Bassey Ebong est le second lauréat, avec Les Agités du Bocal, du festival tremplin Fallenfest, Saison 17. Né au Nigeria et vivant à Paris, le chanteur nous raconte dans ses chansons son histoire et sa fierté d’être africain dans un style afro pop. Radio VL s’est entretenu avec l’artiste.
J’ai grandit au Nigeria. Je ne suis arrivé en France qu’en 2003. Avant d’étudier la musique à Paris, j’ai suivi des études au Nigeria sur la protection de l’environnement et la gestion des ressources.
J’ai choisi de vivre en France, et plus particulièrement à Paris pour des études de voix (conservatoire de Pantin) et parce que c’est une ville multiculturelle d’un point de vue social et musical. J’aime son ouverture d’esprit. Je n’aurais pas pu trouver, par exemple, ce mélange d’influences musicales à Londres. Ville certes très cosmopolite mais à mon sens beaucoup moins ouverte à ma culture musicale. Là-bas, c’est exclusivement la pop et le pop rock qui prédomine.
« C’est à l’église que j’ai découvert la musique »
Quel est votre genre musical ?
Je m’identifie plutôt aux styles pop et afro pop. Mais je trouve mes origines musicales dans le Gospel. En effet, quand j’étais enfant, mes parents m’emmenaient très souvent à l’église. C’est donc là que j’ai découvert la musique. Je chantais régulièrement dans la chorale. Je me suis aussi construit au son de Paul Simon ou Myriam Makeba que mes parents écoutaient beaucoup.
Puis j’ai grandi, et mon envie de faire de la musique aussi. Une fois devenu adulte, j’ai dirigé une grande chorale de 1 000 personnes pendant plusieurs années.
C’est donc toutes ces expériences qui m’ont donné envie de faire de la musique mon métier et de donner de la joie en chantant.
Après mes études en France, j’ai travaillé en tant que compositeur au directoire musical. J’ai également été chef de chœur. Depuis plus d’un an j’ai décidé de me lancer en solo et la première fois que je me suis produit sur scène, c’était durant le festival Fallenfest. Heureusement j’ai réussi à remporter le festival en janvier dernier et ça a décuplé ma motivation à faire de la musique.
Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est l’afro pop ?
L’afro pop se situe entre la pop et l’Afro beat. Je ne me considère pas comme un artiste world, même si j’ai grandi au Nigeria. Je chante essentiellement en Anglais mais vous verrez que mes morceaux peuvent comporter des mots me reliant à mes origines. Nous dirons que c’est de la pop chanté dans une autre langue que l’anglais ou alors dans un anglais « cassé ».
Côté instruments, c’est de la pop avec des influences africaines, notamment dans les percussions. C’est un style dansant et très chaleureux. J’ai grandi dans ce style, il me parle et me plaît beaucoup.
« Si on ne s’amuse pas sur scène, le public ne s’amuse pas non plus »
Pourquoi avez-vous choisi de participer au Fallenfest ?
Je voulais monter sur scène car j’adore la scène, beaucoup plus que l’enregistrement. Faire de la scène représente pour moi une façon de partager mon vécu, mes émotions devant un public.
Avant de participer à ce festival, j’ai longtemps hésité avec un autre festival. Mon choix s’est finalement porté sur Fallenfest. Je suis allé à la rencontre de l’équipe et j’y ai trouvé des gens très ouverts et dignes de confiance. Faire ce festival c’était d’abord me tester mais aussi tester mes compositions devant un public. Cela permettait de voir si mes morceaux marchent bien ou moins bien. C’était aussi l’occasion de recevoir l’avis critique et les conseils de professionnels qui travaillent avec Fallenfest.
C’était la première fois que je montais sur scène en France en tant qu’artiste solo. En tant que directeur musical, j’avais déjà participé au Festival du Printemps d’Essaouira (Maroc), au Festival de musique panafricaine en Algérie et au Calabar Music Festival au Nigeria (où j’ai fait la première partie de Kool and the gang) J’ai aussi dirigé l’Opera Gospel situé à l’UNESCO à Paris et j’ai chanté avec un groupe a capella qui s’appelle Opus Jam.
Pourquoi d’après vous le jury Fallenfest et le public vous ont choisi vous et vos musiciens comme vainqueurs ?
Il faut savoir que Fallenfest est un festival davantage axé sur la pop rock. Sans être prétentieux je pense que mon univers était original, plus personnel et collait parfaitement à ma personnalité. Le jury a beaucoup aimé notre univers, nos arrangements, les voix et notre « groove ». Mais je rends aussi hommage aux autres groupes participants car le résultat a été très serré.
Mais je pense surtout que le public m’a choisi car il a senti le plaisir que je ressentais sur scène. Avant de monter sur scène je me suis dit : « oui c’est un concours mais il faut oublier le concours et s’amuser. » Car si on ne s’amuse pas sur scène, le public ne s’amuse pas non plus.
Cela n’a pas toujours été le cas. Lorsque mon équipe et moi avons joué à la Boule Noire à Paris dans le cadre du festival pour le 2ème tour, ça ne s’était pas bien passé selon moi car on ressentait beaucoup de stress. Au Divan du monde, on a réussi à rectifier ça. Et lors de la finale à La Cigale, on s’est dit : « Faisons-nous plaisir ! ». Et ça a été notre meilleur concert.
« Un jour, pour des raisons administratives, un fonctionnaire m’a dit que je ne pouvais pas rester en France et que je devais partir »
Cela vous arrive-t-il de chanter en français ou vous ne chantez exclusivement qu’en anglais ?
Pour l’instant qu’en anglais. Comme le français n’est pas ma langue maternelle, j’ai un peu peur de me ridiculiser (rires). Mais en ce moment je suis partant pour essayer de faire des collaborations en français. Ca m’amuse beaucoup de chanter en français, j’aime cette langue.
De quoi parlez-vous dans vos chansons ?
Je pense que 80% de mes morceaux tournent autour de ce que j’ai vécu. Par exemple le titre « Proud » parle de ma fierté d’être africain, sans faire dans le communautariste. Un jour, pour des raisons administratives, un fonctionnaire m’a dit que je ne pouvais pas rester en France et que je devais partir. Je ne pouvais rien répondre de peur de ne pas avoir mon titre de séjour. Le seul moyen que j’ai trouvé pour répondre à çà, c’était la musique. Dans mes chansons je parle aussi beaucoup de socio-politique. Par exemple, je parle beaucoup de la corruption et de l’injustice qui règnent dans mon pays, le Nigeria. Mais mes chansons sont toujours optimistes, pleines d’amour et d’espoir.
Vous avez évoqué quelqu’un qui vous a dit que vous ne devez pas rester en France. Avez-vous déjà été victime de propos racisme depuis votre arrivée en France ?
(Il réfléchit, hésite) Oui ça m’est déjà arrivé mais ce n’est pas quelque chose que je garde en moi en me disant que je suis une victime. Je suis en France, dans un pays étranger. Je ne peux pas contrôler ce que les gens disent, ce que les gens pensent. Je suis juste reconnaissant de vivre en France, le pays qui m’a adopté, d’y avoir appris ce que je sais aujourd’hui et d’avoir rencontré les gens que je connais aujourd’hui. Evidemment, le racisme auquel j’ai été confronté parfois n’est pas un racisme d’état. Il s’agit plus de cas individuels. Chacun pense ce qu’il veut, chacun choisit qui lui plaît ou pas. Je ne peux pas plaire à tout le monde et c’est comme ça.
Parlez-nous de votre pays, le Nigeria.
C’est un pays qui a un très gros potentiel, qui a beaucoup de ressources. Mais il y a au Nigeria beaucoup d’inégalités. Le pays est riche mais mal géré par ses dirigeants et c’est très dommage. Les dirigeants ne pensent qu’à leur situation personnelle, sans se préoccuper du pays, de sa situation et de ses habitants. Si vous êtes Nigérian et que vous n’avez pas de relations haut placées, alors vous n’avez aucune opportunité, aucune chance de vous en sortir.
Avec la fondation que j’ai crée, « Friends for Africa », on essaie de voir si on peut, non pas changer, mais au moins améliorer les choses là-bas, pour que les gens puissent exploiter leur talent, leur savoir-faire.
Comment avez-vous rencontré les membres de votre groupe ?
J’ai d’abord rencontré Christophe Borilla, le bassiste. Un bon feeling musical. Je l’ai donc nommé directeur musical pour ce projet. Il m’a présenté ceux qui allaient devenir les autres membres du groupe. Lui les connaissait déjà. Car le monde de la musique est un petit monde. Tout le monde se connait. Nous les avons appelés. Ils étaient intéressés par mon projet. On a fait des tests ensemble qui ont été concluants. J’ai finalisé l’équipe en août dernier, et en septembre, l’aventure Fallenfest débutait.
Vous avez gagné des séances en studio, du matériel, une aide financière de 1000€ du Fallenfest, quels sont vos projets pour la suite ? (EP, album, tournée, démarchage labels ?)
Là je suis parti pour enregistrer un EP dans les mois qui viennent. L’EP constitue pour moi une étape avant d’enregistrer un album. On a aussi un concert de prévu au théâtre de Neuilly en collaboration avec le Rotary Club le 15 avril. Après nous nous produirons à la Boule Noire le 16 avril pour un Showcase Révélations. J’ai aussi d’autres projets personnels. Je travaille en ce moment sur une émission musicale axée sur la musique africaine. Je ne connais pas encore la date précise mais ça se passera courant juin ou juillet. J’ai aussi le groupe de Gospel que je dirige, « Bloom Gospel Choir ». Tous les ans on fait un festival ensemble et cette année ce sera le 23 mai. Et enfin, je voudrais continuer à monter sur scène pour partager avec les gens mon histoire. La scène est donc, avec l’album, au centre de mes projets.