L’application a été téléchargée plus de 60 000 fois en un mois. Gossip permet de créer et de consulter les derniers potins sur les gens de son répertoire ou de ses amis facebook. L’inspiration ? La série de télévision Gossip Girl, véritable phénomène, où un site internet publie anonymement des rumeurs dans un lycée ultra élitiste de l’upper east side à coup de mensonge et d’espionnage.
L’application Gossip propose deux options: créer une rumeur, ou la prouver. Lors de cette première, 140 signes suffisent à écrire mensonges, insultes ou de de révéler des détails de la vie privée d’un « ami » de son cercle. La rumeur peut être vraie ou fausse, ce n’est pas ça qui compte: n’importe qui peut écrire n’importe quoi. On peut aussi choisir de « prouver » la rumeur, censer protéger les cibles, grâce à une photo: des photos de situations gênantes peuvent donc se retrouver sur internet sans que l’on en ai le contrôle ou que l’on puisse demander le retrait, puisque ces preuves sont postées de façon anonyme.
L’application se veut dans les pas de snapchat: les rumeurs ne sont visibles qu’une dizaine de secondes, et « seulement » par nos amis et amis de nos amis: il faut croire que la créatrice de l’application n’a jamais entendu parler de l’option « capture d’écran », ni imaginé que ces rumeurs pourraient être postées sur Facebook ou twitter après. Quelle naïveté.
De la mauvaise blague au cyber harcèlement
Un élève du prestigieux lycée Collège épiscopal Saint-Etienne de Strasbourg témoigne des effets dévastateurs que peut avoir cette application sur le site du Nouvel obs. Une centaines de rumeurs ont été partagées en quelques jours, et « concernent la sexualité, l’apparence physique, les histoires personnelles de certains élèves ou encore leur façon d’être« . Tout autant de sujets sensibles à l’adolescence, où la recherche de popularité est incessante, tout comme l’inquiétude de ne pas rentrer dans la norme.
Emmanuelle Piquet, psychoptraticienne et fondatrice du centre Chagrin scolaire dédié à l’apaisement des souffrances en milieu scolaire analyse le phénomène pour Madame Figaro: « ces applications surfent sur un syndrome extrêmement présent au collège et qui est celui de la popularité. Parce que pour qu’il y ait popularité, il faut qu’en creux existent des collégiens qui n’en ont pas. Sinon, la popularité perd de son formidable impact« . Etre méchant est même bien vu dans les milieux scolaires: « C’est très astucieux, parce qu’aujourd’hui, l’une des façons d’être populaire, c’est précisément d’être une peste et de faire peur à ceux qui nous entourent, grâce au pouvoir de nuisance« .
La dérive vers le cyber-harcèlement ne s’est pas faite attendre: « j’ai vu des personnes pleurer et appréhender leur retour au lycée« . Un harcèlement dans l’enceinte de l’école mais qui suit aussi chez soit par le biais des smartphones. Seulement quelles armes ont les élèves ? Ces rumeurs sont anonymes et pour beaucoup ne concernent pas l’administration. Isolé, le mal-être grandit encore un peu plus.
L’application promet une meilleure modération
La créatrice Cindy Mouly dit avoir voulu créer une application à son image: « une jeune parisienne doté d’une langue bien pendu à cherché à lancer une application qui lui ressemble« . Après autant de téléchargements, l’application est momentanément suspendue pour éviter tout débordements et de « renforcer la modération« . » Je voulais que ma cible soit des 20-35 ans actifs, je ne m’attendais pas à ce que des collégiens se ruent sur Gossip. J’ai été un peu naïve » admet-elle. « Il y a eu une erreur sur iTunes qui a permis aux internautes de s’inscrire dès l’âge de 12 ans. ».
La nouvelle version de l’application prévoit de modérer automatiquement les insultes et de supprimer les comptes au delà de trois signalements. Cependant pour certains la modération n’est pas une solution durable: « interdire l’accès aux réseaux sociaux à un enfant qui se fait harceler ne résout en aucun cas le problème, cela le déplace. Il ne faut pas se tromper d’analyse et croire que c’est le média qui fait la souffrance. Le harcèlement existe quand même. Pour commencer, dans la cour.« , explique Emmanuelle Piquet.
Les associations prône une meilleure prévention afin de s’attaquer au problème du harcèlement à sa source, à l’heure où ce phénomène touche un élève sur 10, parmi lesquels 6% seraient en réel danger.