Le Sénat a publié une liste des coureurs des Tours de France 1998 et 1999 ayant eu recours à l’EPO. Une liste révélatrice qui sème encore un peu plus le doute sur l’intégrité des compétitions et continue de ternir l’image du cyclisme.
Le Tour de France 2013 à peine terminé, on en revient déjà à la triste réalité du dopage lorsque l’on évoque le cyclisme. La commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité de la lutte contre le dopage a dévoilé hier un rapport avançant 60 propositions pour des sports plus propres et contenant en annexe les bordereaux permettant d’identifier des coureurs des Tours de France 1998 et 1999 qui ont pris de l’EPO.
1998: le podium de la honte
Parmi eux, on trouve les noms de Marco Pantani, Jan Ullrich et Bobby Julich, respectivement premier, deuxième et troisième en 1998. L’Italien, qui a réalisé le doublé Tour-Giro cette année-là, n’a jamais été contrôlé positif au cours de sa carrière, mais avait été exclu de Tour d’Italie 1999 pour un hématocrite trop élevé. De plus, les circonstances de sa mort en 2004 ont révélé une addiction à la drogue et donc éveillé les soupçons sur son lien avec le dopage. Le journal italien Corriere della sera a révélé en 2011 que le « pirate » aurait acheté pour près de 36 000 euros de substances au Docteur Fuentes : EPO, stéroïdes anabolisants, et même des hormones pour la ménopause. Quant à Ullrich, vainqueur en 1997 sur la Grande Boucle, il est moins surprenant de retrouver son nom étant donné que le coureur Allemand a avoué en juin dernier s’être dopé durant sa carrière, sans pour autant mentionner l’EPO. Le cas de Bobby Julich est plus complexe. L’Américain a reconnu avoir pris de l’EPO d’août 1996 à juillet 1998, mais cette substance a seulement été détectée par la méthode visuelle dans son échantillon et l’ l’Agence mondiale antidopage (AMA) affirme que son échantillon ne présente pas tous les critères permettant de le déclarer positif.
Cascade d’aveux
Ce rapport du Sénat fait suite à cinq mois de recherches et 63 auditions et s’appuie sur les analyses effectuées en 2004 par le laboratoire de Châtenay-Malabry afin de valider les tests de détection de l’EPO. C’est aussi cette année là que des tests rétroactifs ont révélé la positivité de Laurent Jalabert. L’ancien coureur français figure sur la liste des dopés de 1998, tout comme quatre de ses compatriotes : Laurent Desbiens, Frédéric Moncassin, Pascal Chanteur et Jacky Durand. Ce dernier a déclaré « assumer » s’être dopé. Autre cycliste à avoir fait de même après la divulgation de son nom sur cette liste noire: Stuart O’Grady. L’Australien avoue s’être dopé avant le Tour 1998 mais ne plus avoir touché à des produits dopants depuis. « Quand l’affaire Festina a éclaté, je me suis débarrassé de tout ça et je n’y ai jamais plus touché », assure-t-il dans un entretien au journal The Advertiser. Autres noms figurant sur la liste : les Allemands Erik Zabel (maillot vert en 1998 et 1999), Jens Heppner et Volo Bolts, les Italiens Mario Cippollini, Andrea Tafi, Fabio Sacchi, Nicola Minali, Eddy Mazzoleni, Alain Turicchia et Ermanno Brignoli, les Espagnols Marcos Serrano, Manuel Beltran, Abraham Olano, le Néerlandais Jeroen Blijlevens (actuel directeur sportif de l’équipe Belkin), les Belges Tom Steels et Axel Merckx (fils du quintuple vainqueur de la Grande Boucle), ou encore le Danois Bo Hamburger et l’Américain Kevin Livingston (sur le Tour 1999 pour ces deux derniers).
Le cyclisme plus que jamais décrédibilisé
Jean-François Humbert, le président UMP de cette commission d’enquête du Sénat, a beau insister sur le fait que « Ces 60 propositions ne concernent pas un seul sport car tous les sports sont concernés par le dopage », ce sont bien des noms de coureurs cyclistes qui ressortent du rapport. Le vélo sort donc une nouvelle fois meurtri de ces révélations. L’Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP) avait au moins obtenu le report de la publication du rapport sénatorial, qui devait initialement sortir le 18 juillet, jour de la double ascension de l’Alpe d’Huez. De quoi limiter (un peu) les dégâts alors que les révélations concernant Jan Ullrich et Laurent Jalabert ont eu lieu quelques semaines voire quelques jours avant le départ de l’édition 2013 du Tour. La thèse du « tous dopés » est de plus en plus présente aux yeux du public. En France encore, les audiences ont été bonnes, et même en progression par rapport à l’an dernier. Mais au Royaume-Uni par exemple, la victoire de Christopher Froome a suscité beaucoup moins d’engouement que celle de Bradley Wiggins il y a un an. Le fait que « Froomey » n’ait jamais vécu outre-manche n’explique pas tout, cela est aussi et surtout lié aux scandales qui ont paralysé le monde du cyclisme, notamment l’affaire Armstrong. Pour l’instant, rien ne remet en cause la suprématie du coureur de la team Sky, mais allez savoir dans quelques années. Car désormais, plus rien ne paraît crédible dans le cyclisme, surtout lorsqu’on est premier.