La Corée du Nord aurait-elle un petit côté fleur bleue ? A moins qu’elle ne soit à fleur de peau pour le 60e anniversaire de l’armistice avec le Sud… En effet, il faut faire sensation. La pression est élevée lorsqu’on veut impressionner l’étranger et séduire ses habitants. L’exposition organisée pour l’occasion choisit d’allier fleurs délicates et statues militaires. Au moins, l’idée est surprenante pour une nation agressive. Si l’on se rend dans le hall des expositions de la capitale Nord-Coréenne, l’on peut désormais voir des tableaux épiques où des maquettes en carton pâte de missiles se partagent l’espace avec des bégonias. Mais il y a aussi des soldats nains qui jettent des grenades sur un lit d’orchidées. Le bon goût est à l’honneur !
Mais en Corée du Nord plus qu’autre part, le nom et les symboles sont primordiaux. Alors les bégonias rouges sont rebaptisées des ‘’Kimjongilia’’ en l’honneur du défunt Kim Jong-Il et les orchidées sont quant à elles nommées des ‘’Kimilsungia’’ en mémoire du fondateur de la République populaire démocratique de Corée, Kim II-Sung.
Les fleurs adoucissent-elles le nom d’hommes dont la réputation est ambiguë, entre célébrité locale et ennemi public ?
Le Hall des expositions cède trois de ses étages pour cette série de 70 compositions dont les bégonias et les orchidées sont les fleurs maîtresses. Mais c’est le délicat magnolia qui reste la fleur nationale du pays, il a donc été invité à être exposé lui aussi. Les deux espèces reines de l’exposition proviennent de l’étranger : la Kimilsungia s’est vue offerte au premier des Kim par l’ancien président indonésien Sukarno tandis que la Kimjongilia a été créée par un botaniste japonais. Une guide confie à une journaliste de l’AFP que c’est là un précieux signe de l’admiration que portent des nations étrangères aux grands dirigeants Nord-Coréens…
L’armistice du 27 juillet qui a achevé à la guerre de Corée en 1953 est en Corée du Nord, le ‘’jour de la victoire’’ dans la ‘’guerre de libération de la patrie’’. La majorité des tableaux cultive donc une tendance très militaire pour la gloire de la patrie. C’est un florilège de scènes de guerre, où de braves soldats dressent le drapeau national face au feu ennemi, et où des mitrailleurs et des grenadiers sont dissimulés derrière les envahissantes pétales des Kimjongilia. On y voit même des modèles réduits de la fusée Unha-3 ayant permis la mise en orbite d’un satellite en décembre dernier par la Corée du Nord. Cette initiative de lancement d’essai de missile intercontinental avait été condamnée par la majeure partie de la communauté internationale et sanctionnée par le conseil de sécurité des Nations unies. Ces modèles s’érigent en fière provocation envers les opposants de leur patrie, le reste du monde en outre. Chaque tableau incarne une administration d’Etat, un ministère ou un comité. De plus, le bout de verdure dont les contours retracent ceux de la péninsule coréenne appartient au Comité pour la réunification pacifique de la Corée. Le bouquet de fleurs coincé dans un pot exerçant une rotation sur lui même symbolise Pyongyang.
Une ouvrière, Jiang Ok-Sil, a pris des congés pour visiter l’exposition avec sa fille de cinq ans. Lorsque la journaliste de l’AFP l’interview, la jeune femme explique que « comme tous les Coréens, dès que nous voyons ces fleurs, nous nous souvenons toujours de nos grands dirigeants, Kim Il-Sung et Kim Jong-Il ». Elle ne peut répondre clairement lorsqu’on lui demande laquelle est sa fleur préférée : si elle trouve la Kimilsungia plus jolie, la Kimjongilia reste très belle aussi. L’avis ne peut être que nuancé, il ne faudrait pas non plus qu’elle ait une préférence…