Présentée à Séries Mania, la série d’horreur asiatique Folklore réunit six réalisateurs différents qui livrent leur version d’un mythe.
C’est quoi, Folklore ? Série anthologique présentée à Séries Mania, Folklore se compose de six épisodes indépendants, chacun confié à des auteurs et des réalisateurs asiatiques de différentes nationalités. A chaque fois, un mythe ou une légende locale sert d’inspiration à une histoire d’horreur fantastique, se déroulant à notre époque. On vous donne un aperçu de chacune d’entre elles.
A mother’s love (Indonésie)
Une jeune veuve élève seule son fils, le petit Jody, avec qui elle entretient une relation exclusive et fusionnelle. Employée pour nettoyer une maison abandonnée par son propriétaire, elle s’installe dans la demeure avec Jody. Sans se douter qu’ils ne sont pas seuls dans la maison…
C’est du mythe de Wewe Gombel (dont on ne dira rien…), version asiatique d’un thème bien connu, que s’inspire cet épisode. Habile dans sa mise en œuvre, l’histoire multiplie les revirements, fait monter la tension et parvient à dévier à plusieurs reprises d’un récit moins prévisible qu’il n’y paraît. Avec une réelle cohérence, l’ensemble aborde en arrière-plan la question de la maternité et de l’ambiguïté du lien fusionnel.
Tatami (Japon)
Selon une croyance, les tatamis ont l’étrange caractéristique « d’absorber » les émotions des occupants des maisons japonaises, se chargeant au fil des ans de leurs joies mais aussi de leurs souffrances. Journaliste malentendant passionné par cette légende, Makoto photographie les tatamis des maisons abandonnées. Lorsque sa mère l’informe de la mort de son père, Makoto se rend dans son ancienne maison : sur le tatami de son enfance, il commence à avoir des visions et des rêves qui lui révèlent des secrets refoulés du passé.
Tatami est certainement l’épisode le plus déstabilisant et le plus original de la série. Filmant l’histoire en grande partie du point de vue de Makoto, le réalisateur opte pour de longues séquences muettes et joue en permanence avec le son. Mêlant séquences oniriques, visions du héros et flash-back, Tatami est parfois confus mais toujours intriguant voire fascinant, malgré un dénouement un peu décevant.
Nobody (Singapour)
Sur un chantier, des ouvriers découvrent un cadavre avec un clou planté dans le cou. Craignant de voir la construction retardée et les acheteurs potentiels se rétracter, le promoteur et le chef de chantier ordonnent d’incinérer le corps, sans avertir les autorités. Peng, le jeune ouvrier à qui l’on confie la tâche, ne respecte pas les consignes : il décide d’enterrer le corps dans la forêt…
A nouveau, voilà une histoire classique : le cadavre enterré par Peng est celui d’une jeune fille assassinée, qui va revenir sous la forme d’un Pontianak pour réclamer vengeance. Brutal lorsqu’on découvre le martyre de la victime, le récit sert également de prétexte pour aborder des problèmes tels que l’exploitation des travailleurs immigrés ou les violences faites aux femmes. Un peu convenu, mais spectaculaire et efficace.
Pob (Thaïlande)
En difficulté financière parce qu’il paye les factures d’hôpital de sa mère gravement malade, un journaliste est chargé d’enquêter sur le meurtre d’un américain, retrouvé éviscéré dans sa cuisine à Bangkok. Sur la scène de crime, il rencontre l’assassin : un fantôme nommé Pob. Celui-ci va lui relater les événements – et lui proposer un marché…
Élégant, tourné entièrement en noir et blanc, Pob séduit par son humour noir et son ironie mordante.Un exemple ? Pob rêve de devenir célèbre grâce à internet, mais le journaliste refuse de raconter son histoire sur son blog, arguant que les trolls le dévoreraient tout cru. « Je ne suis pas un troll, mais je peux te dévorer aussi » lui rétorque Pob… L’épisode est à la fois d’une drôlerie irrésistible et d’une violence gore. A l’image d’un Pob aussi inquiétant qu’hilarant. Cet épisode détonnant s’achève en outre de manière excellente (mais flippante).
Toyol (Malaisie)
Tout commence par la mort d’une jeune fille et de son bébé, carbonisés dans une explosion de gaz. Quelques temps plus tard, des milliers de poissons sont retrouvés morts, inexplicablement, dans la rivière d’une petite ville de pêcheurs. Face au mécontentement et à l’inquiétude des habitants, le député local promet de résoudre le problème. C’est alors qu’il rencontre et tombe amoureux d’une mystérieuse chamane, qui prétend pouvoir rendre sa prospérité à la petite localité.
Toyol est peut-être la moins réussie de ces six histoires. La révélation finale est certes surprenante, mais quelque peu artificielle ; confus, le récit aborde toutefois des thèmes intéressants comme les superstitions ou l’écologie, mélange drame familial, histoire fantastique et satire politique.
Mongdal (Corée du Sud)
Collégien instable et colérique, Dong-joo nourrit une obsession malsaine pour la jolie Seo-woo et une jalousie féroce envers son petit ami. Les choses vont rapidement prendre une tournure dramatique… et dégénérer encore, lorsque la mère de Dong-Joo décide de prendre le parti de son fils.
Son adolescent psychopathe au regard terrifiant, ses fantasmes sadiques et l’irrésistible engrenage qui se met en place : cela suffirait déjà à faire de Mongdal un épisode intense et troublant. Mais lorsque l’histoire de cette obsession amoureuse bascule dans un mélange de fantastique et de folie pure, on monte encore d’un cran dans l’horreur. A faire passer Norman Bates et sa mère pour des héros de comédie romantique !
Six histoires, six mythes, autant de réalisateurs et de pays. Séduisante, la démarche suppose toutefois une disparité entre les épisodes en terme de ton, d’approche mais aussi de qualité… Comme dans toute bonne anthologie, une cohérence finit toutefois par se dessiner. Avec l’atmosphère et les codes propres au cinéma d’horreur asiatique, chaque épisode engendre un sentiment de malaise et se sert aussi des mythes anciens comme d’un prétexte. Plaquée sur un contexte actuel, la légende illustre des problématiques sociétales ou familiales, à mesure que des personnages lambda sont plongés dans l’horreur. Folklore est intrigante d’un épisode à l’autre : certains sont meilleurs que d’autres mais globalement, c’est une jolie réussite.
Folklore (HBO Asia)
6 épisodes de 55′ environ.