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L’appartement sud-américain, reportage photographique

Nous sommes à Torrassa, un quartier de la périphérie de Barcelone, dans une colocation partagée par des femmes et un jeune homme. J’ai vu déambuler sous mes yeux la facette d’une ville que les touristes soupçonnent à peine. Torrassa c’est le quartier des émigrés d’Amérique du sud. On y parle un espagnol suave, qui coule dans la gorge comme une liqueur. C’est une langue faite de sucre, d’huile et de soleil. Le catalan n’y existe presque pas. L’espagnol y est multiple, riche, rythmé et prononcé différemment selon la provenance. Bien qu’il y ait des familles, l’immigration est plutôt féminine car l’emploi manque et les femmes ont plus de facilités pour trouver un emploi dans les foyers espagnols.

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Le soir, après avoir  déposé les enfants qu’elles gardent, après avoir lavé et repassé le linge de  leurs employeurs, elles s’empressent de s’occuper du leur.  Puis,  une fois mangé et remercié discrètement le seigneur pour  l’assiette et la journée de labeur, elles s’attablent, chacune devant un ordinateur,  un casque sur les oreilles,  connectées sur msn et skype. Elles parlent avec la famille restée au pays. La pudeur m’oblige à quitter la pièce par peur de surprendre la solitude et l’amour. Après deux heures passées devant l’écran, elles iront se coucher car la journée de demain commencera tôt avec la classe de catalan. Il faudra ensuite s’occuper d’autres enfants, laver et  ordonner chez un autre, tresser en nattes les cheveux d’une fille qui à l’âge de la sienne.

 

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Je m’assois souvent sous le porche, à la recherche d’un courant d’air. Depuis ma place j’observe le manège des hommes qui regardent, tout comme moi,  la rue vivre. Certains reviennent du travail. La plupart sont accoudés aux barrières, aux affaires. Du coup ils attendent et boivent l’aguardiente. Ils stagnent, impassibles et silencieux jusqu’à ce qu’ils ouvrent leurs cœurs à qui les écoute. On ne sait pas trop pour quelles raisons ils se libèrent ainsi. J’imagine que c’est parce qu’ici le soleil brille haut et jusque tard sur le trottoir sale à l’odeur étrange d’urine, de poubelles et de Marie-Jeanne. C’est sans doute aussi car le chômage a privé de liberté certains hommes. Un peu plus haut, on peut voir, dans le parc aux oiseaux, des jeunes se promener avec des perruches sur l’épaule, elles rappellent d’autres arbres, d’autres lieux mais un peu comme eux, elles ont les ailes à demi coupées.Je vis bien dans cet appartement communautaire, partagé par un couple d’équatoriens, une bolivienne, une autre équatorienne et un colombien de mon âge. Ce sont des gens très accueillants, très croyants également. Je m’endors chaque nuit à la belle étoile dans le patio de l’appartement, veillé par le bruissement du linge qui sèche et s’étale largement sur les fenêtres de l’immeuble, tel des voiles se décrochant d’un mât.

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 Maxime François (texte et photos)

 

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