Camouflet, revers cuisant, cuisant: voici les qualificatifs qui viennent en tête au moment d’aborder l’évènement marquant de la nuit en Turquie. En effet, dimanche soir, le président Erdogan a vu le candidat de son parti perdre les élections municipales à Istanbul, siège de son pouvoir. Ekrem Imamoglu devient le nouveau maire d’Istanbul. Un véritable tremblement de terre sur lequel il est important de revenir en détails.
Le 23 juin est d’ores et déjà à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire politique récente de la Turquie. A Istanbul, capitale politique et bastion du pouvoir d’Erdogan, l’actuel président turc a subi un sévère revers. Son parti de la Justice et du Développement (AKP) a été sèchement battu lors du scrutin pour la mairie stamboulieute. Ainsi, l’ancien premier ministre Binali Yildirim n’a rassemblé que 45,1% des voix contre 54% pour l’opposant Ekrem Imamoglu. Le leader stamboulieute du Parti républicain du peuple (CHP) a donc remporté son pari. Il s’agit là d’un premier véritable coup dur pour le pouvoir en place depuis 17 ans. Recep Tayyip Erdogan avait d’ailleurs prévenu ses fidèles en 2017 que cette victoire était impérative et qu’un revers pourrait signifier le début de la fin. Il avait ainsi eu ses mots marquants « Si nous calons à Istanbul, nous trébucherons en Turquie. Mais si nous tenons fermement Istanbul, alors aucune force ne pourra nous détruire, ni en Turquie, ni dans le monde. »
Un changement politique durable en Turquie?
Le futur dira si ce désaveu lance véritablement une nouvelle dynamique politique ou s’il ne s’agit que d’un coup d’épée dans l’eau. Quoiqu’il en soit, le coup est d’autant plus dur qu’un premier scrutin avait déjà livré un tel résultat deux mois plus tôt. Toutefois le pouvoir en place avait fait en sorte qu’il soit annulé. Un mauvais choix. L’écart s’est effectivement largement accentué lors de ce nouveau scrutin. Cela s’explique notamment par le report de voix suite au retrait de certains petits candidats après l’élection avortée. Ce coup d’éclat est aussi le fruit d’une certaine conjoncture politique turque. Outre la contestation contre le pouvoir en place, le jeu des alliances a occupé un rôle central. On pense notamment aux nationalistes du Bon parti (Iyi). Le soutien des factions Pro-kurde a par ailleurs totalement changé la donne d’un jeu politique jusque là figé. Une équation recherchée par l’opposition turque depuis plus d’une dizaine d’année pour s’affirmer face à l’hyper-présidentialisme d’Erdogan.
Cette victoire aussi large que marquante a donné lieu à de nombreuses scènes de liesse dans Istanbul. Des deux côtés du Bosphore, des dizaines de milieux de personnes ont fêté cette victoire à coup de Klaxon, de sortie de drapeau au son du « tout ira bien » d’Imamoglu.
Face à « cette manifestation de la volonté populaire », le pouvoir va clairement devoir se remettre en question s’il ne veut pas perdre pied. La Turquie se trouve certainement à un tournant de son histoire politique. Pour la première fois en 19 ans. L’avenir dira si le pays a emprunté le bon chemin.