Depuis ce week-end, de nombreuses manifestations « anti-Charlie » sévissent dans plusieurs pays. Une haine violente à l’encontre de la France s’amplifie, dûe aux nouvelles caricatures publiées représentant Mahomet. Mais les caricatures à l’image du prophète ne sont pourtant pas nouvelles...
Au Niger, au Pakistan, en Algérie et en Mauritanie, des manifestations violentes reprochent à la France d’insulter l’islam. Des drapeaux français sont brûlés, et les ambassades françaises sont les cibles de nombreuses menaces. Le Centre culturel français au Niger a été incendié. Une haine incontrôlée, puisque ces caricatures ne sont pas une insulte à la religion elle-même, ni envers ses croyants. L’humour incendiaire de ces caricatures s’insurge de ceux qui comprennent mal la religion justement, ceux qui ont trop oublié que l’islam est une religion de tolérance…
Le drapeau français brûlé lors de manifestations anti-« Charlie »
La caricature de plus en plus blâmée
Pourtant, ce débat particulièrement intense n’est pas neuf ! La première caricature connue de Mahomet en Occident a été dessinée à l’encre rouge par un inconnu au bas d’un parchemin il y a environ 800 ans. Alors pourquoi les représentations divines sont-elles mal vues par la religion ? Tout d’abord pour la peur d’une représentation forcément imparfaite, puisqu’humaine et non divine, de Dieu. L’artiste qui représente Dieu est jugé comme « orgueilleux » de vouloir Le représenter.
De plus en plus ce tabou se révèle culturel et non religieux. Si toutes les religions, autant le christianisme que le judaïsme, n’autorisent pas une représentation de Dieu, certaines de ces religions s’y sont accommodées. Pourtant, fait à rappeler, le Coran n’interdit pas formellement la représentation du divin. En Iran, au XIVe siècle, comme dans l’Empire ottoman au 16ème siècle, Mahomet est peint à visage découvert.
La caricature de Mahomet, vieille de plus de 800 ans
Pourquoi avoir caricaturé Mahomet il y a 800 ans ?
Cette caricature n’a rien à voir avec nos caricatures Charlie hebdonesques ! Charlie Hebdo ne rabaisse évidemment pas la religion musulmane, et ne dénigre pas ses croyants. Elle ne dénigre pas, elle l’humanise. Tandis qu’ici, le prophète est représenté avec un visage barbu muni de yeux écarquillés, posés sur un corps qui semble recouvert de plumes et se termine par une queue de poisson. Mais surtout cette caricature est dessinée… au bas d’un Coran.
On est au XIIème siècle, celui de la Reconquista, la reconquête de l’Espagne musulmane. Et donc l’esprit est d’opposer la foi musulmane à la foi chrétienne. Prouver la supériorité de l’une sur l’autre. L’intolérance à son paroxisme. Ici, l’abbé qui a probablement réalisé cette caricature, a certainement voulu minimiser le pouvoir de l’islam. A cette époque de reconquête, l’islam était perçu par les chrétiens comme une déviance du christianisme et non comme une foi à part entière. En représentant le prophète de la sorte, et en le ridiculisant, le faisant mi-animal, mi-homme, l’abbé a essayé de diaboliser le Prophète.
Où pouvons nous classer l’intolérance aujourd’hui ?
Les caricatures accusées d’hérésie aujourd’hui sont-elles aussi choquantes que celles d’autrefois ? Ont-elles le même but ? Non, bien sûr. Comment qualifier d’intolérante une représentation du Prophète qui « pardonne » ceux qui se sont fait massacrer pour avoir voulu l’imager, et rire de ceux qui comprennent mal l’essence même de l’islam : la tolérance. Comme l’a dit le journaliste Malek Chebel, « Le Prophète, lui, avait de l’humour ». L’humour n’est pas forcément à dissocier de la piété et de la religion. Les profanes ont ainsi basculé de l’autre côté du crayon, ceux qui ne respectent plus l’humanité elle-même.