Capitale fédérale, Washington n’est pas une ville comme les autres. Gouvernée sous contrôle du Congrès, la ville fonctionne selon un équilibre fragile. Un modèle aujourd’hui remis en cause par Donald Trump au nom de l’ordre et de la sécurité.
Un statut unique
Capitale politique des États-Unis depuis 1790, elle est le coeur institutionnel du pays, siège de la Maison Blanche, du Capitole et de la Cour suprême. Contrairement aux 50 États américains, Washington ne bénéficie pas d’une pleine autonomie. Elle n’appartient à aucun État et dépend directement du Congrès, comme le prévoit la Constitution. Ce statut particulier place la ville dans une position subordonnée, unique sur le territoire américain.
En 1973, une loi a permis aux habitants d’élire un conseil municipal, ainsi qu’un maire. Mais ce pouvoir reste encadré. Le Congrès peut à tout moment modifier ou bloquer les décisions locales. Ce fut le cas, par exemple, lors de la légalisation du cannabis en 2015, suspendue temporairement par des parlementaires conservateurs.
Autre paradoxe. Les habitants de Washington payent des impôts fédéraux, peuvent être mobilisés par la conscription, mais n’ont pas de représentants votants au Congrès. Leur unique déléguée, Eleanor Holmes Norton, siège sans droit de vote. Une situation dénoncée par de nombreux résidents comme profondément injuste.
Le 51e État ?
Aujourd’hui, Washington compte environ 700.000 habitants. C’est plus que le Vermont ou le Wyoming, deux États représentés par quatre sénateurs au total. La population majoritairement noire et diplômée, vote très largement pour les démocrates. En 2024, Kamala Harris y a obtenu plus de 90% des voix face à Donald Trump.
Face à cette réalité, de nombreux habitants réclament que Washington devienne le 51e État américain. Ce changement garantirait deux sièges au Sénat, une représentation pleine et entière à la Chambre. Mais l’idée, bien que soutenue par une majorité locale, est expressément rejetée par les républicains. Ces derniers craignant de perdre durablement leur influence au Congrès, en raison du profil électoral très démocrate de la ville.
Le débat sur ce changement de statut n’est pas nouveau, mais il prend une tournure plus conflictuelle à mesure que la polarisation politique s’intensifie aux États-Unis. Pour Donald Trump, Washington n’est pas seulement un bastion adverse, c’est aussi une ville qu’il juge en déclin.
Sécurité : Trump reprend la main
Lundi 11 août, Donald Trump a annoncé le déploiement de 800 militaires de la Garde nationale à Washington. Il a invoqué une loi fédérale qui lui permet de prendre le contrôle de la police de la ville, en cas de menace grave. La raison officielle ? Une hausse supposée de la criminalité et la présence de gangs violents.
Mais les chiffres racontent une autre histoire. En 2024, la ville a connu une baisse de 32% des homicides par rapport à l’année précédente. Le ministère de la Justice a même affirmé que les faits de criminalité violente à Washington avaient atteint leur plus bas niveau depuis plus de 30 ans. La maire de la ville, Muriel Bowers a dénoncé une manoeuvre politique. Elle rappelle que les statistiques ne justifient en rien une intervention fédérale.
La tension entre la mairie démocrate et la présidence républicaine rappelle les précédents conflits entre Trump, les gouverneurs et élus locaux. En effet, en juin le président avait déjà tenté de déployer la Garde nationale en Californie sans l’accord du gouverneur. Une décision invalidée par un juge fédéral.
Une bataille politique
Derrière la réthorique sécuritaire, l’opération de Donald Trump vise aussi à affirmer un pouvoir fédéral renforcé face aux bastions démocrates. En s’attaquant à Washington, il s’en prend à un symbole. Il reprend également le contrôle d’un territoire hostile à son idéologie sur le plan politique.
Pour les défenseurs du statut actuel de la ville, ce déploiement militaire est une dérive autoritaire. Pour ceux qui militent en faveur de la transformation de Washington en État, il illustre l’urgence d’une réforme pour davantage d’autonomie et de représentation démocrate à l’échelle nationale. Car en dépit de son importance stratégique, Washington reste aujourd’hui une capitale sans pleine voix démocratique.