C’était il y a 30 ans : l’USS Enterprise D, menée par le Capitaine Jean-Luc Picard (Patrick Stewart), poursuivait le voyage initié quelques vingt années plus tôt par James T. Kirk (William Shatner) et partait, à son tour, explorer de nouveaux mondes étranges en s’aventurant là où nul homme n’était encore jamais allé… tout en déchaînant les passions d’une toute nouvelle génération de téléspectateurs. Voici l’histoire de Star Trek The next generation.
Lorsque commence la diffusion (le 28 septembre 1987) de la troisième incarnation télévisuelle issue de ce qui devient alors la « franchise » Star Trek, l’équipage de la série dorénavant qualifiée de « classique » poursuit quant à elle ses aventures au cinéma. Le quatrième film, Retour sur Terre, est ainsi arrivé dans les salles obscures un an plus tôt mais, en dehors des nombreuses rediffusions des 79 épisodes originaux et des 22 que comporte la série d’animation de 1973, rien de réellement nouveau n’est plus proposé depuis longtemps aux amateurs de l’univers créé par « le grand oiseau de la galaxie », Gene Roddenberry, en 1966… Dans un premier temps envisagée sous le titre Star Trek : Phase II avec le cast d’origine (qui deviendra finalement, plus ou moins, le premier film), Star Trek The Next Generation prend les américains par surprise après une longue et relativement douloureuse période de gestation, à laquelle le créateur a d’ailleurs bien failli ne jamais participer…
Souvent hors budget, affable envers ses équipes et ouvertement obtus quant à la vision (précise) de ce à quoi se doit de ressembler sa quête des étoiles, Gene Roddenberry est alors, en effet, très loin d’être en état de grâce auprès des décideurs de chez Paramount. Pour mener à bien ce projet de nouvelle série, ces derniers lui préfèreraient largement un autre pilier de la franchise : Leonard Nimoy, Monsieur Spock en personne, avec qui leur expérience en tant que réalisateur sur les troisième et quatrième films s’était couronnée autant de succès que d’efficacité. Mais, sans réelle surprise, le plus humain de tous les Vulcains, décline la proposition… Finalement, et après bien des discussions et autres directions envisagées (notamment des aventures plus adolescentes au sein des salles de classes et d’entraînement de l’Académie de Starfleet ; proposées par Greg et Sam Strangis), le retour de Roddenberry sur la passerelle du nouvel Enterprise s’impose. Toutefois, il ne sera plus le seul capitaine à bord… C’est ainsi que les exécutifs lui associent le producteur Rick Berman, récemment mis au chômage technique, avec la double mission de canaliser le créateur tout en assurant le bon déroulement, à la fois stratégique et scénaristique, de celle qui qui s’intitule désormais Star Trek The Next Generation.
C’est quoi Star Trek The next generation ? Située quelques 70 ans après les évènements de l’ère « classique », Star Trek The Next Generation suit les voyages et explorations intergalactiques de l’USS Enterprise NCC-1701-D à travers les Quadrants Alpha et Beta de notre galaxie ; tout en élargissant progressivement le spectre global de la franchise. Outre un équipage solide, aux personnalités radicalement différentes de celles de la série-mère, on y découvre, semaine après semaine, foultitude de nouveaux dangers, merveilles, enjeux, technologies… ainsi que de toutes nouvelles races ou espèces extra-terrestres (tels que les simili-dieux Q ou les effroyables Borgs pour ne citer que les plus populaires). Le tout dans la plus pure tradition Trek ; à savoir par le prisme d’un futur souvent optimiste et à l’humanité sciemment idéalisée.
C’est Gene Roddenberry lui-même qui a eu l’idée de profiter de cette nouvelle déclinaison de son univers pour opérer un bond narratif de presque un siècle en avant… Outre une certaine justification de la qualité naturellement accrue des effets spéciaux (et donc du rendu visuel et artistique global de la série) en comparaison avec ceux des premières saisons de la fin des années 60, c’était également un excellent moyen pour lui de se dédouaner – d’entrée de jeu – auprès des fans un peu trop enclins à systématiquement grincer des dents à force de « comparer ce qui n’est pas comparable ». La notion-même de « nouvelle génération » affichant clairement cette volonté de proposer une extension au voyage initial et non une banale redite… Cependant, en dépit d’un équipage résolument neuf (un capitaine français et relativement âgé, un pilote androïde en quête d’humanité, un chef scientifique aveugle, une conseillère télépathe, un médecin femme, un premier officier qui pourrait déjà lui-même être capitaine et, ni plus ni moins, qu’un chef de la sécurité… Klingon !), les deux premières saisons peinent à s’affranchir des codes et intrigues précédemment explorés… Certains épisodes, tels que « L’Enterprise en folie » (diffusé le 3 octobre 1987), allant même parfois jusqu’au remake. Mais fallait-il encore, avant toute chose, franchir le cap du pilote.
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Officiellement annoncé environ un an auparavant, à l’occasion de la cérémonie du vingtième anniversaire de Star Trek, le double épisode d’ouverture de Star Trek The Next Generation n’arrive à l’antenne (en syndication ; ce qui explique que les premières dates de diffusion peuvent sensiblement varier d’une chaîne à l’autre) qu’à compter de la fin septembre 1987. Intitulé « Rendez-vous à Farpoint », il parvient, plus ou moins maladroitement, à (re)poser les bases de la franchise ici réinventée… tout en réaffirmant la volonté de Gene Roddenberry de miser avant tout sur une vision utopiste de la science-fiction ; notamment en privilégiant de façon très assumée les notions de partage, d’entraide, d’optimisme et d’altruisme aux, malgré tout, inévitables conflits intergalactiques ne manquant pas de survenir d’ici de là… Envoyé vers la planète Farpoint afin de finir d’assembler son tout nouvel équipage et d’octroyer, ou non, un nouveau statut au peuple Bandi au sein de la Fédération, le Capitaine Jean-Luc Picard doit d’abord répondre aux provocations d’une entité omnisciente se faisant appeler Q (John de Lancie). Ce dernier (considérant que l’humanité n’a guère su évoluer au fil du temps et reste donc, inexorablement, un peuple barbare) met Picard au défi de lui prouver le contraire. Dès lors, la simple « mission Farepoint » prend une toute autre dimension… L’équipage de l’Enterprise, dont la plupart des membres ne se connaissent pas encore, doit découvrir la source des pouvoirs magiques des Bendi et en appréhender les conséquences le plus pacifiquement et le plus intelligemment possible. En 90 minutes, s’entrecroisent ainsi la présentation du nouveau vaisseau et de l’ensemble des personnages, le procès de l’humanité, la découverte d’une civilisation, le mystère d’une source magique, un grand final à mi-chemin entre le merveilleux et l’ésotérisme… Et même un joli caméo du comédien DeForest Kelley (qui reprend son rôle du Docteur McCoy, soufflant alors pas moins que ses 137 bougies !). Certes, l’ensemble peut paraître confus. Quelque peu déséquilibré. Voire un chouïa élitiste. Mais l’audace de « l’entreprise » et le charisme immédiat d’une bonne partie du cast principal (Patrick Stewart et Brent – Data – Spiner en tête) remportent la mise. Visuellement, les maquettes, maquillages et créatures se révèlent aussi esthétiques que crédibles… Et les quelques effets numériques (encore peu fréquents à l’époque) suffisent à faire la différence. Sans détour, Star Trek The Next Generation entame sa première année à travers pas moins de 26 épisodes et embarque avec elle les « très-cœur » par surprise.
Mais en coulisses, rien ne va déjà plus… Les scénaristes se succèdent et démissionnent à un rythme infernal. Roddenberry ne laisse rien passer et ne se montre que très peu ouvert à la nouveauté. Par exemple, il tient à conserver, quoi qu’il arrive, le format « d’aventure de la semaine »… Chaque épisode devant ainsi s’autosuffire à lui-même. A une époque où les soaps et autres feuilletons font loi, difficile de sortir son épingle du jeu en restant enfermé dans un tel carcan… Autre point délicat : les auteurs peinent également (et on les comprend) à savoir quoi faire du personnage de Wesley Crusher (Wil Wheaton, alors fraîchement débarqué de Stand by Me). Censé incarner l’œil et l’âme du téléspectateur novice, le fils du Docteur Beverly Crusher (Gates McFadden), d’ailleurs particulièrement présent aux cours des deux/trois premières saisons, s’impose immédiatement en archétype du jeune surdoué bien sur tout rapport et à la limite du supportable… Pour preuve : les fans voient immédiatement en lui nul autre qu’une « tête à claque » et rêvent déjà de sa future disparition… qui ne se fera progressive qu’à compter de la saison 5 ! Pourtant, au-delà de ce désamour quasi général, force est de constater que le premier véritable bon épisode de la série le place au cœur de l’intrigue…
Réalisé par Rob Bowman (The X-Files), « Where No Man Has Gone Before », sixième épisode de la première saison, propose presque tout ce que Star Trek a de meilleur à offrir… Une expérience scientifique qui tourne mal et propulse l’Enterprise à plus de 350 millions d’années-lumière de l’espace de la Fédération, des séquences d’hallucinations permettant d’en apprendre un peu plus sur un équipage encore peu développé, des dialogues et des considérations techniques et idéologiques toutes « trekiennes » et, enfin, un extra-terrestre parmi les plus fascinant des sept saisons confondues : le Voyageur (Eric Menyuk), qui reviendra d’ailleurs ensuite par deux fois dans la série. Bon an mal an, Star Trek The Next Generation prend ses marques petit à petit et alterne presque de manière cyclique entre bons, moyens et inutiles épisodes… De plus, la saison 2 est marquée par une grève générale des scénaristes et le départ de la comédienne Gates McFadden, remplacée pendant un an par Diana Muldaur dans le rôle du Docteur Kate Pulaski. Autre nouvelle arrivée dans la série : l’extrêmement fan de la franchise Woopie Goldberg devient la très énigmatique Guinan, qui interviendra régulièrement tout au long des sept saisons et dont les véritables origines ne seront dévoilées que dans le film Générations en 1994.
Il faut attendre la troisième saison pour que la série parvienne à sa totale maturité… Après plusieurs nouveaux départs forcés ou volontaires, Michael Piller intègre l’équipe et, contre toute attente, surmonte l’impossible : à savoir s’entendre (suffisamment) avec Gene Roddenberry et commencer à imposer sa propre vision des choses. Il devient coproducteur exécutif et engage progressivement les auteurs qui finiront par faire les beaux jours de la série ; dont un certain Ronald D. Moore, le futur (re)créateur de Battlestar Galactica. Les intrigues sont de plus en plus centrées sur les personnages eux-mêmes… Les effets visuels (et même les uniformes) s’améliorent ostensiblement… La présence du Holodeck (géniale salle de réalité virtuelle permettant la création des univers et situations les plus cocasses) favorise des épisodes souvent brillants et aux environnements plus variés que le pont de l’Enterprise… Plus incroyable encore, après des épisodes aussi forts que « The Enemy », « A Matter of Perspective », « Yesterday’s Enterprise », « Sins of the Father », ou encore « Sarek », la saison s’achève comme jamais Roddenberry (qui commence en fait à être malade et, de facto, à lâcher du lest) n’avait accepté de le faire… sur LE cliffhanger dont tous les fans se souviennent encore (et en frissonnent toujours) : Picard, assimilé par les Borgs, se retrouve dans la ligne de mire de l’Enterprise, à présent commandée par Will Riker (Jonathan Frakes). Mouvement de caméra… Gros plan sur son visage… Et ce simple mot… « Fire ». Ca y est… En quelques minutes (les dernières de The Best of Both Worlds – Partie 1 »), Star Trek The Next Generation est soudain devenue le chef d’œuvre annoncé.
A la rentrée 1990, la machine est lancée à vitesse de distorsion maximale. Brannon Braga et Jery Taylor se joignent à la production-team… Tandis que la série approche gentiment de son 100è épisode, c’est tout le futur de la franchise qui se met en fait en place. La saison 4 enchaîne les épisodes cultes (« The Best of Both Worlds – Partie 2 », « Family », « Brothers », « Data’s Day », « First Contact », « Galaxy’s Child », « Q-Pid », « Redemption – Partie 1 ») et poursuit dans cette direction salvatrice en proposant régulièrement juste ce qu’il faut de feuilletonnant. Introspection, politique, voyages dans le temps… Drame, comédie, action, réflexion… Les épisodes alternent les genres avec une intensité commune et, en dehors de quelques très rares écueils, maintient ce même niveau qualitatif jusqu’à son grand final (« All Good Things – Parties 1 & 2 ») trois ans plus tard.
Malheureusement, Gene Roddenberry décède le 24 octobre 1991. L’équipe est alors en plein tournage du 11è épisode de la saison 5, « Hero Worship »… et le hasard du calendrier veut que le prochain épisode où l’on puisse lui rendre hommage (par le biais d’un carton-titre en ouverture) soit le septième : « Unification – Partie 1 ». Le symbole est, de fait, extrêmement puissant… En effet, ce mémorable épisode en deux parties est justement l’un de ceux qui font le mieux le pont avec la série originelle. Outre le fait d’assister à la mort de Sarek (Mark Lenard), Picard a pour mission de retrouver Monsieur Spock (Leonard Nimoy reprenant pour l’occasion son rôle iconique), à présent ambassadeur et accusé ni plus ni moins que de trahison ! Un grand moment dans la série… et dans la saga en son entier. Le grand oiseau de la galaxie a de quoi être fier… Son « bébé » est entre de bonnes mains. Un peu plus tard dans la saison, « The Outcast », « I, Borg » et, surtout, l’inoubliable « The Inner Light » poursuivent le voyage en beauté. La franchise est alors sur le point de s’étendre – encore – à de nouveaux horizons…
En janvier 1993, la saison 6 de The Next Generation se voit ainsi accompagnée de la première de Star Trek : Deep Space Nine (outre la présence de Patrick Stewart dans le pilote de cette dernière, un double épisode crossover, « Birthright – Parties 1& 2 », est ensuite également mis en place pour une diffusion en mars 1993). Suivront bien entendu, toujours à la télévision, Star Trek : Voyager puis Star Trek : Enterprise… Sans oublier l’arrivée, cette semaine (!) de Star Trek : Discovery…
Bien plus qu’une simple franchise, en à présent plus de cinquante ans d’histoire(s), la quête des étoiles est ainsi progressivement devenue une institution magique… qui prouve que l’on peut coupler un discours sincère, progressiste et humaniste au plus viscéral et spectaculaire des divertissements de science-fiction. Au fil des ans et des saisons, auteurs et créateurs sont – eux aussi – allés là où nul autre n’était jamais allé dans cet art si difficile de la série et du cinéma de genre… L’aventure télévisuelle de Star Trek The Next Generation s’est achevée le 23 mai 1994 sur un somptueux double épisode final, pour mieux reprendre la même année sur grand écran avec le long-métrage Generations (réunissant Patrick Stewart et William Shatner) avant de courir jusqu’à Star Trek : Nemesis en décembre 2002.
Star Trek : The Next Generation (CBS/Syndication)
1987 – 1994
7 saisons de 178 épisodes et 4 longs métrages cinématographiques
Disponible en DVD et en Bluray en version remasterisée