Figure importante de la télévision américaine, Bradley Bell (chef d’orchestre de Amour gloire et beauté) est peu présent en interview. Nous l’avons rencontré lors du Festival de télévision de Monte-Carlo.
Le public ne le sait peut-être pas, mais votre famille a participé au début de l’aventure de Des jours et des vies un soap opera qui dure depuis longtemps, et Another World. Pourquoi vous intéressez-vous Bradley Bell à ce genre en particulier ?
Bradley Bell : Quand j’étais enfant et que mon père écrivait Des jours et des vies et Les feux de l’amour, j’étais dans la pièce et j’absorbais ce qu’il disait, j’assistais aux conférences de rédaction, je regardais la série le soir – on la regardait tous ensemble, tous les soirs en famille. Ma sœur est devenue actrice, mon frère est du côté des affaires dans le milieu du divertissement, mais moi, je me sentais vraiment connecté à ce qu’il disait, et je me disais que je pourrais faire ça. C’était très excitant, j’ai été formé sur Amour Gloire et beauté, et puis j’ai eu la chance de commencer avec Les feux de l’amour. C’était un grand honneur de travailler avec lui, c’était un grand auteur.
Un mot sur votre père William J.Bell. Que pensez-vous qu’il ait apporté à la télévision ?
Bradley Bell : Il a créé des drames familiaux, qui vous touchaient vraiment profondément. Je me souviens qu’on s’asseyait tous ensemble, il mettait la série sur vidéo cassette quand j’étais plus jeune, et à la fin de l’épisode on pleurait tous – avec Victor et Nikki, ou n’importe quel arc narratif. Il avait une étonnante capacité de toucher la corde sensible des téléspectateurs. Il avait une vraie éthique quant aux intrigues, vous pouviez y croire et apprendre quelque chose.
Pensez-vous, comme moi, que les soap operas sont les ancêtres de toutes les séries modernes diffusées en prime time ?
C’est étonnant de voir, si vous remontez 20 ans en arrière, à quel point tout était différent. Les gens se détournaient des dramas feuilletonnants alors qu’aujourd’hui, quasiment toutes les séries en sont. Je suis d’accord avec vous, je pense qu’il a eu une profonde influence sur le paysage télévisuel.
Le soap opera est un genre majeur à la télévision parce qu’on y trouve tous les éléments des séries modernes, comme le cliffhanger ou les séries chorales. Comment travaillez-vous sur un épisode ?
Eh bien, j’essaye d’apporter un petit peu d’humour, un petit peu d’action. Les cliffhangers sont très importants, mais je dois me rappeler que le plus important, c’est la connexion émotionnelle. Parvenir à exprimer le rire à travers les larmes, ou susciter une profonde empathie, voilà ce que j’essaie vraiment de faire. De toucher les gens dans leur cœur et dans leur âme. C’est une libération formidable, très saine et aussi très addictive.
Depuis de nombreuses années, vous parvenez à conserver l’attention du public. Quel est le secret d’un bon soap opera ?
Je crois que par-dessus tout, c’est une histoire des familles, et nous avons tous une famille. Le drame s’accentue dès qu’on parle de la famille. C’est une histoire qui se consacre à l’étude détaillée des relations entre frères et sœurs, mères et fils. C’est pour cela qu’on continue d’y revenir. Le cœur de la série, c’est l’amour familial, la famille Forrester, la famille Spencer.
Comment expliquez-vous que Les feux de l’amour soit encore à l’antenne aujourd’hui ?
Je ne sais pas. Je crois que nous avons créé un produit dans lequel les gens ont confiance, qui a une consistance, qui au fond est basé sur la morale. Ce n’est pas juste un drama bas de gamme et scandaleux, il y a quelque chose de plus enrichissant qui ouvre les mentalités. C’est notre but final, avec un cast idéal – Katherine Kelly Lang et John McCook sont avec nous depuis le premier épisode. Tous nos merveilleux acteurs et notre équipe sont passionnés, et je pense que notre passion se transmet à travers l’écran.
Il y a 7 ans, les soap operas ont traversé une crise majeure, beaucoup ont disparu, mais les vôtres sont toujours à l’antenne aujourd’hui. Comment expliquez-vous qu’ils ne meurent pas, contrairement aux autres ?
Je crois qu’il y a eu un point de bascule dans le soap opera, beaucoup sont tombés, et ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont fait des coupes sombres dans la production. Et ça se voyait vraiment. L’équipe de rédaction a été très affectée et ils ont essayé de lutter, de faire ce qu’ils pouvaient, et ça sentait un peu le désespoir. Nous avons pris le chemin opposé, on s’est dit qu’on allait augmenter notre budget, tourner davantage, rester enthousiastes envers la série, et qu’on allait survivre. Et ça a fonctionné jusqu’à présent.
De nombreux acteurs à la télévision américaine ont débuté leur carrière dans des soaps operas. Pensez-vous que ce soit une école extraordinaire pour les acteurs et les actrices, mais aussi pour les auteurs ?
Oui, je pense que c’est le cas. C’est passionnant, et pour les auteurs il y a très peu d’interférences. Dans d’autres domaines du divertissement, si vous sortez un script, la réécriture dure des siècles. Nous, on a la joie d’écrire et c’est produit deux semaines plus tard. C’est un super entraînement pour écrire, parce qu’on écrit de la comédie, de l’aventure, tout. Et pour les acteurs, quand ils arrivent sur la série, ils regardent leurs 40 pages et ils disent qu’ils ne peuvent pas y arriver, ils paniquent et ils passent un sale moment, mais ils finissent par rebondir. C’est comme un muscle qu’ils développent, et ils finissent par y arriver d’une façon ou d’une autre. Je ne pourrais jamais faire ça – mémoriser un tel volume, puis tout oublier et le lendemain, tout recommencer. Donc, ça peut vous emmener loin dans n’importe quelle carrière.
On parle de séries en prime time qui abordent des problèmes de société, mais on ignore souvent que les soaps diffusés en journées aiment parler de nos sociétés. Cette année, vous avez un arc narratif fantastique sur la transsexualité. Etait-ce important pour vous d’en parler ?
Oui, dans l’optique d’ouvrir l’esprit des gens, et d’utiliser le personnage de Maya pour démontrer que les gens sont juste des gens, qui essayent d’être fidèles à eux-mêmes. On essaye tous de trouver notre voie dans la vie, de trouver l’amour. De bien des manières, c’était peut-être révolutionnaire dans un soap opera, mais c’est simplement une autre histoire d’amour. Simplement une autre personne. Parce que nous sommes tous frères et sœurs, et on devrait respecter ça, cette liberté de choisir le chemin qu’on veut.
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Vous avez aussi réussi à attirer un jeune public vers la série, par le biais d’épisodes sur le web notamment, réalisés par Karla Mosley. C’est quelque chose de nouveau, pour la série, d’attirer un jeune public ?
Absolument. La clé pour le futur, c’est de continuer à toucher de nouveaux spectateurs. Mais il aussi important de respecter et de garder les spectateurs qui vous suivent depuis longtemps. Je pense que d’autres séries se débarrassent des personnages préférés du public et introduisent trop de nouveaux visages. Et ils perdent le lien. Mais être sur internet, c’est important. On essaie aussi de faire quelque chose avec une équipe qui filme les coulisses, on va faire un making of, qui sera aussi en ligne, on essaie de faire des bouts de comédie qui compléteront la série. Nous voulons vraiment développer cette nouvelle existence et ce nouveau futur.
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— Bold & The Beautiful (@BandB_CBS) 20 novembre 2016
Quelle est votre ambition concernant vos séries, pour les 5 ans à venir ?
Dans la production, redéfinir ce que sont ces séries, les rendre meilleures et plus innovantes que jamais, et prouver qu’une série diffusée en journée est encore importante et riche de sens. C’est une forme d’art unique, et ça mérite de tenir le coup dans les années qui viennent.
Crédit : CBS
Crédit Bradley Bell : Alexandre Letren