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On a revu … Ally McBeal, la comédie judiciaire de David E. Kelley

C’était en 1997 : la FOX lançait Ally McBeal, série fraîche et originale de David E. Kelley mêlant comédie et drama judiciaire.

C’est quoi, Ally McBeal ? Ally McBeal (Calista Flockhart) est une jeune et brillante avocate qui rejoint un cabinet de Boston, Cage & Fish, Cage (Greg Germann) étant l’un de ses anciens camarades d’Université. A sa grande surprise, Ally y retrouve son ex-petit ami Billy (Gil Bellows) qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. Celui-ci est aujourd’hui marié à une autre avocate du cabinet et Ally, romantique névrosée, a bien du mal à travailler aux côtés du couple. Mais avec des collègues tous plus excentriques les uns que les autres, la jeune femme peut laisser libre court à sa fantaisie. Dotée d’une imagination fertile et complètement extravagante, elle se réfugie dans un monde d’illusions, de chansons et de fantasmes…

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En 1997, David E. Kelley vient de créer The Practice pour ABC lorsque la FOX lui commande une série similaire mais plus légère. Kelley imagine alors le personnage de Ally McBeal. Diffusé en septembre, le pilote est  un succès et la série s’impose comme l’une des surprises de la saison. Le public est d’emblée conquis par le mélange de drama judiciaire et de comédie, en décalage avec la très sérieuse The Practice – un changement de ton qui, toutefois, n’empêchera pas plusieurs crossovers entre les deux séries.

A lire aussi : C’était il y a 20 ans … The Practice la série judiciaire de David E Kelley

Quelques notes d’une série

On a parlé de série judiciaire, et Ally McBeal peut entrer dans cette case puisqu’elle met en scène des avocats et se déroule dans un cabinet juridique. Généralement conclues en un épisode, ces intrigues sont pourtant d’abord un prétexte ; loin d’être classiques, elles permettent  d’accentuer l’ambiance et le ton décalés, en introduisant des personnages atypiques – comme le transsexuel interprété par Lisa Edelstein, ou toute une galerie de juges déjantés. Elles servent surtout d’arrière-plan à la vie personnelle d’Ally et de ses amis, et plus particulièrement au monde fantaisiste dans lequel ils se réfugient. Bien malin qui se souvient des dossiers traités par les personnages ; en revanche, personne n’a oublié les toilettes mixtes, le bébé danseur, les séquences musicales ou le piano-bar…  

L’un des éléments essentiels de la série réside dans sa musique. Plus qu’une simple bande-son, les différentes chansons entendues au fil des épisodes jouent un rôle prépondérant dans l’histoire, soit parce qu’elles traduisent l’état d’esprit des personnages (Cage et son obsession pour Barry White), soit parce qu’elles s’intègrent complètement au récit. C’est le cas lorsque les avocats se réunissent au bar, après leur journée de travail. On y retrouve régulièrement Vonda Shephard (auteure et interprète de la chanson du générique) et les personnages eux-même n’hésitent pas à monter sur scène. Au cours des saisons, de nombreux guests de prestige sont apparus dans la série – Tina Turner, Gloria Gaynor, Sting, Anastacia, Tom Jones… ou Barry White himself.

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Un imaginaire débridé

Mais la caractéristique principale, c’est la transposition à l’écran de l’imagination débridée d’une Ally déchaînée, qui voit par exemple Al Green chanter en plein tribunal ou un étrange bébé danseur. A travers ces hallucinations se matérialisent les névroses d’une héroïne attachante et perturbée, constamment sous pression entre sa vie professionnelle et l’échec de sa vie amoureuse. En montrant au public les délires de son héroïne, Ally McBeal pousse à l’extrême son humour surréaliste et enchaîne les gags visuels, les quiproquos et les malentendus.

Niveau excentricités, les collègues d’Ally ne sont pas en reste. A commencer par les deux associés, Richard Fish (un séducteur fétichiste du cou, avec un faible pour les femmes plus âgées) et John Cage (un anxieux affublé de tics, que l’on trouve souvent en train de danser en chantant du Barry White dans les toilettes mixtes…). Ou encore la secrétaire Elaine, croqueuse d’hommes et inventrice d’objets foutraques comme le soutien-visage ou le freezer slip. En dépit de son ton résolument comique, Ally McBeal n’est pourtant pas qu’une simple pochade, car tous les personnages se rejoignent sur un point essentiel : leurs extravagances leur servent à se protéger d’une réalité trop dure, à fuir les situations qui les mettent mal à l’aise. S’ils jouissent d’une position sociale et d’une aisance matérielle, tous cherchent autre chose : un bonheur qui leur échappe. Et finalement, ce mélange entre l’excentricité des personnages qui tentent de sauver les apparences et leur mal-être  font de Ally McBeal une tragi-comédie à l’humour délirant.

Il fallait trouver des acteurs capables de maintenir ce fragile équilibre entre arrière-plan doux-amer et situations souvent grotesques. Par essence, Ally McBeal suppose une interprétation  outrancière, mais aussi un jeu plus subtil dans les moments d’émotion. Le challenge est parfaitement  relevé par les excellents comédiens, en commençant par Calista Flockhart dans le rôle-titre. Inconnue venue du théâtre, révélée par la série, elle se glisse à la perfection dans la peau de cette héroïne à la fois touchante et agaçante, entre crises d’hystérie et sensibilité exacerbée. On citera aussi Greg German et Peter MacNicol (irrésistibles Richard Fish et John Cage) ; Gil Bellows alias Billy, le grand amour d’Ally ; la fantastique Jane Krakowski (Elaine) ;  l’australienne Portia de Rossi en blonde hitchcokienne ; ou enfin la sublime Lucy Liu, avocate sarcastique et ambitieuse.

Une mécanique qui se raye ?

D’une saison à l’autre, AllyMcBeal est restée résolument fidèle aux grandes caractéristiques qui ont fait son succès. Peut-être un peu trop… Prise à son propre piège, la série n’a pas su se renouveler et, passé un certain temps, s’est contentée de pousser toujours plus loin l’excentricité de ses personnages et des situations sans se renouveler.  Chaque épisode consistait en une succession de gags et une déclinaison des petites manies et fantasmes de chacun. Le passage-éclair de Robert Downey Jr, entre deux séjours en prison, a quelque peu redressé la barre : il était brillant dans le rôle d’un psychiatre et petit ami d’Ally. Rattrapé par ses vieux démons, il est de nouveau incarcéré pour possession de drogue et disparaît de la série. Alors que les audiences étaient reparties à la hausse, son départ marque un point de basculement : renouvelée pour une cinquième et dernière saison, Ally McBeal retombe dans des péripéties grotesques, et l’apparition de Jon Bon Jovi dan un rôle récurrent ne suffit pas à la maintenir à flot. La série disparaît en 2002, après un ultime épisode qui a au moins le mérite d’apporter une conclusion satisfaisante.

Pour être exhaustif, on signalera l’échec d’un spin-off, lancé en 1999 :  Ally, une sitcom qui n’était rien d’autre qu’un condensé des débuts de Ally McBeal, avec des épisodes de 20 minutes réunissant les scènes humoristiques, sans les intrigues judiciaires.  La série fait un flop– elle est annulée après seulement 10 épisodes.

Un héritage puissant

20 ans après, que reste-t-il de Ally McBeal ? D’abord, mine de rien, la série a contribué à bouleverser les codes en insufflant un vent de comédie légère et décalée dans un registre en général sérieux voire austère. Kelley exploitera le procédé dans sa future série Boston Legal, et on le retrouvera aussi dans The Good Wife, par exemple. Le mélange de musique, d’humour surréaliste et débridé évoque aussi des séries comme Crazy Ex-Girlfriend, qui est sans doute ce qui se rapproche actuellement le plus de Ally McBeal. Mais Ally McBeal a aussi dépassé le cadre du petit écran pour devenir une référence de la pop culture de la fin des années 1990. Imprégnant l’imaginaire des spectateurs, elle a souvent servi de références : le bébé danseur, par exemple, est encore aujourd’hui décliné en gif sur internet.

Cet impact s’est aussi traduit par quelques polémiques, la série étant accusée de favoriser l’anorexie en raison de la minceur extrême de son actrice principale , ou encore de véhiculer une image machiste, avec son héroïne obsédée par l’idée de trouver l’amour et d’avoir des enfants (Time Magazine mettra même Calista Flockhart en couverture, au-dessus du titre : Le féminisme est-il mort?). Des questions moins anecdotiques qu’il n’y paraît, et qui montrent  à quel point une série, pourtant légère et amusante, peut être en phase avec la société en suscitant des débats pour le coup toujours actuels, et qui resurgissent régulièrement dans les médias.

Après deux premières saisons excellentes, Ally McBeal s’est essoufflée : l’attrait de la nouveauté s’est émoussé, et les intrigues toujours plus outrancières ont fini par lasser le public. Pourtant, Ally McBeal reste une série marquante, qui a fait souffler un vent de fraîcheur, dont l’originalité a influencé plusieurs séries actuelles, et qui s’est même imposée comme un  sujet de société. Encore aujourd’hui, elle occupe une place à part dans le souvenir de nombreux téléspectateurs. Rares sont les séries qui, en dépit d’une incontestable baisse de qualité, peuvent se targuer d’avoir ainsi touché le cœur de leur public.

Ally McBeal (Fox)
Diffusée de 1997 à 2002.
112 épisodes.
Disponible en DVD

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About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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