La justice turque a requis une peine de réclusion à perpétuité aggravée contre deux journalistes de l’opposition. Ils avaient publié un article accusant explicitement le pouvoir d’avoir livré des armes aux islamistes syriens. La presse d’opposition est de plus en plus muselée par le président Recep Tayyip Erdogan.
Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, et Erdem Gül, chef du bureau du quotidien à Ankara, sont accusés par le pouvoir d’avoir livré des informations classées secret d’Etat. Le parquet turc a requis la prison à vie pour les deux journalistes. Cumhuriyet est l’un des principaux journaux d’opposition au pouvoir de M. Erdogan. Depuis deux mois, le 26 novembre 2015, les deux hommes sont en détention dans le centre pénitentiaire de Silivri, au nord du pays.
Le journal avait accusé le président de livrer des armes aux islamistes syriens, dans un article publié en mai 2015. Ils auraient diffusé des photos et des vidéos des camions des services secrets turcs, qui transportaient des armes pour les rebelles islamistes syriens, en janvier 2014. C’est lors de la publication de l’article qu’ils ont été accusés « d’espionnage » et de « divulgation de secrets d’État. » Maintenant, les deux journalistes sont aussi poursuivis pour « tentative de coup d’Etat » en Turquie et d’ « assistance à une organisation terroriste. » Selon l’agence de presse Dogan, le président Recep Tayyip Erdogan et le chef des services secrets, Hakan Aidan, sont plaignants dans ce procès.
La presse censurée par le président Erdogan
Ce n’est pas la première fois que les journalistes sont pris pour cible en Turquie. Déjà le 28 octobre 2015, les autorités étaient entrées dans la régie de deux chaines de télévision, appartenant au groupe Koza Ipek (Bugün TV et KanalTURK). La Turquie avait assisté en direct à la fermeture de ces deux chaînes d’opposition et donc de la mise sous tutelle de celles-ci dans le cadre d’une enquête jugée « anti-terroriste ». En septembre, la police avait déjà perquisitionné les lieux. Le tribunal d’instance d’Ankara a ensuite confié les gestions des 22 compagnies du groupe à des administrateurs judiciaires proches de l’idéologie du président.
«La situation actuelle est de loin la pire que j’ai connue depuis que je travaille sur la Turquie en matière d’arrestations illégales de journalistes, de pressions sur des grands médias», explique Emma Sinclair-Webb, de Human Rights Watch à Slate. La presse d’opposition est la première touchée par le pouvoir, surtout lorsque des affaires de corruption peuvent sortir.