qui pourrait vous affecter émotionnellement. »

La bonne attitude face à 13 Reasons Why est sans doute là : dans la réflexion et la modération. A chacun de savoir dans quelle mesure il est susceptible d’être affecté par les sujets délicats abordés par la série, en fonction de sa sensibilité. Et plus encore : aux parents et aux proches de juger de l’état émotionnel des jeunes de leur entourage, d’être présents et de les accompagner s’ils estiment que 13 Reasons Why présente un risque. Un peu de bon sens, et fin de la polémique.

13 Reasons Why n’est ni indispensable, ni dangereuse. A moins qu’elle ne soit les deux à la fois… C’est indéniablement une série très lourde et chargée sur le plan émotionnel. Susceptible de libérer la parole, porteuse d’un message fort, elle  peut aussi  accentuer le mal-être sous-jacent d’un spectateur déjà fragile. En définitive, 13 Reasons Why nous met face à nos responsabilités – les adultes en premier lieu. Sans la porter au pinacle ou la diaboliser, elle apparaît comme un moyen d’aborder des questions délicates, mais il convient de rester attentif pour prévenir le passage à l’acte qu’elle pourrait faciliter.        

13 Reasons Why – Netflix.

13 épisodes.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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