Ce jeudi 4 mai, Emmanuel Macron a présenté la réforme du lycée professionnel lors d’un déplacement à Saintes, en Charente-Maritime. C’était une promesse de sa campagne présidentielle de 2022. Trois objectifs annoncés : la lutte contre le décrochage scolaire, l’insertion professionnelle et la revalorisation du travail des enseignants.
Emmanuel Macron a présenté ce jour les points de la réforme des lycées professionnels, au lycée technologique et professionnel Bernard Palissy. Une réforme qui concerne un tiers des lycéens, soit environ 621.000 élèves. Il était accompagné par trois ministres : le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye, le ministre du Travail Olivier Dussopt et la ministre chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnelle Carole Grandjean.
L’objectif a été clairement indiqué par Emmanuel Macron par un post Facebook :
« Le but, c’est que chacun puisse trouver un bon métier, un métier avec un bon salaire, et qui a du sens. Car oui, quand on choisit de faire un CAP ou un bac pro, on doit pouvoir trouver facilement un emploi et bien en vivre.
Chaque année, un tiers de nos lycéens s’orientent en lycée professionnel. Mais, au cours de leur scolarité, un tiers d’entre eux décrochent, c’est-à-dire qu’ils quittent l’établissement sans baccalauréat ou diplôme équivalent. Et pour ceux qui suivent l’enseignement jusqu’à être diplômé, moins de 40 % trouvent facilement un emploi au bout de 6 mois. Enfin, pour ceux qui poursuivent dans l’enseignement supérieur, seule la moitié d’entre eux réussiront. »
Emmanuel Macron l’a affirmé ce jeudi : investir dans ces établissements, ce n’est « pas simplement une réforme », mais « une cause nationale ». Aujourd’hui, le système est « mal fichu », « Sur 100 élèves qui rentrent en lycée professionnel, on en a un tiers qui va décrocher sans bac ou équivalent (…). C’est ça la réalité nationale ». « Moi je veux que le lycée professionnel (…) redevienne la voie vers l’emploi et vers le bon emploi ».
Trois objectifs ont clairement été mentionnés par le président : « On va mettre un milliard d’euros par an en plus sur le lycée professionnel (…). », pour lutter contre le décrochage, pour assurer l’insertion professionnelle « On doit aller vers 100 % d’insertion professionnelle », et reconnaître l’engagement des enseignants des lycées professionnels.
1° Éviter le décrochage scolaire
Première bataille : celle de l’orientation. Il faut susciter les vocations – Pour Emmanuel Macron, à la rentrée prochaine, dès la cinquième, il faut permettre une découverte des métiers, présenter les métiers de demain, les secteurs en tension, et associer les enseignants des lycées professionnels à ce travail.
« Un effort de vérité » au moment de l’orientation – Les familles doivent pouvoir connaître les débouchés des voies professionnelles. « Dire qu’une formation ne mène pas à l’emploi, c’est ne blâmer personne », a affirmé le chef de l’État. Il faut poursuivre « ce travail de transparence » par un affichage des taux d’insertion par filière et par établissement. L’affichage des taux d’insertion sera prêt pour avril 2024 et la rémunération par filière en avril 2025. « Toute famille pourra savoir combien d’élèves sont allés vers l’emploi avec telle filière. » Pour Emmanuel Macron, si c’est une filière qui a peu de débouché, c’est sans doute une filière qu’il faut fermer et on doit avoir le courage de le faire.
Pour un « zéro décrochage », donner plus de moyens pour le lycée professionnel : plus de travail en petits groupes, plus d’accompagnement individualisé, plus de moyens pour les élèves en situation de handicap, un enseignement plus adapté aux besoins des élèves (soutien en petits groupes), ce qui doit être renforcé dès la rentrée prochaine dans les établissements dans lesquels les enseignants souhaiteront s’engager (ce qui sera fait établissement par établissement en évaluant les besoins). Le président de la République a souligné l’importance de cette réforme pour la jeunesse française, en particulier pour les élèves en difficulté. Il entend développer les travaux en petits groupes pour « plus d’accompagnement personnalisé et un enseignement plus adapté aux besoins des élèves ». Un tiers des jeunes ont en effet des difficultés avant leur entrée sur le marché du travail, ce qui nécessite une réforme urgente et ambitieuse.
2° Un objectif de 100% d’insertion
Une adaptation de la carte des formations – S’il s’agit d’une formation avec un mauvais taux d’accès à l’enseignement supérieur, un mauvais taux d’accès à l’emploi, c’est une formation qu’il ne faut pas garder. Pour le chef de l’État, il faut tenir compte des métiers en tension (service à la personne, secteur ferroviaire, métiers de l’aéronautique) : il faut rouvrir des formations, tenir compte des métiers en devenir. « Il faut ouvrir là où il faut, fermer là où il faut ». Les filières seront donc remaniées : l’idée est de renforcer les filières dans les secteurs porteurs, comme le numérique, ou l’écologie. Pour Emmanuel Macron, « Quand on a des métiers de tension à l’échelle des territoires – métiers du ferroviaire, aéronautique, agricole…-, il est intelligent de rouvrir des formations ». Quant aux filières qui n’offrent plus de débouchés aux élèves, elles risquent de fermer. Il s’agit de mieux prendre en compte les besoins des entreprises, de s’adapter aux bassins d’emploi, ce qui doit être fait au niveau de chaque territoire, de chaque établissement (pas au niveau de Paris), pour identifier les besoins de la carte des formations. La carte des formations sera adaptée d’ici à la fin de l’année, après une évaluation réalisée « selon les territoires ».
L’accompagnement – Un accompagnement qui passe par un « mentorat », lequel permet aux élèves de bénéficier des conseils de vie, d’organisation, d’orientation. Un mentorat qui doit être développé à partir de la rentrée. L’objectif : que 100% des élèves aient un mentor d’ici 2025.
Les stages : allongement et rémunération – Avec plus de souplesse en terminale : la durée des stages augmentera de 50 % en terminale pour les élèves qui souhaitent « entrer dans la vie active après le bac ». Le chef de l’État a précisé : « Ils seront accompagnés par Pôle emploi (demain France Travail) ». Les élèves qui, en revanche, veulent poursuivre des études après le bac, auront quatre semaines de cours supplémentaires pour préparer leur entrée en BTS. Une augmentation de la durée des stages pourtant décriée par les syndicats. « Pour nous, augmenter le temps de stage c’est prendre le risque de diminuer les savoirs-métiers de nos jeunes » avait alerté Sigrid Gerardin, co-secrétaire générale du SNUEP sur Franceinfo le 21 octobre dernier, alors qu’avait débuté les premières concertations sur la réforme du lycée professionnel. Une opposition farouche à cette réforme en raison de la diminution des horaires scolaires : pour Sigrid Gerardin, « ce que disent les collègues (…), c’est qu’on manque déjà cruellement de temps pour leur donner une formation solide et équilibrée entre savoirs généraux et savoirs professionnels. Aujourd’hui on veut nous réduire du temps ».
Des spécialisations professionnelles – Le chef d’État a également souligné que des spécialisations professionnelles d’une année doivent être développées.
Un bureau des entreprises – Le chef de l’État a annoncé à la rentrée la mise en place d’ « un bureau des entreprises dans chaque lycée professionnel », ayant pour mission d’accompagner les jeunes dans la recherche des stages des élèves, de suivre la qualité des stages ou de l’apprentissage, de développer des partenariats.
Valoriser les stages des élèves – Il s’agit de garantir aux élèves des stages de qualité avec la rémunération de ces stages. À partir de la rentrée de septembre, les élèves des lycées professionnels qui partiront en stage seront rémunérés, avec une rémunération qui variera selon leur niveau d’étude : 50 euros par semaine en classe de seconde et en première année de CAP, 75 euros en classe de première ainsi qu’en deuxième année de CAP et 100 euros par semaine en terminale. Une indemnité de stage prise en charge par l’État, présentée comme une « mesure de justice et de mérite ».
3° Troisième bataille : reconnaître l’engagement des enseignants des lycées professionnels
Une revalorisation des salaires des enseignants des lycées professionnels – Les professeurs des lycées professionnels sont également concernés par la revalorisation, a rappelé Emmanuel Macron. Ils toucheront ainsi « entre 100 et 230 euros nets par mois, pour tout le monde, sans condition, dès cette année ».
Hausse des salaires en cas de missions supplémentaires – Une hausse de salaire conditionnée à l’acceptation de missions supplémentaires est annoncée. Les enseignants pourront ainsi percevoir 7 500 euros bruts annuels en plus de leur salaire, s’ils prennent en charge des remplacements de courte durée, des heures supplémentaires ou notamment des missions de coordination, soit entre 680 à 780 euros par mois pour ceux qui s’engagent volontairement.