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On regarde ou pas ? Mister Spade (Canal+)

Clive Owen incarne l’emblématique détective Sam Spade, dans une série qui envoie le détective en semi-retraite dans le sud de la France.

C’est quoi, Mister Spade ? Détective privé américain, Sam Spade (Clive Owen) arrive en 1955 à Bozouls dans le Sud de la France, pour confier une petite fille nommée Teresa à son père, Philippe Saint-André (Jonathan Zaccaï). Mais la famille n’a aucune intention de s’occuper de l’enfant, et Spade la place alors dans une école au sein d’un couvent. Huit ans plus tard, veuf de la belle  Gabrielle (Chiara Mastroianni) dont il était tombé amoureux, Spade est resté sur place et mène une vie paisible. Sa tranquillité va pourtant voler en éclats lorsque les sœurs du couvent sont violemment assassinées. L’instinct du détective reprend le dessus et il s’implique dans l’enquête du chef de la police Michaud (Denis Ménochet), inquiet à l’idée que le massacre ait un lien avec Teresa (Cara Bossom), désormais adolescente…

L’essentiel

Les fans de romans noirs le connaissent bien, les amateurs de cinéma classique aussi : né sous la plume du romancier Dashiell Hammett, le détective Sam Spade a été incarné en 1941  au cinéma par  le légendaire Humphrey Bogart.  Aujourd’hui, Mister Spade revient sous les traits de Clive Owen, dans une série en six épisodes coproduite par Canal+ et AMC, issue de la collaboration entre le scénariste Scott Frank (Le jeu de la dame) et Tom Fontana (Oz). 

Sam Spade, la soixantaine, vit à Bozouls, petit village de l’Aveyron. Il y est arrivé en 1955 pour confier une petite fille à son père qui n’en a pas voulu, il est tombé amoureux d’une femme et n’est jamais reparti. Huit années plus tard, devenu veuf, il est propriétaire d’un vignoble, d’une grande maison et de souvenirs doux-amers. Le meurtre brutal des religieuses d’un couvent va le pousser à reprendre du service pour enquêter aux côtés de la police locale. 

On aime

Imaginer le personnage iconique de Spade en France, loin du San Francisco des années 1950 où il a notamment résolu la célèbre affaire du Faucon Maltais ? Le transporter dix ans plus tard, dans un petit village du Sud de la France ? La série concrétise l’idée avec brio, fidèle au genre du polar noir et à son héros, mais dans un autre environnement. Elle joue notamment parfaitement avec les langues, largement bilingue entre Français, Anglais et un mélange des deux qui sonne naturel et sans affectation. 

Le cadre de la France d’après-guerre, encore hantée par les fantômes de l’occupation nazie et en pleine guerre d’Algérie, se prête très bien à l’ambiance duale de la série où la lumière de l’Aveyron rural avec ses vignobles et ses champs écrasés de soleil côtoie les rues grises du village, les sombres bicoques et les bars enfumés. Dans ce contexte, c’est une intrigue entre polar et espionnage qui se développe au cours des six épisodes pleins de rebondissements, où une énigme résolue en entraîne une autre. Qui a tué les religieuses ? Pourquoi ? Qui a tiré sur Spade ? Qui est ce mystérieux petit garçon ? Où est passé Philippe Saint-André ? 

L’ensemble de la distribution est éblouissant. De Denis Ménochet en chef de la police locale qui renvoie la balle à Spade avec brio à Jonathan Zaccaï qui jubile visiblement à jouer les sales types, en passant par Cara Bossom (brillante dans le rôle de l’impétueuse Teresa), Louise Bourgoin, Chiara Mastroianni, Stanley Weber… Tous sont excellents. Et  il y a Clive Owen, magistral. Succéder à Bogart était un sacré défi, que l’acteur relève brillamment grâce à un physique parfait pour le rôle, mais surtout grâce à son charisme. Ses réparties cyniques et spirituelles, son regard fatigué traduisent le désenchantement d’un homme à fleur de peau, entre cigarettes, gorgées de whisky, meurtres et souvenirs douloureux.

A lire aussi : On regarde ou pas ? Furies, la série avec Lina El Arabi et Marina Foïs | VL Média (vl-media.fr)

On aime moins

Mister Spade est une série aux airs de toile d’araignée, un mystère tentaculaire qui nécessite de la patience et de l’attention de la part du spectateur. A fortiori parce qu’elle prend son temps, en particulier dans le premier épisode où elle pose les bases. Le rythme est volontairement lent, avec des digressions, des flash-back… Pensez au morceau de Miles Davies Ascenseur pour l’échafaud, et vous aurez une idée du tempo. Il faut donc accepter de s’imprégner de l’ambiance, avant de passer aux choses sérieuses.

L’intrigue en elle-même est complexe : le meurtre des religieuses cache tout un entrelacs de mystères, de questions, d’enjeux qui dépassent de loin ce que l’on imaginait au départ. Au-delà de l’intrigue centrée sur Teresa, on croise l’OAS, les services secrets de plusieurs pays, les militaires, le Vatican…  Bref, beaucoup (trop?) d’arcs narratifs, beaucoup de personnages, beaucoup de coups de théâtre en seulement six épisodes.

Et malheureusement, Mister Spade est assez maladroite dans la dernière ligne droite. La résolution, le lien entre tous les éléments et personnages est précipitée et explicitée dans un style très Cinq dernières minutes, où tous les protagonistes impliqués se réunissent pour raconter le rôle qu’ils ont joué dans cette histoire. Au cas où le spectateur se serait perdu en route… où certains personnages qui, eux non plus, n’étaient apparemment pas sûrs d’avoir tout compris.

On regarde si… on aime l’ambiance polar noir et les intrigues complexes ; on est prêt à se laisser porter par une ambiance désuète, dans une série qui prend son temps ; on a envie de voir Clive Owen soutenir la comparaison avec le grand Bogart.

On ne regarde pas si… on cherche une série policière simple à l’intrigue directe ; on aime les histoires qui vont droit au but et impose d’emblée un rythme haletant ; on a envie d’une série dans un contexte actuel et on n’aime pas les polars hard-boiled à la… Dashiell Hammett ou Raymond Chandler.

Mister Spade
6 épisodes – 50′ environ.
Diffusion sur Canal+ – disponible sur MyCanal.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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