Parti en Irak puis en Syrie, l’essayiste allemand Jurgen Todenhöfer a passé dix jours dans le fief de l’Etat islamique. C’est le premier journaliste qui a pu pénétrer dans un des territoires que détient l’organisation. Revenu dans son pays depuis le 16 décembre, il livre un constant alarmant.
« L’Occident sous-estime largement l’ampleur du danger que représente l’EI. » Les mots de Jurgen Todenhöfer sont très forts, l’ancien politique allemand a côtoyer pendant dix jours des membres de l’EI. Après avoir cherché à les contacter par le biais de Facebook, il a expliqué cette prise de relations sur la télé allemande: « J’ai simplement essayé et ça à marcher. Nous avons ensuite négocié plus de sept mois ». Escorté lors de son voyage en immersion, le journaliste a eu l’occasion de rencontrer des prisonniers kurdes mais également de discuter des réelles intentions de ces djihadistes. Surpris par le nombre conséquent de combattants étrangers, il est allé jusqu’à expliqué que le Daech a réduit Al-Qaida à l’état de « nain ». Jurgen Todenhöfer détaille également sur ses relations avec les terroristes: « Ils ont été corrects mais pas sympathiques. Nous avons eu des discussions très tendues sur notre manière d’enquêter, notre liberté. Nous avons dû leur donner nos téléphones portables, nos ordinateurs. Ils surveillaient toutes nos photos, les images qu’on tournait ». Il explique également que l’enthousiasme des plus jeunes est impressionnant, près de 500 combattants ont réussi à faire fuir plus de 25.000 soldats irakiens pour s’emparer de la ville de Mossoul.
Accusé de propagande
L’ancien député au Bundestag essuie quelques critiques depuis ses déclarations. Des questions se posent quant au but des djihadistes d’accueillir un occidental puis de le laisser rentrer chez lui sans ne rien demander en échange. Jurgen Todenhöfer explique qu’il « voulait mieux connaître l’ennemi pour le vaincre ». Des propos qui n’ont guère convaincus ses détracteurs dont l’universitaire Jean-Pierre Filiu. Professeur à Sciences-Po et spécialiste de la Syrie, il estime qu’il s’agit d’une information « mitonnée » et orchestrée par le Daech lui-même. Sur son blog, Jean-Pierre Filiu relève aussi ce tweet qui proviendrait du responsable de la communication de l’EI.
#Journalist #Todenhöfer after 10 days visit: #IS has enormous popularity & will conquer the whole world if it can pic.twitter.com/3LNz3vo7mq
— AbdulElah Shyea (@AbdulEla) 21 Décembre 2014
Quels conséquences sur la situation ?
Comme l’explique Jurgen Todenhöfer, l’EI voit grand. Faisant de la communication un de leur cheval de bataille, certaines personnes du groupe sont très actifs sur youtube et twitter. En effet, ils misent sur cette communication pour attirer de plus en plus de personnes comme en témoigne le grand nombre de jeunes djihadistes se rendant en Syrie pour se battre à leur côté. Le journaliste allemand raconte également le climat auquel il a assisté: « Il y un sentiment terrible de normalité à Mossoul. Maintenant la ville fonctionne et les habitants ont l’air d’apprécier la stabilité retrouvée avec l’arrivée de l’EI […] Bien sûr, nombre d’entre eux ont peur, car les punitions infligées en cas de manquement aux règles de l’EI sont sévères ». Si le journaliste allemand tire la sonnette d’alarme, il n’est pas encore écouté puisque les voisins de l’EI et l’Occident ne semble pas pour l’instant inquiet malgré une vigilence plus importante au sein de leur propre territoire.