Après s’être fait censurer et dénigrer par le Parti communiste tchécoslovaque, Kundera écrivait et résidait en France depuis 1975
Un réfugié de Tchécoslovaquie
« On peut trahir des parents, un époux, un amour, une patrie, mais que restera t-il à trahir quand il n’y aura plus ni parents, ni mari, ni amour, ni patrie ? » avait écrit Milan Kundera dans son chef d’oeuvre, l’insoutenable légèreté de l’être, achevé en 1984, trois ans après que Mitterand lui octroie la nationalité française. Le parcours atypique de cet écrivain influent est digne d’un roman. Il nait à Brno, en Tchécoslovaquie, en 1929, son père est un musicologue et pianiste réputé; la musique en particulier, et la culture de manière plus générale, tiendront une place prédominante au cours de son éducation. Cela explique ses premiers écrits, qui sont des recueils de poèmes, c’est cette musicalité précoce des mots, cette compréhension innée du langage qui donnera à son écriture, une fluidité et une facilité de lecture. Jeune, il s’inscrit à la FAMU, l’école de cinéma de Prague avant d’y renoncer, pour s’engager dans l’histoire de son pays et devenir un intellectuel incontournable.
A ses 18 ans, Kundera adhère au parti communiste, qui arrive fraichement au pouvoir avec le Coup de Prague, en 1948. Pourtant fervent défenseur de l’idéologie communiste, qui se déployait en Europe à l’époque, Kundera voit petit à petit, les inconvénients du régime autoritaire stalinien. Cette désillusion l’encouragea à écrire son premier livre La Plaisanterie, parut en 1965, où il relate l’exclusion d’un membre du parti, à cause du mot qu’il a eu le malheur d’écrire sur une carte postale, et qu’il ne fallait pas dire. Ce livre, considéré comme très politique, annonce les prémices du Printemps de Prague survenu en 1968. Il est ainsi considéré comme un des instigateurs de cette tentative d’insurrection contre l’autorité communiste, ce que l’URSS n’hésitera pas à réprimer très sévèrement. Définitivement exclu du parti en 1970, il part à Paris en 1975 où il est déjà admiré pour son recueil de nouvelles Risibles amours (1971), son livre La plaisanterie mais aussi La vie est ailleurs (1973).
Une oeuvre poétique et profonde
Son oeuvre romanesque est empreinte d’ironie, de remise en question et d’exploration de la condition humaine. Dans le contexte communiste, il raconte des histoires sentimentales en opposant des regards et des situations avec recul. Il développe notamment le thème nietzschéen de « l’éternel retour » dans son roman l’insoutenable légèreté de l’être, qui est devenu un incontournable de la littérature européenne. Oeuvre adaptée au cinéma par Jean Luc Kaufman Jean Claude Carrière en 1988, avec notamment Juliette Binoche et Daniel Day Lewis en tête d’affiche.
Parmi ses livres notables, on peut évidemment citer La valse aux adieux (1972) et l’ignorance (2003), d’une infinie poésie et une intelligence certaine il déploie une écriture qui explore les projections mentales individuelles en les confrontant au réel, sans jamais perdre cette ironie, cette légèreté avec laquelle il défend l’existence. Une légèreté, comme un pied de nez aux responsabilités pour mieux apprécier la vie, s’en amuser. Très influencé par l’esprit du XVIIIe siècle français, il a toujours défendu la liberté et n’écrivait qu’en français depuis 1993. Il avait obtenu le grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre en 2001. Enfin il était rentré dans la Pléiade de son vivant, et son oeuvre a été traduite dans une cinquantaine de langues. Un écrivain immense et discret qui restera très certainnement dans la postérité.