La Maison Européenne de la Photographie a inauguré quatre expositions, mardi 25 juin, présentant les chefs-d’œuvre de grands noms de la photographie. Parmi eux, Ferrante Ferranti, photographe et voyageur.
« Je me revendique du classicisme », tient à préciser d’emblée le photographe. Diplômé d’architecture et passionné de « vieilles pierres », Ferrante Ferranti part à la rencontre des vestiges d’antan. Son but, renouer avec la spiritualité présente dans la nature, dans les œuvres de l’Homme, aussi bien par l’Art qu’au travers de la liturgie et des rituels participatifs. « Mes photographies, nous explique-t-il, rendent hommages à tous mes maîtres, tous ces photographes, tous ces sculpteurs, tous ces artistes qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes. » Ses clichés témoignent d’un attachement particulier à la quête du sacré, cette « démarche intérieure qui nous hante ».
Tout commence par cette simple image de cheval dans une rue vide, un « cadeau » qui va donner sens à toute son existence. « C’est un moment précis où le cheval qui vient de nulle part, vient redonner le goût de la vie dans la mort […] Pour moi c’est comme une forme de résurrection. Quand j’ai vu le cheval qui m’a été envoyé et qui est revenu dans l’autre sens, j’ai eu le sentiment que la vie me donnait une réponse. » Alors ce passionné d’art baroque arpente les différents lieux religieux qui rendent un culte à la Vie dans son intégralité. Car pour lui, les rituels ne se cantonnent pas aux dogmes, il s’agit de la « technique suprême de la religion ».
« Une image ne naît pas simplement du hasard, elle puise dans sa source pour mieux trouver sa résonance »
Ferrante Ferranti explique son travail comme « une écriture de lumière. « Il faut savoir avant tout écrire et composer avec la lumière. Et ce n’est seulement qu’après avoir composé avec elle que l’on crée un langage, on raconte des histoires. »
Et de ces histoires, cet écrivain de lumière les filent en de véritables métaphores. Au-delà du travail sur la lumière et la matière, il y a cette recherche du sens caché, jouer sur les apparences. « Car aujourd’hui, regrette le photographe, l’image est vue avec beaucoup de rapidité, avec ces notions de virtuel, c’est-à-dire que l’on ne croit plus à ce que l’on voit. Donc c’est retrouver au fond ces sources droites, exigeantes, très fortes. On voit alors les choses qui ne sont pas exactement mentionnées. » Il y a dans son étude, un travail sur la lecture des signes, une volonté de percer notre sensibilité par l’imaginaire. C’est ainsi que l’on peut définir le chef d’œuvre d’un artiste comme « témoin de l’invisible. »
« Les dimensions mystérieuses ne peuvent pas être traduites, elles ne sont compréhensibles par chacun qu’au travers de leurs expériences sensibles de leur propre histoire, leur propre imaginaire. La photographie n’a jamais deux dimensions, elle en a trois. Et la troisième c’est l’imagination, ce que l’image suscite, vous émeut, vous emmène… C’est le cas du sacré. Le sacré c’est le mystère, c’est la révélation, cette quête vers quelque chose qui n’est pas visible, qu’on incarne, qu’on espère. A un moment il y a quelque chose qui survient et les choses sont lues et vécues différemment. »
Il y aussi cette nécessité de chercher une forme d’enchantement. « C’est un des rares mots où l’on retrouve le radical « chant » ». Dans l’enchantement vous avez le lyrisme. Donc à partir de là […] tout est possible, s’enchanter c’est aussi s’émerveiller. »
Jeux d’ombres et de lumières, communion avec la nature, vide, silence…Tous ces outils qui permettent à ses images de donner un message plein de force et de spiritualité. Archéologue dans l’âme, Ferrante Ferranti travaille beaucoup sur les ruines. Dans ces sanctuaires religieux vides et dépourvus d’âme, la moindre présence humaine donne tout un sens à la photographie ; sans ce croyant en prière, l’image est morte, dénuée de tout sentiment. L’architecte photographe le dit très justement : « la nature sans la vie n’est rien ».
Vous pouvez retrouver les œuvres de Ferrante Ferranti à la Maison Européenne de la Photographie. L’exposition « Itinérances » aura lieu jusqu’au 15 septembre, rassemblant 130 de ses clichés autour de trois thèmes « Pierres sauvages, Pierres vivantes », « Rencontres » et « Empreintes du sacré ».