Le gouvernement a décidé de lutter contre la prolifération des téléphones en prison. Pour cela, il lance deux grands chantiers visant le brouillage des communications mobiles et l’installation de téléphones fixes en cellules.
L’an dernier, les prisons françaises enregistraient un nouveau record : 40.067 téléphones et accessoires numériques (cartes SIM, chargeurs, …) confisqués dans les 180 prisons françaises. En 2016, 33.521 appareils étaient interceptés. Tandis que dix ans plus tôt, 4.977 téléphones étaient confisqués pour 62.000 détenus. En 2017, près de 70.000 détenus dormaient derrières les barreaux : soit près d’1,74 téléphone par prisonnier.
Récemment, la fuite d’images de Kaaris, emprisonné, sur les réseaux sociaux questionne cette circulation illégale. Dès la mi-août, la Justice décide d’ouvrir une enquête quant à cette diffusion massive de vidéos et images du rappeur. Lors d’une fouille de la cellule du rappeur, deux iPhones sont découverts.
La Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP) explique cette hausse de téléphones interceptés – un bond de 20 % en 2017 par rapport l’année précédente – par l’amélioration des techniques de fouille mais aussi l’augmentation des détenus incarcérés et des téléphones en circulation. Si les prisonniers arrivent à se procurer un tel matériel, pourtant interdit, c’est majoritairement grâce à leurs complices non emprisonnés. Les portables tombent du ciel alors qu’ils sont jetés dans les cours de promenade, ou passent de main en main lors des séances en parloir.
La contre-attaque du gouvernement
Pour lutter contre ces moyens de communication dissimulés mais bien existants, Nicole Belloubet souhaite dédier 15 millions d’euros à deux grands chantiers : la mise en place d’un brouillage effectif contre les communications mobiles et l’installation de près de 50.000 téléphones fixes dans les cellules. Actuellement, les prisons françaises comptent près de 800 brouilleurs mais seulement 10 % de ce matériel est réellement fonctionnel. Dans SudOuest, Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Pénitentiaire, affirme que « le brouillage est essentiel : la radicalisation, la préparation d’évasions, et surtout, les trafics passent par les réseaux ».
Le 7 janvier, la Maison d’arrêt parisienne de santé ouvrira de nouveau ses portes suite à quatre ans de travaux. Elle sera la première d’une longue lignée d’établissements pénitenciers à disposer de l’installation promise par le Ministère de la Justice.
Mais c’est la prison de Montmédy, dans la Meuse, qui expérimente pour la première fois les téléphones fixes dans les cellules deux ans durant, depuis 2016. La tentative est jugée « très positive« , selon le quotidien SudOuest, cette installation aurait ainsi permis de faire « baisser les tensions« .
SAGI.fr brouille la communication
La société française SAGI.fr assurera le brouillage des communications téléphoniques dans le système pénitentier français pour une période de six ans. Le budget provisionnel s’établit déjà à 20 millions d’euros pour 2019 et devrait augmenter jusqu’à 35,5 millions d’euros en 2022. L’entreprise paiera de sa poche l’ensemble de cet investissement mais sera rémunérée par les communications des prisonniers. Actuellement, selon l’Observatoire International des Prisons, l’appel passé en prison est facturé entre 0,60 et 0,80 centimes d’euros la minute. La société SAGI.fr souhaite revoir ces tarifs jugés trop élevés pour ces prisonniers qui ne peuvent assurer de telles dépenses. Le coût d’un appel vers un fixe s’élevera donc à 0,08 centimes d’euros la minute et 2,4 euros de l’heure. Pour un appel passé vers un téléphone portable, il faudra ajouter dix centimes d’euros la minute.
« On est complètement à côté de la plaque »
Dans une interview de Franceinfo, Emmanuel Baudin confie son point de vue sur l’initiative de Mme Belloubet, garde des Sceaux. Si le brouillage des communications téléphoniques est « indispensable », le gouvernement « est complètement à côté de la plaque » quant à l’installation des téléphones fixes dans les cellules. Pour le secrétaire général de FO-Pénitentiaire, un téléphone fixe dans des cellules de groupes est inefficace. Si cette mise en place permettra de régler le souci des téléphones portables, elle ne règlera pas le problème de la drogue et de tous les trafis organisés par téléphone. « Il va y avoir une réaction de la population pénale » regrette-t-il.
« Il faut savoir que la plupart des suicides en prison, c’est dû au trafic à l’intérieur des prisons, aux pressions que les familles à l’extérieur subissent. Pour protéger leur famille à l’extérieur, certains détenus se suicident. »
A ses yeux, l’unique solution est d' »abroger l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 qui nous interdit de faire des fouilles systématiques et qui est un vrai danger ». Seules des fouilles répétées permettraient d’empêcher les multiples trafics internes et de lutter contre la hausse constante de suicides dans les prisons françaises.
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