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On débriefe pour vous … American Gods, qui sort en DVD (Starz)

Superbement mise en images, American Gods séduit par son esthétique hyper soignée, surchargée de symboles. Peut-être au détriment du fond, souvent abscons…

C’est quoi, American Gods ? Shadow Moon (Ricky Whittle) purge une peine de prison en attendant de retrouver son épouse Laura (Emily Browning) à sa sortie. Mais quelques jours avant le terme de sa condamnation, il obtient une libération anticipée : se femme vient de mourir dans un accident de voiture. Dans l’avion qui le conduit aux obsèques, Shadow fait la connaissance d’un vieil homme, Mr Wednesday (Ian McShane), qui semble en savoir long sur son compte  et qui lui propose de l’employer comme chauffeur / garde du corps / homme de mains. Shadow ignore qu’il vient de s’embarquer dans un road trip hallucinant, déclencheur d’une guerre entre les divinités archaïques et les Dieux modernes que sont la télévision, l’automobile ou internet…

C’est peu dire qu’American Gods était l’une des nouveautés les plus attendues de la saison. Adaptation du livre-culte de Neil Gaiman, avec un scénario intrigant et un casting alléchant (Ian McShane, Peter Stormare, Gillian Anderson entre autres), signée par un Bryan Fuller qui, de toute évidence, avait là à matière à développer le style visuel excentrique et complexe dont il est coutumier : American Gods avait tout pour séduire. En théorie.

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On n’en attendait pas moins de Bryan Fuller : il nous offre avec American Gods une explosion d’images hallucinantes et envoûtantes, poussant au paroxysme les artifices mis en œuvre dans Hannibal. Le showrunner va encore plus loin dans la symbolique, les allégories et les fantasmes – sans qu’il soit toujours possible de les décrypter. Visuellement (et exceptées quelques séquences comme la scène d’ouverture où on frôle la série B, avec des jets de sang graphiques à la Spartacus) , l’ensemble est globalement sublime, si l’on adhère à cette sophistication un brin maniériste . Sous-tendus par une bande-son atonique angoissante, les tableaux se succèdent dans des couleurs éclatantes qui contrastent avec une photographie obscure, et il s’en dégage une atmosphère sinistre et oppressante, proprement fascinante.

iggy alias Bowie, alias Media, alias Gillian Anderson

 

C’est justement par son atmosphère et ses images qu’American Gods marque les esprits. A la fin de la saison, on a moins en mémoire une histoire que des instantanés : Gillian Anderson sous les traits de Lucille Ball ou David Bowie, les scènes érotiques ou pornographiques, les flash-backs illustrant l’introduction des anciens cultes en Amérique, la fête délirante qui conclut la saison, et bien sûr le magnifique générique.

Indéniablement, American Gods est l’une des plus belles séries de la saison – et la plus incompréhensible. Au point qu’on ne sait pas toujours ce qu’on regarde !  Pour autant, après 8 épisodes, l’histoire est facile à résumer : une bataille se prépare entre les anciens et les nouveaux Dieux.  Et c’est à peu près tout. Le synopsis tient en une ligne, qui reprend mot pour mot celui annoncé lors de la promotion de la série avant son lancement. On n’est guère avancé. La raison tient moins à un récit non-linéaire voire chaotique qu’à la faiblesse des deux trames, très succinctes, qui servent de fil conducteur à la saison : – le voyage de Laura et Mad Sweeney d’un côté, celui de Moon et Mr Wednesday de l’autre.  Entrecoupées de séquences oniriques et fantasmées, de flash-backs, ou de scènes déconnectées du récit, les deux axes narratifs restent assez évasifs. Tout est suggéré, rien n’est explicite : à l’instar de Shadow Moon, nous  avançons à tâtons, à la remorque de Wednesday qui en sait beaucoup plus qu’il n’en dit, et nous en sommes réduits à tenter de deviner ce qui se passe en décryptant des allusions et sous-entendus pendant 7 des 8 épisodes.  

Cette construction baroque se révèle pertinente lorsqu’elle sert à l’introduction des différents protagonistes qui, à des degrés divers, ont tous un rôle à jouer dans la guerre qui s’annonce. Présentés les uns après les autres au fil des épisodes  sans souci de cohérence ou de linéarité, les personnages restent entourés d’un aura de mystère, mais on devine leur identité, leur nature, un arrière-plan mythologique, certains traits de caractère ou éléments de leur passé. Dans ce cas, les quelques pistes esquissées fournissent suffisamment de matière pour maintenir l’intérêt et donner envie d’en découvrir davantage. En revanche, sur le plan de la narration en elle-même, le fil conducteur est trop ténu. Un récit éclaté façon puzzle peut avoir son charme, dès lors qu’une vision d’ensemble commence à se dégager, mais c’est ce qui manque à American Gods, où la dilution de l’intrigue suscite plus souvent l’ennui que la curiosité.

Shadow Moon, qui n’a rien compris non plus à American Gods

 

La tentation de jeter l’éponge en cours de saison est donc grande, tant on est  frustré par l’impression de chaos et l’absence de réponses. L’opiniâtreté est toutefois récompensée dans un  ultime épisode qui donne enfin du sens à l’ensemble. Encore faut-il arriver jusque-là… A en croire les lecteurs du livre, la saison 1 est fidèle au premier tiers du roman jusqu’au copier-coller, y compris dans l’ésotérisme et le propos volontairement abscons. Reste à savoir si l‘expression écrite et le format audiovisuel relèvent des mêmes ressorts et si la démarche du lecteur est la même que celle du spectateur…  En un sens, la saison d’American Gods fait presque figure de loooooong pilote, qui met en place ses personnages et prépare la guerre annoncée dans la bande-annonce. L’exercice critique est donc bien difficile. En elle-même, cette première saison peut sembler décevante car trop contemplative et décousue ; mais une fois la série achevée,  elle apparaîtra peut-être comme l’introduction parfaite d’un tout. Il conviendra alors de tempérer un jugement un peu dur sur une première saison où le scénario s’efface au profit de la quasi-perfection plastique.

Le fond et la forme. En prenant séparément les deux aspects, la saison 1 d’American Gods tient presque du désastre narratif et du bijou esthétique. Une suite de cartes postales magistrales, à peine reliées entre elles. Mais la forme et le fond sont-ils dissociables ?  Une esthétique étourdissante suffit-elle à combler le vide d’un scénario qui peut se résumer à : un type accompagne Odin pour préparer une guerre entre les Dieux ? Après un dernier épisode qui semble enfin annoncer une trame plus riche, on veut bien réserver notre jugement. Pour l’instant, en tous cas, qui veut regarder American Gods est contraint d’adopter la même attitude que Shadow Moon : une foi aveugle, en attendant la suite des événements.

American Gods (Starz)

Disponible en DVD et Blu-Ray

8 épisodes de 50’ environ.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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