En 2022, près de 60 000 personnes ont disparu en France, dont 43 200 mineurs. Pour tenter de résoudre des cas de disparition, l’Assistance et Recherche de Personnes Disparues (ARPD) porte assistance aux personnes dans la recherche d’un membre de leur famille disparu.
De nombreuses disparitions sont dû à des fugues, notamment chez les enfants, d’autres reste inexpliquées. Des dizaines de milliers de familles vivent dans l’angoisse de la disparition d’un proche. Dans cette dure épreuve, l’ARPD aide à la recherche des personnes disparues. Avec près de 600 bénévoles l’association apporte un soutien aux familles, diffuse des avis de recherche et mène des enquêtes de proximité y compris sur les réseaux sociaux.
Quel est l’objectif de l’association ?
L’ARPD est une association loi 1901 qui procure son aide aux personnes dans la recherche d’un membre de leur famille disparu. Elle se donne tous les moyens, dans le cadre de la législation en vigueur, pour aider les familles dans leurs actions. Créée en 2003, l’ARPD s’est dotée de nouveaux statuts en 2016 afin d’avoir une assise nationale. Elle dispose de délégations régionales et d’antennes départementales.
Après l’arrêt en 2013 des recherches dans l’intérêt des familles (RIF), seules les disparitions qualifiées d’inquiétantes font l’objet d’enquête par les services de police et de gendarmerie. L’ARPD, comme d’autres associations, milite pour un retour à une prise en compte de toutes les disparitions par les pouvoirs publics. L’association met en place des actions de prévention pour lutter contre les fugues de mineurs et les disparitions de malades Alzheimer. L’ARPD défend 40 propositions régulièrement présentées aux ministères concernés et aux parlementaires.
À quoi sert l’ARPD ?
L’ARPD regroupe 600 bénévoles à travers toute la France. L’association a pour but d’aider au maximum les familles. Depuis le 15 octobre 2022, Bernard Valezy, commissaire général de police à la retraite, est devenu le président national de l’ARPD. Pour Sud-Ouest, il explique que les bénévoles ont deux missions : l’assistance auprès des familles en les conseillant dans les différentes démarches et les recherches sur le terrain quand les pouvoirs publics n’en font pas, lorsqu’ils ne considèrent pas la disparition comme inquiétante. « Dans ce cas, nous essayons de réunir le plus d’éléments et permettre l’ouverture d’une enquête. L’association joue la complémentarité avec les services de police et de gendarmerie. Notre objectif n’est pas de nous substituer quand ceux-ci peuvent être saisis. », explique-t-il.
L’association travaille sur des affaires opérationnelles et des cold case. Chaque année, elle ouvre entre 250 et 300 dossiers. En février 2023, elle comptait 350 dossiers actifs. Sur les dix dernières années, un quart des affaires ont été résolu. Il arrive que des cold case soient résolu grâce à l’ARPD. En 2019, la famille de Marie-Thérèse Bonfanti, disparue à 25 ans en 1986, a saisi l’association. L’affaire a été réouverte et Yves Chatain a été interpellé. En mai 2022, il reconnaît l’assassinat de cette mère de famille. Même sur des affaires anciennes, grâce à l’ARPD, les familles peuvent avoir l’espoir de résoudre la disparition de leur proche.
Une forte mobilisation
L’ARPD fait tout son possible pour mener à bien leurs enquêtes. Récemment, une cellule internationale a été créée au sein de l’association. Elle a pour but d’accompagner les familles dont un proche a disparu à l’étranger. Elle facilite les contacts avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ainsi qu’avec les ambassades de France du pays où a eu lieu la disparition. Environ 200 disparitions de ressortissants français à l’étranger sont recensées chaque année.
L’association mène, depuis plusieurs années, une étude relative aux enterrés sous X. Sur la base de données fournies par l’INSEE, les enquêteurs prennent contact, dans tous les départements, avec les communes ayant signalé l’inhumation d’un corps non identifié.
L’association traite à ce jour 460 affaires. 80 nouveaux dossiers ont été ouverts au cours des trois premiers trimestres de 2023 et l’association a répondu à plusieurs centaines de contacts n’ayant pas donné lieu à une ouverture d’enquête. En outre, une centaine d’affaires anciennes sont en cours de réexamen. 25% des affaires confiées à l’ARPD sont résolues, directement ou indirectement.
Comment se déroule une enquête ?
Les enquêtes menées par l’ARPD diffèrent de celles des forces de l’ordre. Pour en savoir plus, nous avons interrogé Philippe Zdankiewicz, retraité de la Gendarmerie et actuellement enquêteur-formateur. Pour lui, il était important d’intégrer l’ARPD afin d’épauler les familles dans leur désarroi, même en étant à la retraite. « Je pense que ça reste dans l’adn », confie-t-il.
Est-ce que tout le monde peut être bénévole ?
« Oui, dans l’association il y a des bénévoles à plusieurs niveaux. Il faut également savoir que lorsqu’un bénévole arrive dans l’association, il intègre un binôme. Il reçoit une formation qui lui donneront tous les éléments de mener à bien son travail ». Des personnes encore dans le milieu professionnel ou bien à la retraite peuvent donc rejoindre l’association, et cela, peu importe leur compétences.
Qui peut faire appel à vos services ?
« Ce sont les familles qui viennent auprès de nous en général. Une fois qu’une famille demande notre aide, elle s’effectue au niveau national de l’ARPD. Ensuite la cellule étudie la demande. Puis, on délégue l’enquête au niveau régional et on lance des appels de volontariat. »
Au bout de combien de jours de disparition peut-on faire appel à vous ?
« Les familles peuvent faire appel le jour-même de la disparition. Les premières heures, des moyens techniques, aériens et des battues sont déclenchés. On ne peut pas dire on revient plus tard. »
Vous travaillez en étroite collaboration avec les forces de l’ordre ?
« Tout dépend de la disparition, il ne faut pas empiéter sur leur recherches. On ne travaille pas directement avec la police, mais avec la famille qui sont nos principaux interlocuteurs« . L’association ne peut pas mener des interrogatoires. « Nous ne sommes pas habilité à ça. Si on apprend des choses pour faire avancer l’enquête, on le dit au service de police ».
À quels documents avez-vous accès ? Même les confidentiels ?
« Nous n’avons pas les mêmes prérogatives que la gendarmerie, on demande essentiellement à la famille. Nous avons un droit de regard sur les comptes bancaires et appels téléphoniques. Mais il y a aussi un droit de réserve, il faut rester discret. » Avec ce droit de regard, l’ARPD ne dévoile pas ses sources, afin de les protéger.
Comment se passe la réouverture d’un « cold case » ?
On appelle « cold case » une affaire non élucidée que l’on classe comme sans suite. Il arrive parfois que des affaires ne soit pas résolue, elles sont alors mises de côté et classées « sans suite ». « S’il y a des nouveaux éléments on reprend l’archive et on vérifie les nouveaux éléments pour tenter de retrouver la personne. C’est à partir de ce moment que l’on réouvre un « cold case« .
Que se passe-t-il lorsque vous retrouvez la personne ?
« Il y a plusieurs cas de figure. Il arrive que des gens disparaissent volontairement et ne souhaite pas renouer avec la famille. Dans ce cas, on retrouve la personne et malheureusement on l’annonce à la famille. Si le corps est retrouvé mort, on peut mettre en place une équipe dédiée, avec des psychologues, pour aider la famille. Les familles sont reconnaissantes de ce qu’on leur annonce. Les relations humaines c’est important. J’ai parfois des nouvelles des personnes que j’ai retrouvé et qui sont retournées au près de leur famille ». L’ARPD redirige les personnes dans le besoin vers des centres spécialisé. Le suivi est gratuit.
Si vos recherches n’aboutissent à rien, à quel moment stoppez-vous votre enquête ?
« Il arrive parfois que nos efforts ne mènent à rien. Dans ce cas, on reprend depuis le début pour voir si nous sommes passés à côté de certaines choses et je demande un oeil nouveau. On ne désespère pas directement et on va encore persévérer. On diffuse au niveau national des avis de recherches, les amis peuvent aussi en faire. C’est un point d’honneur pour l’association. Si malheureusement on a tout fait, on classe l’affaire. »
Partenariats et collaborations
L’ARPD travaille en étroite collaboration avec des associations. À savoir, des associations de « Mantrailing », c’est-à-dire de recherche de personnes avec chiens pisteurs, de pilotes de drones, de recherche en zone de montagne et de protection civile. L’association aimerait par la suite établir un partenariat avec la fondation de l’enfance, France Alzheimer et l’UNADEFI (qui gère les disparitions liées aux sectes).
Quelques avocats font parti des membres associés de l’association. Ils peuvent conseiller les familles de disparus, mais aussi initier ou relancer des procédures sans suite ou ayant fait l’objet d’un non-lieu.
Dans le cadre de l’émission Appel à témoins diffusée sur M6, l’ARPD et la production de l’émission travaillent en étroite collaboration. Jean-Marie Goix, le producteur, justifie ce choix car « ils sont extrêmement sérieux. Ils nous fallait des professionnels, ils savent poser des questions pour déceler le vrai du faux. », nous explique-t-il. Cela fait trois émissions que l’ARPD et Appel à témoins travaillent main dans la main. Dans la « call room », qui est l’endroit où arrivent les appels des téléspectateurs de l’émission en direct, il y a huit postes téléphoniques. Derrière chaque poste, il y a des anciens gendarmes ou policiers qui travaillent pour l’ARPD. Ces derniers sont chargés de trier les appels avant de prendre l’antenne. En moyenne, ce sont entre 500 et 600 appels qui sont reçus pendant la durée de l’émission.