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Attentats en Tunisie: la suite logique de la stratégie de Daesh?

Samedi dernier, le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a décrété l’« état d’urgence » dans le pays suite aux attentats qui se sont produits sur la plage et à l’intérieur de l’hôtel Impérial Marhaba, faisant ainsi 39 morts dans la ville de Sousse, le vendredi 26 juin. En s’attaquant aux touristes, l’objectif des djihadistes est de mettre à mal la stabilité politique de la Tunisie, mais surtout son économie, dont le tourisme représente 15% du PIB. Aujourd’hui, 75% des réservations d’hôtel en Tunisie ont été annulées. Selma Elloumi Rekik, ministre du tourisme, a déclaré vouloir renforcer l’arsenal du pouvoir tunisien, afin de soutenir le secteur touristique, existant depuis 60 ans. Si des décisions ne sont pas prises dans l’immédiat, c’est toute l’économie tunisienne qui risque de chuter.

En effet, cette dernière attaque et celle ciblant le musée du Bardo, le 18 mars dernier, définissent clairement une des stratégies propres à Daesh : toucher en plein cœur le tourisme tunisien. Alors, faut-il craindre un « scénario du pire », à savoir un effondrement économique, une montée des extrémistes et, symboliquement, la réussite d’une campagne de terreur ? En effet, la question peut commencer à se poser étant donné que l’instauration d’un état d’urgence peut, paradoxalement, être considérée comme une victoire des djihadistes. Depuis le printemps arabe et la chute du régime Ben Ali en 2011, les mesures suffisantes ont-elles été prises afin de combattre le développement du terrorisme au Maghreb, suite à la mort de Kadhafi ?

Une campagne de peur envers l’Occident 

Ce qui est sûr, c’est que les conséquences de ces attaques risquent d’être désastreuses pour l’économie de la Tunisie et de ses pays voisins, étant donné que c’est elle seule qui peut garantir le renforcement des institutions. Ce récent attentat n’est pas tant le signe d’une victoire politique et sociale, mais davantage un message d’inquiétude et une victoire psychologique. Mais celle-ci, ce qui est rare au Moyen-Orient et au Maghreb, symbolise davantage une campagne de peur envers les Occidentaux que les Orientaux. En transformant l’imagerie collective d’un voyage touristique en cauchemar, les djihadistes s’adressent directement à l’Occident.

Selon certains hommes politiques tunisiens, le fait que de nombreux touristes aient annulé leur voyage donne raison à Daesh. Encore une fois, les islamistes ont su taper là où ça fait mal étant donné que depuis les années 80-90, la Tunisie, mais aussi le Maroc, l’Egypte, la Turquie, ont un réel tourisme de masse. On sait d’ailleurs que le site de Karnak, à Louxor, en Egypte avait été ciblé le 10 juin dernier par un kamikaze, qui s’était fait exploser sur le parking du temple. Avant cette attaque, Louxor accueillait plus de 10 mille visiteurs, aujourd’hui, seulement 1% des chambres d’hôtel sont en réservation. Ce phénomène devient donc de plus en plus généralisé au Maghreb, et l’assassinat de plusieurs touristes, bien qu’il ne s’agisse pas de crimes de masse, devient un geste purement symbolique en direction de l’Occident.

Des touristes visitent le temple de Karnak à Louxor, le 11 juin, au lendemain de l'attaque suicide déjouée. Crédit: AFP/Mohamed El Shahed

Des touristes visitent le temple de Karnak à Louxor, le 11 juin, au lendemain de l’attaque suicide déjouée. Crédit: AFP/Mohamed El Shahed

Daesh: l’ambition d’une revanche à l’échelle historique? 

Pour la première fois, nous sommes face à une organisation dont la stratégie principale est de redessiner les frontières héritées du colonialisme franco-britannique, qui reste, malheureusement, très ancré dans les mentalités. Il faut désormais avoir une approche globale du danger islamiste et comprendre que nous assistons à une revanche de l’histoire, de trois guerres successives dans le golfe depuis 1992, des interventions militaires, qui ont notamment renvoyé l’Irak à l’âge de pierre. Il est nécessaire d’avoir une analyse froide des interventions occidentales au Proche-Orient afin d’essayer de « comprendre » les motivations premières des islamistes. La France et les autres pays occidentaux doivent donc faire des choix politiques et militaires, qui auraient dû être faits bien plus tôt.

Mais comment analyser cette stratégie visant directement le tourisme, et donc aussi indirectement, l’Occident ? Historiquement, celle-ci peut s’expliquer en deux temps. Le premier remonte aux années 70-80, lorsque les mouvements islamistes s’opposaient aux régimes en place, mais non à leurs compatriotes. Par exemple, pendant les années de terreur de la période 90, les islamistes algériens ne se sont jamais attaqués aux richesses du pays, comme le gaz, afin de ne pas mettre à mal l’ensemble de la société algérienne. Le second temps débute à partir de 2001, avec les attentats du 11 septembre. A partir de ce moment, la peur islamiste devient symboliquement mondialisée, déterritorialisée, et la violence n’a plus de limite dans les pays du Levant et du Maghreb.

twin towers

Attaque de Sousse: un retournement de situation?

Cependant, le dernier attentat qui a eu lieu à Sousse dégage un paradoxe : le coupable a fait attention à ne tuer aucun de ses compatriotes. En général, les hommes téléguidés par Daesh ne font pas la différence entre un arabe et un occidental. Alors que d’habitude, ce sont les musulmans qui sont les premières victimes de ces massacres, cette dernière attaque pourrait donc faire passer un nouveau message aux musulmans : « ne restez pas là, ce n’est pas vous qui êtes touchés ».

Pourtant, c’est à moyen terme que cette stratégie coince pour Daesh. En effet, c’est une erreur d’un point de vue social que de fragiliser les institutions. En s’attaquant à leur force économique, ces terroristes visent aussi le peuple qui, après avoir connu 70 ans de répression, ne peut que refuser de voir son régime s’effondrer sous les coups djihadistes. En allant beaucoup plus loin que la seule volonté d’instaurer le califat et de soutenir la cause palestinienne, Daesh se pose frontalement en opposition aux régimes musulmans.

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