La marque de prêt-à-porter Abercrombie&Fitch est à nouveau dans l’œil du cyclone, accusée de sélectionner ses vendeurs en fonction de leur physique. Un scandale qui en remet beaucoup d’autres sur le devant de la scène.
Envie de faire les magasins ce week-end ? Pourquoi ne pas aller chez Abercrombie& Fitch, la marque de vêtements si prisée des jeunes ? Ses boutiques sont tellement attrayantes. Sauf que l’enseigne est dans le collimateur du Défenseur des droits français, Dominique Baudis, qui la soupçonne de recruter « sur des critères discriminatoires, et notamment l’apparence physique» et non en fonction des compétences. Le Défenseur des droits se base sur une offre d’emploi publiée par Abercrombie, concernant des mannequins hommes et femmes. Sauf que ces mannequins ont aussi un rôle de vendeur. Pour information, la firme possède deux magasins en France, sur les Champs-Elysées et à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).
Déjà plusieurs condamnations
Une enquête est en cours. Elle devrait durer jusqu’à la fin de l’année et éventuellement déboucher sur une procédure pénale. Si c’est le cas, la société n’en sera pas à son coup d’essai en termes d’abus et de condamnations. En 2005, aux Etats-Unis, elle avait déjà dû verser 50 millions de dollars de dédommagements pour discrimination. En 2009, au Royaume-Uni, une employée handicapée avait porté plainte. Née sans avant-bras gauche, elle portait une prothèse, et avait obtenu le droit de cacher cette dernière grâce à un cardigan … jusqu’à ce que sa responsable ne lui demande de porter un T-shirt, plus conforme aux dresscodes de l’entreprise. Refus de la jeune femme, qui avait été licenciée. Résultat : condamnation de l’entreprise pour renvoi abusif et harcèlement moral. Concernant les conditions de travail du personnel, ce dernier est soumis à des règles très contraignantes, selon le journal italien Corriere della sera. Ainsi, des vêtements mal rangés ou une mine trop sombre seraient sanctionnés par des séries de pompes.
Propos heurtant du PDG
Il faut dire que beaucoup de choses sonnent tellement faux dans le décor surfait des boutiques « A&F » : vendeurs et vendeuses dénudés au corps sculptural, locaux spacieux, belle déco, odeur parfumée, et collections « tendances ». Mais plus choquants encore sont les propos du PDG Mike Jeffries, 68 ans. Ce « papy qui se prend pour un beau gosse » (du moins pourrait-on le qualifier ainsi) avait déclaré en 2006 dans un entretien au magazine Salon : «Nous embauchons des gens beaux dans nos magasins, parce que les gens beaux attirent d’autres gens beaux, et nous voulons nous adresser à des gens cools et beaux. Dans chaque école, il y a les enfants cools et populaires, et les moins cools. Nous voulons les enfants cools, tout simplement. Beaucoup de gens n’ont rien à faire dans nos vêtements. Sommes-nous exclusifs ? Absolument.» Et en effet, certaines personnes ne peuvent pas porter de vêtements Abercrombie. Pas simplement pour des raisons financières, mais surtout parce que certaines tailles ont été supprimées de la commercialisation : depuis mai, il n’y a plus de XL et de XXL dans les rayons femmes. Ce cher Mike Jeffries avait expliqué qu’il ne voulait « pas de gros » dans ses magasins, tout comme il avait avancé qu’« Abercrombie ne veut pas laisser penser que n’importe qui, une personne pauvre, peut porter ses vêtements » pour justifier les destructions des produits défectueux de la marque ou de ceux retournés par les clients, malgré les demandes d’associations humanitaires pour les récupérer.
Un trait de notre société ?
Le cas d’Abercrombie est forcément choquant et a de quoi susciter l’indignation. Néanmoins, on pourrait se demander s’il n’est pas similaire à ceux de nombreuses autres enseignes de marque. Plus largement, n’est-il pas caractéristique d’une société où l’apparence est reine ? Dès qu’il y a visuel, surtout lorsqu’il s’agit de faire de la pub pour un produit (les « vendeurs-mannequins » d’Abercrombie &Fitch sont aussi là pour ça) ou de passer à la télé, il y a une jolie fille ou un beau gosse. Mais arrêtons là car nous risquons de nous étendre sur un autre débat. Il n’y a pourtant qu’un pas à franchir …