Aux États-Unis, c’est bien connu, il faut faire des pieds et des mains pour se soigner. L’”Affordable Care Act” de Barack Obama n’a pas pu changer totalement la donne. Et à l’heure de la crise sanitaire mondiale, ce phénomène ne va guère en s’améliorant. Parmi les malades de la Covid-19, un bon nombre refusent même de s’arrêter de travailler car il faut choisir entre payer le loyer ou s’occuper de sa santé, ce qui favorise l’expansion de la pandémie.
C’est un pays immense où 28 millions de personnes, c’est-à-dire 9% des Américains, n’ont pas les moyens d’accéder aux soins même minimes, faute d’assurance maladie. Pire, les frais de santé abusifs sont à l’origine de 52% des ruines financières sachant que des interventions chirurgicales peuvent être facturées plus d’1 million de dollars!
On comprend alors que de ne pas posséder d’aide médicale puisse pousser les américains à jouer à la roulette russe avec leur vie; et que certaines cliniques aillent même jusqu’à organiser des loteries pour gagner des soins gratuits, pour ne plus avoir à choisir entre le pain ou les soins…
Santé publique américaine: un triste constat
Il est de plus en plus difficile de bénéficier du programme d’aide pour les plus défavorisés (Medicaid), notamment depuis que les Républicains cherchent à modifier les lois. En 2017, on comptait 60 votes au congrés en l’espace de 6 ans pour empêcher l’application de l’Obamacare.
Ce dispositif avait pourtant contribué à diminuer le taux de personnes sans couverture sociale de 16% à 8,9% depuis 2010. Et il visait principalement les classes moyennes fragilisées, les plus défavorisés étant déjà couverts par les autres programmes.
La chef des Démocrates, Nancy Pelosi, a largement déploré le fait que le président Trump veuille supprimer la plupart des protections sociales plongeant ainsi dans la précarité plus de 130 millions d’Américains. “Si un système de santé à l’européenne n’est pas mis en place en 1945, c’est parce que la société américaine ne voulait pas payer pour les minorités”, c’est ce qu’a rappelé l’historienne Laurence Naton. Il faut dire que le mot “solidarité” employé en Europe se traduit plutôt par la notion controvorsée de “socialisme” qui fait particulièrement débat aux Etats-Unis.
En attendant, les files d’attente fleurissent devant les centres de soin. Et à la clinique privée d’Arlington, justement nommée Arligton Free Clinic, la médecin volontaire Corinne Lahti dénonce: “Beaucoup ont des problèmes de santé graves car ils ne se soignent pas. Ils viennent quand ils ne peuvent plus faire autrement”.
Des malades qui ont tout à gagner
Mais dans cette même clinique, à Arlington en Virginie, on se réjouit d’avoir trouvé une solution équitable, en s’en remettant au “hasard qui fait bien les choses”, et en l’occurence au hasard le plus pur, celui de la loterie! C’est en soi un bon complément aux cagnottes qui envahissent le net concernant les opérations médicales les plus graves, et c’est plus ludique. Là, où le docteur est trop cher, on pourra s’offrir une prise en charge totale à la clinique. Qu’on ait mal au dos, aux dents ou qu’on soit atteint d’un syndrôme grave ou d’une leucémie, chacun aura la même chance de gagner le gros lot! Et comme dit l’adage, retrouver le moral, c’est déjà le début de la guérison!
À Arlington, cela fait 15 ans que 150 médecins bénévoles se battent pour répondre aux besoins de soins colossaux, en grande partie grâce à aux dons des fondations. Avec pas moins de 10 mille consultations par an, le projet de loterie solidaire est tombée à pic pour la clinique, dans une Amérique particulièrement mise à mal!
Une loterie solidaire ouverte à tous
Les conditions de jeu sont les mêmes que dans toutes les tombolas, à part que le nombre de gagnants est plus élevé, 20 à 25 gagnants tous les 15 jours, et que les gains sont directement en lien avec la générosité humaine puisque le personnel soignant de la clinique gratuite est bénévole. Sous couvert d’un justificatif de domicile d’un an, les joueurs doivent avoir plus de 18 ans et moins de 65 ans car à cet âge ont peut bénéficier du programme d’État “Medicare”.
Regroupés dans un hall, les patients qui se prennent au jeu peuvent remettre leur sort à Jody Kelly qui plonge la main dans une urne pour le tirage au sort. Ensuite, elle leur donne un ticket sur lequel tous ceux qui n’ont pas d’assurance santé, à savoir 10% des habitants d’Arlington, fondent leur dernier espoir. En effet, les hôpitaux refusent bien souvent de poursuivre des protocoles de soins et de rééducations sous prétexte que l’assurance n’inclue pas leur établissement. Et selon la Maison-Blanche, 10 mille personnes perdent chaque jour leur protection médicale. On voit à quel point les cliniques et les prises en charge sociales font défaut!
Pour les heureux gagnants, finis les soucis liés à un pépin de santé mais également relatifs à la fracture sociale! La loterie leur sauve la mise… et la vie!