Ces influenceurs séduisent une jeunesse en quête de repères et inquiètent par leur propos radicaux et simplifiés.
En Espagne, une nouvelle génération d’influenceurs a émergé sur les plateformes numériques et fait beaucoup parler d’elle. Les « Fachatubers« . Ce terme, contraction de facha ( argot péjoratif pour « fasciste » ) et youtubeur, désigne des créateurs de contenu diffusant des idées proches de l’extrême droite via Youtube, TikTok ou encore des podcasts. Ces figures comme Wall Street Wolverine ou Infovlogger, jeunes et connectés, affichent leur rejet du « wokisme » et des médias traditionnels qui censurent les idées conservatrices.
Se présentant comme les portes-voix d’une « contre-culture » politique, ils ciblent principalement la Gen Z espagnole. Leur objectif ? Peser sur le débat public et influencer les votes en faveur d’une droite radicale. Comme le dit sans détour Isaac Parejo alias Infovlogger : « Nous exprimons des idées qui sont censurées dans les médias » et affirme que c’est pour cette raison que les « Fachatubers sont arrivés« .
Le pouvoir de l’influence
Les « fachatubers » savent manier les codes des réseaux sociaux. Rythme rapide, formats courts, punchlines et humour provocateur. Grâce à ces stratégies, ils captivent une audience jeune, souvent en recherche d’identités. Ils transforment des sujets complexes comme l’immigration, l’égalité des genres ou encore l’écologie en messages simplifiés, voire caricaturaux. Cette approche directe crée un lien émotionnel fort avec leur communauté.
Le phénomène est relativement simple. 50% des Espagnols de 16 à 30 ans s’informent exclusivement via les réseaux sociaux. Dans ce contexte, l’impact des « fachatubers » est considérable. D’autant plus, que 62% des créateurs de contenus d’actualité ne vérifient pas les informations diffusées, d’après l’Unesco.
Le résultat ? Une zone grise entre opinion, information et manipulation, dans laquelle ces influenceurs prospèrent.
Une jeunesse exposée
Le succès de ces figures inquiète. De nombreux enseignants et journalistes pointent un risque de radicalisation douce. Une banalisation d’idées d’extrêmes passées sous couvert d’humour ou de « bon sens » peut facilement être profondément intégrer par ces jeunes générations. Ces contenus séduisent souvent des adolescents en plein développement de leur esprit critique, rendant leur exposition d’autant plus préoccupante.
Fachatubers (a portmanteau of “facha” (fascist) and YouTuber) spread anti-immigrant, racist and Islamophobic content to their significant numbers of followers (all have in excess of 100,000), often painting Muslim immigrants as dangerous criminals. https://t.co/rfH1WTDCxR
— The Bridge Initiative (@bridgeinit) January 9, 2025
Le ton volontairement “anti-système” des « fachatubers » séduit ceux qui se sentent délaissés ou incompris par le discours dominant. Pourtant, derrière cette façade rebelle, se cachent des messages très structurés. Nationalisme exacerbé, rejet des minorités, anti-féminisme, et dénonciation des institutions démocratiques.
Face à cette montée, des voix réclament une éducation aux médias renforcée. En effet, il est nécessaire d’apprendre aux jeunes à analyser une vidéo, à repérer les vrais infos et vérifier les sources. Car le danger ne réside pas uniquement dans ce qui est dit, mais dans la manière dont ces contenus s’installent dans le quotidien numérique des jeunes.
Une « bataille culturelle » bien engagée
Les « Fachatubers » ne sont que la partie émergée d’un mouvement plus large. Celui de la droite radicale qui investie pleinement le champ culturel et numérique. En transformant Youtube ou TikTok en tribunes idéologiques, ces influenceurs redessinent les contours du débat public espagnol.
Comprendre leur succès, c’est aussi comprendre ce qui manque dans les discours politiques actuels. Maîtriser les codes du numérique.