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Autant en emporte Max Steiner | Seriefonia

Un monument du cinéma que vous connaissez sans doute moins que d’autres : Max Steiner est au centre du nouveau numéro de Seriefonia.

[« Agatha Christie’s Poirot – The Belgian Detective » – Christopher Gunning]

Il avait composé les musiques de plus de 40 aventures d’Hercule Poirot, avec l’éternel David Suchet, entre 1989 et 2004… Christopher Gunning, également connu pour ses partitions pour la version télé de Rebecca en 1997, ou encore de La Môme d’Olivier Dahan pour laquelle il remporte même le BAFTA en 2007, est décédé le 24 mars dernier à l’âge de 78 ans… En sa mémoire, je vous propose d’écouter un extrait de sa version de Mort sur le Nil : troisième épisode de la saison 9 de la série produite par ITV et diffusé pour la toute première fois le 12 avril 2004…    

[« Agatha Christie’s Poirot – Death on the Nile » – Christopher Gunning]

[« SérieFonia : Season V : Opening Credits » – Jerôme Marie]

[« Extrait Sonore : They Died with their Boots On (1941) »]

Olivia de Havilland et Errol Flynn dans La charge fantastique de Raoul Walsh en 1941… Un classique. Un des miens en tout cas. Mais dans un océan de partitions légendaires, ce film ne représente qu’une certes scintillante mais néanmoins minuscule goutte d’eau… Pionnier s’il en est, on retrouve son nom aux génériques de plus de 400 productions entre ses débuts en 1928 et sa disparition en 1971. Pour beaucoup, il est même considéré comme le père de la musique de film Hollywoodienne… De fait, il était temps… grand temps… que Max Steiner ait enfin droit à son SérieFonia…

[« King Kong – Finale » – Max Steiner]

Rien qu’en 1933, année décisive dans sa carrière, le compositeur, alors engagé comme directeur musical chez RKO, œuvre sur pas moins de… 36 productions ! Le plus souvent originales mais parfois également issues d’une banque musicale précédemment écrite et enregistrée, ses partitions sont donc généralement reconnues comme étant les toutes premières à avoir ouvert la voie à la musique de film telle qu’on continue de la concevoir aujourd’hui. Pour preuve, le score du King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, justement sorti en 1933, a une histoire vraiment pas banale…

[« King Kong – Forgotten Island, Jungle Dance » – Max Steiner]

Aussi culte soit-elle devenue, la musique de King Kong a bien failli ne jamais voir le jour… et a même été composée dans le dos des dirigeants de RKO Radio Pictures qui, par ailleurs, n’étaient pas non plus satisfaits des effets spéciaux. Ces derniers, convaincus de l’échec de leur production, ont demandé à Steiner d’intervenir pour améliorer le film en utilisant une sélection de morceaux préexistants. Mais c’était sans compter sur la détermination du musicien à proposer une œuvre 100% originale… et sans compter non plus sur le soutien indéfectible de Merian C. Cooper envers le compositeur. C’est lui qui propose de financer personnellement les sessions d’enregistrement avec un orchestre de 80 musiciens ! Grâce à cette initiative, et à l’image de son « héros », la partition de King Kong s’impose comme absolument gigantesque et propulse Max Steiner dans la légende…

[« The Son of Kong – Quicksand, Little Kong » – Max Steiner]

Ca, c’était pour la suite, Le fils de King Kong qui sort… la même année que l’original ! Qui a dit que l’industrialisation Hollywoodienne était récente ? Alors… Comme on parle tout de même de musiques ayant été composées il y a de cela fort, fort longtemps, j’ai essayé de privilégier les extraits les plus propres possibles. Généralement des réenregistrements. Dans le cas contraire, je vous prie de bien vouloir excuser la qualité de certains passages, tout simplement due à la qualité toute relative de prise de son à l’époque… Comme, par exemple, sur Le trésor de la Sierra Madre de John Huston. Pourtant, c’était en 1948…   

[« The Treasure of the Sierra Madre – Main Title » – Max Steiner]

Vous vous souvenez du chapeau d’Humphrey Bogart dans le film ? Indiana Jones lui doit beaucoup… Pas seulement au chapeau d’ailleurs. Car il s’agit de l’un des tout premiers films d’aventure Hollywoodien à être principalement tourné en dehors des Etats-Unis… Style, attitude… Steven Spielberg avoue avoir puiser en lui l’une de ses principales sources d’inspiration… Mais trêve de digression et revenons-en au Maestro Steiner… Un jeune Autrichien prodige, qui composa sa première opérette en n’étant encore qu’un adolescent. Né à Vienne en mai 1888, il a la chance de pouvoir étudier la musique sous la tutelle de Gustav Mahler et Johannes Brahms… Faut dire que son parrain n’était autre que… Richard Strauss ! D’où son net penchant pour le Romantisme…

[« Mildred Pierce – Main Title » – Max Steiner]

Ok, là, j’ai brulé plusieurs étapes en vous glissant ces quelques mesures du Roman de Mildred Pierce, de Michael Curtiz, en 1945… Ne m’en voulez pas, j’essaie simplement d’illustrer mon propos… Bon, où en étais-je ? Ah oui… son opérette… The Beautiful Greek Girl… que son père ne jugeait pas assez bonne, fait néanmoins le tour du monde ! Et lui vaut d’être remarqué par les producteurs du spectacle La veuve joyeuse, composé par Franz Lehar en 1905, qui lui propose d’en assurer la direction à l’occasion de ses représentations londoniennes. De pièces de théâtre en Musicals, il restera près d’une dizaine d’années dans la capitale britannique, en qualité de chef d’orchestre, avant que ses origines austro-hongroises ne le poussent à fuir vers les Etats-Unis lorsque survient la Première Guerre Mondiale…   

[« Symphony of Six Million – Main Title » – Max Steiner]

Débarqué sans le sou à New York en décembre 1914, il enchaine rapidement les contrats à Broadway… où il officie pendant 15 ans avant de répondre à l’appel d’Hollywood… et de RKO en particulier, après avoir été plébiscité pour ses orchestrations du Rio Rita d’Harry Tierney. Vous venez d’entendre un extrait de L’Âme du ghetto, justement produit par le studio en 1932… Tour à tour arrangeur, chef d’orchestre, orchestrateur, compositeur d’un simple thème ou de tout un film, Max Steiner est vite devenu la référence ultime au cœur d’une industrie où tout restait à inventer… De cette période, retenons notamment La chasse du comte Zaroff en 1932…

[« The Most Dangerous Game – Good Night » – Max Steiner]

Les quatre filles du Docteur March, de George Cukor la même année que King Kong, avec Katharine Hepburn dans le rôle de Jo… Et qui, étonnamment, ne devrait pas laisser les joueurs de… Mario insensibles… Comme quoi la pop culture n’a pas de limites…

[« Little Women – Polka Medley » – Max Steiner]

Ou encore, la version 1935 des Trois Mousquetaires, filmée par le tandem Rowland V. Lee et Otto Brower, forcément d’après le roman d’Alexandre Dumas… A noter que le film n’a été distribué en France que dix ans plus tard, en 1945…

[« The Three Musketeers – To Paris, Fencing Demonstration » – Max Steiner]

Comme dit plus tôt, c’est le succès de King Kong qui fait donc de Max Steiner le plus important compositeur de son temps. Si bien que, trois ans et quelques dizaines de films plus tard, il quitte finalement la RKO au profit de Warner Bros… Et son premier long-métrage pour le studio n’est autre que… La charge de la brigade légère, de Michael Curtiz avec Errol Flynn et Olivia de Havilland… Encore un incontournable… Même si, en son temps, le tournage s’est révélé tout bonnement ignoble en termes de traitement des animaux… En effet, ce n’est qu’après le décès de plus d’une dizaine de chevaux durant la scène de la fameuse « charge héroïque » que le congrès des Etats-Unis décida enfin de se pencher sur les questions de sécurité animalière au sein de l’industrie cinématographique. Il faut bien commencer quelque part… 

[« The Charge of the Light Brigade – Suite » – Max Steiner]

Néanmoins, une clause de son contrat avec la Warner l’autorise à continuer de collaborer avec le directeur de production d’RKO, David O. Selznick. Et, de facto, avec Selznick Internatial Pictures… Ce qui lui permet également de signer avec la MGM en 1939 pour ce qui s’imposera comme son chef d’œuvre, peut-être même le plus emblématique et le plus reconnu d’entre tous ; même si l’Oscar lui passe malheureusement sous le nez…

[« Gone with the Wind – Main Title » – Max Steiner]

Cette année-là, c’est Le magicien d’oz qui remporte la statuette face à son… Autant en emporte le vent. Le film de Victor Fleming, initialement confié à George Cukor, puis repris par Sam Wood, qui remporte pourtant pas moins de dix récompenses ce soir-là ; dont celles des meilleurs film et réalisateur, en plus de celle de la meilleure actrice pour Vivien Leigh. 2h36 minutes de musique… douze semaines de travail… Pas moins de cinq orchestrateurs… Le plus gros projet jamais porté par Steiner… Et comment dire ? Bah, ça s’entend…

[« Gone with the Wind – Apotheosis, Melanie’s Death, Scarlett and Rhett, Tara » – Max Steiner]

Aussi précurseur et innovateur fut-il, Max Steiner n’aura finalement été récompensé que trois fois par l’Académie… D’abord pour Le Mouchard, de John Ford, en 1935…

[« The Informer – Theme » – Max Steiner]

Puis pour Une femme cherche son destin, d’Irvin Rapper, en 1942…

[« Now, Voyager – Theme » – Max Steiner]

Et enfin pour Depuis ton départ, de John Cromwell, en 1944…

[« Since You Went Away – Waltz at the Soldier’s Dance » – Max Steiner]

Entre La patrouille perdue, également pour John Ford en 1935 et Le cri de la victoire de Raoul Walsh en 1956, il aura été nominé 24 fois. Et sur ces 24, on peut s’étonner de voir qu’il ne l’a pas emporté pour Le chanteur de jazz en 1953… ou, plus incroyable encore, pour Casablanca en 1944, bien que le film soit sorti en 1942…

[« Casablanca – Suite » – Max Steiner]

Et que dire encore de la non reconnaissance de La prisonnière du désert, encore et toujours pour John Ford en 1956 ?… Chef d’œuvre du western réinventé s’il en est… et totalement snobé par l’Académie… Là encore, Spielberg lui doit… presque tout…

[« The Searchers – Reunion of Ethan and Debbie » – Max Steiner]

Rappelons quand même que c’est suite au tournage de ce film que John Wayne a décidé de donner le nom de son personnage à son propre fils ! Si c’est pas la preuve qu’il s’agit là d’un projet décidément à part dans toute sa filmographie, ça ?! Mais bref, passons… J’ai cité plusieurs fois Errol Flynn. Qui est, je le clame haut et fort, l’un de mes acteurs préférés ever. Et même le tout premier que j’ai adoré en découvrant son Robin des Bois quand j’étais gamin… Et si on l’associe souvent aux œuvres musicales d’Erich Wolfgang Korngold… qui a déjà eu droit à son SérieFonia… il ne faudrait pas pour autant oublier que Max Steiner, lui aussi, a illustrer avec brio nombre de ses aventures. J’ai cité La charge fantastique en ouverture, et je vous garde un morceau en réserve pour la fermeture, mais on peu également citer… Green Light en 1937, The Dawn Patrol en 38, Dodge City en 39, La caravane héroïque en 1940…

[« Virginia City – The Trench, Bradford’s Folly » – Max Steiner]

Ca fait beaucoup de film de Michael Curtiz tout ça… Alors, je vais faire un bond jusqu’en 1948 et m’arrêter un peu sur un réalisé par Vincent Sherman… Parce ce que Les aventures de Don Juan est un film important à plus d’un titre ! D’abord parce que la musique est excellente, en plus d’être teintée de plein d’influences différentes… et ensuite parec qu’Errol Flynn s’y amuse à parodier subtilement sa propre vie et son statut d’homme à femmes… Les aventures de Don Juan, c’était du cinéma méta, bien avant que le mot existe…

[« Adventures of Don Juan – Juan Presents Himself to the Queen » – Max Steiner]

Bon… On en arrive à ce moment de l’émission où j’aime bien vous proposer une succession d’extraits sélectionnés de la manière la plus subjective possible… Encore une fois, sur une carrière de plus de 400 films (tous postes confondus), nous ne pouvons que survoler l’ampleur d’une vie musicale dont le tout dernier acte fut pour les studios Disney. En 1965 sortait Calloway le Trappeur… Un drame familial sur fond de rêve écologique et d’affrontement entre idéaux ruraux et l’explosion rurales… et où la protection des animaux doit une nouvelle fois faire face à l’industrialisation de la chasse. Le film est loin d’être mémorable. La musique… n’est pas la plus originale et révolutionnaire qui soit… Loin s’en faut. Mais c’est comme ça… 

[« Those Calloways – Montage » – Max Steiner]

Parmi mes choix de cœur se trouvent également… Richard Cœur de Lion, de David Buttler, avec George Sanders dans le rôle-titre. Le film, adapté du roman historique de Walter Scott, se démarque par sa proposition de présenter Richard comme un roi extrêmement violent, cruel même, et cherchant à imposer sa religion au sultan Saladin. Une vision peu conventionnelle, surtout à l’époque, et qui a le mérite de chercher à remettre quelques pendules à l’heure…

[« King Richard and the Crusaders – Ilderim and Edith » – Max Steiner]

J’aimerais également citer Femmes en cage, Caged en VO, de John Cromwell… Un drame poignant, qui met en avant les conséquences de l’emprisonnement d’une femme enceinte au moment de son incarcération et son combat pour retrouver son enfant une fois sortie. Une histoire qui a manifestement pousser Max Steiner vers ses sonorités les plus sombres et touchantes à la fois…

[« Caged! – Madness and escape attempt » – Max Steiner]

Dans un tout autre genre, sortait en 1950 La ménagerie de verre, réalisé par Irving Rapper d’après la pièce de Tennessee Williams, jouée pour la première fois en 1944. C’était avec Kirk Douglas et Steiner s’y révélait aussi romantique que mystérieux…

[« The Glass Menagerie – Theme » – Max Steiner]

Et en parlant de romantisme… impossible de conclure cette émission sans évoquer Ils n’ont que 20 ans… de Delmer Daves en 1959… Si vous pensez que ça ne vous dit rien comme ça à priori… eh bien écoutez ça…

[« A Summer Place – Theme » – Max Steiner]

En VO, c’était The Summer Place. Et au-delà de cette valse qui fut numéro une des charts en son temps… perso, je retiens sa partition avant tout pour ça…

[« A Summer Place – Romance Remembered » – Max Steiner]

Max Steiner s’est éteint d’une crise cardiaque, à Hollywood le 28 décembre 1971. Il avait 83 ans… Vous l’aurez compris : plus que tout autre, c’est par lui que tout a véritablement commencé… Bien sûr, il n’était pas le premier à œuvrer pour la musique à l’image. Mais il a su en inventer les codes qui devaient perdurer décennies après décennies en imposant son approche thématique et narrative à ce septième art qui, jusque-là, préférait piocher allégrement dans le répertoire classique. Comme promis, je vous quitte sur un nouvel extrait de La charge fantastique… et les déchirants adieux du général Custer et de sa femme Elizabeth avant son départ pour la grande bataille assassine de Little Big Horn… où lui et ses hommes périrent tous, sans exception, face au tout aussi légendaire chef amérindien Crazy Horse, ici campé par Anthony Quinn. Une scène… une musique… et les yeux dans les yeux d’Olivia de Havilland et Errol Flynn… Le temps s’arrête… et je n’ai rien à ajouter…

[« They Died with their Boots On – The Final Goodbye » – Max Steiner]

A écouter aussi : Oscars d’hier et d’aujourd’hui | Seriefonia | VL Média (vl-media.fr)

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