Une grande chambre d’enfant mal rangée. Voilà à quoi ressemble la planète Cheminade. Le grand loufoque tant raillé lors des élections présidentielles avait obtenu 0.25% des voix au premier tour. Une grosse déception pour le fondateur de Solidarité et Progrès qui espérait dépasser les 30% depuis sa dernière tentative aux élections de 1995. De la conquête spatiale au retour au Glass-Steagall Act en passant par la réhabilitation hydraulique du lac Tchad, le programme de Jacques Cheminade est pour le moins… décousu. Une conquête spatiale en guise de fil rouge et voilà l’ancien notaire et ses « martiens » propulsés au top du buzz médiatique lors de la campagne.
Pas d’idéaux, juste des idées hautes
Place des fêtes, un après-midi d’automne. Il est là, coriace à défendre son petit stand dont les affiches et prospectus menacent de s’envoler au moindre coup de vent. Clément milite pour Solidarité et Progrès depuis bientôt neuf ans. Une expérience qu’il revendique à coups de discours sagement récités « On est là pour changer les règles du jeu !». Oui mais quel jeu ? Pour le jeune homme, un seul mot d’ordre : séparer les banques de dépôt et les banques d’investissement. Un retour au Glass-Steagall Act de Roosevelt dont le PS et le Front de Gauche n’avaient pas hésité à faire leur cheval de bataille lors des présidentielles. « Cheminade avait prédit la crise depuis 1995 ». Le militant défend fièrement les qualités de son candidat visionnaire qui aurait été la victime d’une diabolisation médiatique.
Les idées prolifèrent mais les moyens de leur mise en application se font désirer dans la bouche du militant. Wall Street, La City voilà l’ennemi. L’ « utopie positive » contre la finance folle. En somme, Il s’agit de proposer à l’humanité un nouveau rêve collectif. Unir les humains dans un but commun mettra fin à leurs éternelles querelles. Ledit but consisterait à créer des stations en orbite terrestre basse, en orbite solaire, une station sur la Lune pour exploiter ses ressources, et puis une sur Mars. Une révolution technologique qui pourrait pallier l’actuel épuisement des ressources énergétiques primaires.
La recette miracle
Quid de ses ambitions nationales ? La France aura fait sa révolution sociale et tous les jeunes sans emploi auront accès à une formation encadrée par des concepteurs de machines-outils et d’anciens ingénieurs. C’est ce qu’explique Lyndon Larouche dans le dernier numéro de « Nouvelle Solidarité », le journal du parti. Pour le très controversé homologue de Cheminade outre-atlantique, le constat est simple en ce qui concerne les banlieusards « Les jeunes recrutés risquent de râler, souvent parce qu’ils sont habitués à prendre de la drogue. Ils peuvent être portés à sombrer dans la débauche sexuelle, alors ils doivent être dans un environnement où toutes ces choses ne sont pas à portée de main […] nous sommes là pour former le cœur de la force de travail de demain ». Une politique anachronique sur le modèle des camps de jeunes travailleurs crées en 1933 par Roosevelt. L’objectif ? Inviter les jeunes sans emplois à grossir les rangs de la main-d’œuvre ouvrière pour réaménager le système ferroviaire français. Ainsi les villes seront repensées : elles ne devraient pas excéder les 100 000 habitants et se situeraient toutes sur un axe ferroviaire de manière à réduire l’usage de l’automobile à néant.
Le journal relaye les discours d’un parti qui semble s’enfoncer dans une utopie humaniste bancale dont les mises en applications folles font plus tiquer que sourire. En attendant la fin des métropoles et l’exode urbain général, les premières analyses du sol martien relayées par le robot Curiosity suscitent l’engouement médiatique. « Curiosity c’est un moyen de préparer notre futur ». Jacques Cheminade jubile. Il l’avait bien dit mais la « finance folle » lui a mis des bâtons dans les roues.