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Will, Hannibal et Clarice | Seriefonia #33

A l’occasion de la diffusion de Clarice sur Salto et des 30 ans du Silence des agneaux, Seriefonia plonge dans l’horreur du plus célèbre serial killer du cinéma.

[Extrait Sonore « The Silence of the Lambs »]

[« SérieFonia : Season III : Opening Credits » – Jerôme Marie]

[« Clarice – Therapy Session » – Jeff Russo]

Le 6 mai dernier, après une grosse pause d’un mois, la série Clarice – suite officielle du Silence des agneaux à un léger détail près – vient de reprendre le cours de sa diffusion sur la chaîne américaine CBS. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les nouvelles enquêtes de l’agent Starling nous replongent goulument (si j’ose m’exprimer ainsi) dans le délicieux souvenir laissé par le long-métrage de Jonathan Demme il y a déjà… 30 ans de cela. Oui, je sais, les années passent trop vite pour qu’on ait pleinement le temps de les digérer. C’est carrément à vomir. Hein ? Quoi ? Comment ça faut qu’j’arrête avec les vannes à base de bouffe ?…  

[« The Silence of the Lambs – Lecter Escapes » – Howard Shore]

Il y a 30 ans, donc, le 10 avril 1991, l’adaptation du second roman de Thomas Harris consacré aux dégustations passées, présentes et futures du très classieux Hannibal le cannibale sortait sur les écrans français. Comme chacun sait : en têtes d’affiches, Jodie Foster et Anthony Hopkins crevaient l’écran dans ce thriller d’une rare maestria, porté par la glaçante partition d’Howard Shore, et qui aura engendré pas moins de trois suites et préquelles, en sus d’une première série télévisée aussi envoutante que glauquissime fort sobrement intitulée Hannibal.      

[« Hannibal (TV) – Entrée » – Brian Reitzell]

Trois magnifiques saisons, aussi fascinantes que malaisantes, savamment cuisinées par Bryan Fuller entre avril 2013 et aout 2015… avec un Mads Mikkelsen impérial dans le rôle de Lecter et Hugh Dancy en Will Graham, le premier « héros » imaginé par Thomas Harris dès 1981, plus perturbé que jamais. A la musique, on retrouvait Brian Reitzell : ex-superviseur musical sur les films de Sofia Coppola (de Virgin Suicide à Marie Antoinette, en passant par Lost in Translation), qui avait par la suite fait ses premières armes en matière de composition sur Friday Night Lights. Non, pas la série mais le film réalisé par Peter Berg en 2004. Par ailleurs, c’est également à lui que l’on doit les partitions de la série Boss avec Kelsey Grammer… Et, dans le cas d’Hannibal, ses albums sont loin d’être évidents à l’écoute… Les morceaux, classés par titre d’épisode, sont très longs et s’apparentent bien plus à du sound-design – parfaitement adapté aux images cela dit – mais extrêmement ardu à apprécier hors contexte… 

[« Hannibal (TV) – Buffet froid » – Brian Reitzell]

L’histoire du psychopathe Hannibal Lecter et de ses agents du FBI préférés (Will et Clarice) totalise quatre romans sous le plume de Harris. Dragon Rouge en 1981, Le silence des agneaux en 1988, Hannibal en 1999 et Hannibal Rising en 2006. Et tous ont été adaptés au cinéma. D’ailleurs, si on exclut les séries Télé, le premier roman l’a même été deux fois !

[« Manhunter – This Big Hush » – Shriekback]

En 1986, Hannibal Lecter, rebaptisé Lecktor (L.E.C.K.T.O.R), revêtait les traits – alors fort peu charismatiques il est vrai – du comédien Brian Cox dans le film de Michael Mann : Manhunter. Ou Le sixième sens en français. Personne n’imaginait alors l’Aura qu’aurait un jour le personnage une fois réinterprété par Anthony Hopkins… Mais le film, bien que très malheureusement inconnu ou oublié de la majeure partie du grand public, reste pourtant absolument magnifique à bien des égards… D’abord par sa photographie toute droit sortie du meilleur de l’ère Miami Vice. Ensuite, par les magistrales prestations de William Peterson et Tom Noonan dans les rôles de l’enquêteur Will Graham et du tueur surnommé bien malgré lui « la petite souris » tandis qu’il tente de se réincarner en dragon rouge… Et enfin et surtout par son ambiance musicale hors norme. Elle aussi dans la droite lignée du meilleur de Miami Vice, elle trouve son originalité dans le fait d’avoir été confiée à plusieurs groupes et compositeurs. The Reds, notamment, avaient à l’origine écrit pour le film environ 30 minutes de musique à tendance New Wave…

[« Manhunter – Lecktor’s Cell » – The Reds]

Mais Michael Mann, comme a son habitude, a préféré trancher dans le lard et appeler d’autres talents en renfort… Shriekback, dont vous avez entendu le morceau « This Big Hush » juste avant celui des Reds… Et Michel Rubini ; dont l’approche dark qu’il avait eu trois ans plus tôt sur Les prédateurs de Tony Scott avec Catherine Deneuve et David Bowie n’avait pas laissé indifférent le futur réalisateur de Heat et Collateral…    

[« Manhunter – Graham’s Theme » – Michel Rubini]

De mon humble avis : en véritable bijou autant qu’en pur produit de son époque, Manhunter reste, et de loin, la meilleure adaptation de Dragon Rouge. Parce que oui, lorsque sort le remake réalisé sans âme par Brett Ratner en 2002, force est de constater qu’il ne sert strictement à rien d’autre que de rendre à Anthony Hopkins ce que Dragon Rouge a donné à Hannibal Lecter… Edward Norton s’y montre absolument insipide en relève de Peterson dans la peau de Will Graham… Ralph Fiennes cabotine à mort là où Tom Noonan excellait d’horreur et de fragilité… Et même Danny Elfman à la musique semble… Et ben… s’ennuyer un peu quoi.  

[« Red Dragon – The Note » – Danny Elfman]

Il faut dire qu’un an plus tôt, le Hannibal de Ridley Scott, dans lequel Julianne Moore reprenait le rôle de Clarice supposément 10 ans après les évènements du Silence des agneaux, peinait déjà à réellement sortir son épingle du jeu. Un chouïa fainéant, le metteur en scène y faisait le strict minimum ; bien que prenant visiblement plaisir à filmer la ville de Florence sous tous les angles… A croire qu’il n’avait accepté le projet que pour ça… Le charme de la relation Hannibal/Clarice y perdait cruellement de son éclat… Gary Oldman de son côté y était vraiment terrifiant même s’il finissait comme une grosse bouse… et en revanche… Hans Zimmer, que j’avoue quand même régulièrement dézinguer pour sa faculté à penser « concept et industrie » avant de songer à créer des mélodies, opérait ici une belle petite prouesse opératique. Parfaitement dosée, et à la juste carrure du personnage…

[« Hannibal – Requiem » – Hans Zimmer]

En 2007, c’était au tour de Gaspar Ulliel de devenir Hannibal Lecter dans ce qui reste son adaptation la plus dérangeante : Hannibal Rising, ou Hannibal Lecter : Les origines du mal en version française. Particulièrement boudé par la critique, le film réalisé par Peter Webber a pourtant le mérite de proposer du neuf, toujours d’après un matériau d’origine signé Thomas Harris, et d’offrir au personnage l’une des plus macabres origines story jamais contée, sur fond de Seconde Guerre Mondiale, d’initiation japonisante et de vengeance… appétissante s’il en est. A la musique, on retrouvait le compositeur de Kick-Ass et de Stardust : Ilan Eshkeri. 

[« Hannibal Rising – Craving » – Ilan Eshkeri]

Alors que scénaristiquement parlant, Hannibal Lecter est toujours en liberté, là, quelque part… dans la mesure où sa fuite à l’issue du film de Ridley Scott est pour l’heure restée sans suite… on aurait pu croire son destin sellé pour de bon et à jamais. Et, en un sens, c’est bel et bien le cas… Car même si la série Clarice se déroule tout juste un an après la fin du Silence des agneaux et en respecte autant l’intrigue que la scénographie, ses créateurs ne possèdent pas les droits relatifs au personnage de Lecter lui-même. Bien qu’autorisés à se fondre au détail près dans tout le reste, ils ne peuvent scrupuleusement ni le nommer ni le représenter à l’image. Un handicap, certes, mais qui ne gêne finalement pas tant que ça les téléspectateurs plus enclins à suivre les conséquences post-traumatiques rencontrées par l’agent Starling qu’un énième et saignant festin humain…

[« Clarice – Ending Theme » – Jeff Russo]

Pour mieux coller à l’univers, le compositeur Jeff Russo marche correctement dans les traces d’Howard Shore et participe à sa façon à cette recréation fidèle de l’ambiance si magistralement établie en 1991 par Jonathan Demme… Et comme Jeff Russo a déjà eu droit à un SérieFonia rien qu’à lui l’année dernière (oui, oui, promis, on vous le rediffusera prochainement en version podcast), je ne vais pas m’attarder ici… Je vais plutôt en profiter pour boucler la boucle et vous quitter sur le thème conçu pour Clarice quand elle avait encore le visage de Jodie Foster. Et puis comme le label Quartet Records a distribué une somptueuse réédition étendue de la bande originale, histoire de fêter dignement les 30 ans du film, c’est l’occasion ou jamais de redécouvrir l’œuvre d’Howard Shore plus résonnante que jamais… un album à dévorer sans la moindre modération ! Oui, je sais… j’étais sensé arrêter avec les jeux de mots à la con autour de la bouffe… Mais bon… SSSSsssss… J’y peux rien, c’est plus fort que moi.

[« The Silence of the Lambs – Clarice (film version) » – Howard Shore]

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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