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Un « safari humain », ça a vraiment existé ?

Sarajevo, années 1990. Une ville assiégée, des civils pris pour cibles… et des visiteurs venus de l’étranger prêts à payer pour tirer sur des innocents. Une réalité si terrible qu’elle semble sortie d’un film. On vous explique.

Des enquêtes récentes en Italie révèlent qu’un tourisme de guerre macabre aurait existé pendant le siège de Sarajevo : des hommes riches, partis « chasser » des civils désarmés pour le frisson. Retour sur un scandale longtemps caché.

Quand la guerre devient un « loisir extrême »

Entre avril 1992 et février 1996, Sarajevo a vécu le plus long siège d’Europe moderne. Les collines autour de la ville, contrôlées par les forces serbes de Bosnie, devinrent des points de tir meurtriers. L’avenue principale, le boulevard Meša Selimović s’est vue attribuer le surnom de « Sniper Alley ». C’était un passage obligé pour les civils, ce qui en faisait une cible idéale pour les snipers. On estime à plus de 11 000 morts les civils tués uniquement par des tirs de snipers pendant ce siège.

Plusieurs décennies après les faits, des enquêtes italiennes révèlent une réalité encore plus glaçante. Des touristes occidentaux auraient payé entre 80 000 et 100 000 € pour être emmenés dans les collines de Sarajevo et tirer sur des civils, comme s’il s’agissait d’un safari de chasse. Le motif derrière cet acte ? Pas politique, pas idéologique, mais l’adrénaline. Des passionnés d’armes, amateurs de chasse ou de sensations fortes, venus vivre “l’expérience du champ de bataille”. Une plainte, documentée sur 17 pages, dénonce un tarif « à la tête » des victimes : un enfant coûterait plus cher qu’un adulte, une personne âgée pourrait même être tuée gratuitement.

Qu’en est-il de l’enquête du Sarajevo Safari ?

La plainte a été initiée par le journaliste et écrivain Ezio Gavazzeni, épaulé par l’ancien magistrat italien Guido Salvini et l’ex-maire de Sarajevo, Benjamina Karic. Ces accusations, déjà évoquées depuis plusieurs années et explorées dans le documentaire Sarajevo Safari (2023) du réalisateur slovène Miran Zupanic retracent ces faits d’une gravité extrême. Mais compiler des preuves après tant d’années est complexe. Certains dossiers sont encore inaccessibles, les archives dispersées, et les parties concernées mortes ou difficiles à localiser. Le crime présumé remonte à plus de trente ans. Autant dire que la route jusqu’à la justice est encore longue.

Le journaliste Gavazzeni souligne que la justice bosnienne a longtemps hésité à poursuivre ces individus, en raison de la complexité d’enquêter dans un pays encore profondément marqué par la guerre et les divisions internes. Du côté serbe, certains magistrats qualifient ces récits de « légende urbaine ». Face à ces obstacles, la plainte a donc été déposée en Italie. Le procureur italien Alessandro Gobbis a déjà identifié plusieurs témoins à interroger. Gavazzeni estime qu’environ une centaine de ces « touristes » se seraient rendus à Sarajevo. Il doute cependant que plus d’une dizaine puissent être formellement identifiés par la justice.

Quel est le profil de ces « chasseurs » ?

L’enquête, menée par le parquet de Milan, vise en priorité des ressortissants italiens issus des régions de Lombardie, Piémont et Triveneto. Mais d’autres nationalités seraient également concernées. Selon Gavazzeni, il s’agirait de personnes aisées et respectées socialement, principalement des hommes d’affaires. Ils auraient, durant le siège de Sarajevo, financé des assassinats de civils désarmés. « Ils partaient de Trieste pour participer à une véritable chasse à l’homme, avant de retourner ensuite à leur vie normale », rapporte-t-il dans La Repubblica. Parmi les suspects : un chirurgien esthétique de Milan, propriétaire d’une clinique, ainsi que des habitants de Turin et de Trieste. Ces “touristes de guerre” auraient été escortés depuis Trieste vers Belgrade, puis vers Sarajevo. Tout ceci avec une logistique organisée à grande échelle.

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