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On débriefe pour vous … Genius, la série sur Albert Einstein

Après les Emmy Awards, où elle a été nominée à plusieurs reprises, retour sur la saison 1 de Genius. Une série intelligente et stimulante sur la vie d’Albert Einstein.

C’est quoi, Genius ? C’est la vie d’Albert Einstein (interprété par Johnny Flynn puis Geoffrey Rush). On le suit à ses débuts, jeune étudiant brillant mais rebelle dans l’Allemagne des années 1920, à Genève où il travaille au bureau des brevets pour gagner sa vie tout en élaborant ses premières théories et à publier les travaux qui révolutionneront la physique, avec en point d’orgue sa fameuse théorie de la relativité, et enfin jusqu’à son installation aux États-Unis après la guerre. En parallèle à sa carrière scientifique, bien connue, la série s’attache aussi à sa vie privée et à ses relations sentimentales mouvementées.

Jusqu’ici réputée pour ses documentaires scientifiques et historiques, National Geographic a donc décidé de se lancer dans l’univers des séries avec Genius, anthologie dont chaque saison sera consacrée au parcours d’une personnalité marquante, considérée comme un génie. Un terme qui s’applique évidemment à la perfection à Albert Einstein.

Le scénario est tiré d’un livre de Walter Isaacson Albert Einstein: His life and times”. Publié en 2007, il a fait l’objet de plusieurs tentatives d’adaptation avortées, aucun scénariste ne parvenant à condenser l’histoire en un film de deux heures. Contre toute attente, c’est un jeune inconnu du nom de Noah Pink qui relève le défi, en optant pour la forme d’une mini-série de 10 épisodes, et le projet atterrit entre les mains d’un Ron Howard suffisamment convaincu pour s’impliquer en tant que producteur et même réalisateur du pilote.

Flynn et Rush, deux Einstein pour le prix d’un

 

Le pilote, justement, est brillant d’originalité et d’intelligence. Avec brio, Genius évite le poncif du vieillard racontant ses souvenirs à un personnage plus jeune (un journaliste, en général), l’artifice servant alors de point de départ à un long flashback. Rien de tel dans le premier épisode, qui apparaît presque comme la théorie de la relativité adaptée à la vie de son auteur. Le récit est construit de manière non linéaire, avec de multiples sauts temporels mêlant deux périodes : celle du jeune Einstein à ses débuts, et celle du Einstein au sommet de sa gloire, émigré aux États-Unis. Toutefois, ce double axe narratif est abandonné dès le deuxième épisode, qui reprend un récit chronologique. Dès lors, on suit en parallèle la carrière scientifique et la vie intime d’Einstein, à partir de ses jeunes années jusqu’à l’apogée de sa carrière.

Dans sa globalité, Genius est d’excellente facture, mais elle souffre de l’interprétation très inégale des deux acteurs incarnant successivement Einstein, soit Johnny Flynn dans les sept premiers épisodes et Geoffrey Rush dans le pilote et les trois derniers. Flynn n’est pas mauvais – sa prestation est plutôt correcte – mais il est totalement éclipsé par Rush, impeccable dans le rôle d’un Einstein âgé, auréolé de toute sa gloire.Il en résulte un hiatus évident, la série se divisant clairement en deux parties dont la qualité est entièrement subordonnée à l’interprétation du héros.  

L’autre difficulté à la quelle se heurte Genius est celle inhérente à toute œuvre audiovisuelle consacrée à la vie d’une personnalité moins connue pour ses actions que pour son apport intellectuel : parvenir à illustrer le processus de création et d’inspiration. Le problème est encore accentué dans le cas d’un scientifique, pour qui le processus en question repose sur des équations mathématiques et des expériences absconses pour le commun des mortels. Genius n’évite pas cet écueil en dépit d’un évident désir de didactisme et d’une absence d’austérité. Mais malgré des explications souvent fastidieuses, le personnage force l’admiration et fascine par son anticonformisme, ses intuitions et son… génie. Tout au long de la série, on le voit évoluer dans la sphère scientifique, au gré des rencontres et des  relations qu’il noue avec d’autres grands physiciens, chimistes et mathématiciens tels que Max Planck, Niels Bohr ou Werner Heisenberg, et tandis que lui-même développe sa propre méthode pour formuler ses théories sur la base d’observations – comme le montre par exemple la scène ci-dessus.

Madame Einstein, injustement restée dans l’ombre

 

Mais même quand on y connaît rien et qu’on est incapable de dire ce que recouvre exactement le célèbre E=Mc², la trame centrée sur le vie privée du génie est suffisamment riche pour qu’on s’y raccroche.  Car c’est finalement le cœur de Genius,  qui s’attache surtout à la vie sentimentale d’Einstein et en particulier à son premier mariage avec la physicienne serbe Mileva Maric (excellente Samantha Colley). Aussi brillante que son mari, elle supporte mal de vivre dans son ombre et de se voir refuser la reconnaissance qu’elle mérite. Einstein nous apparaît alors sous un jour peu flatteur : un macho égoïste, prompt à séduire les midinettes, qui n’hésite pas à s’attribuer les mérites des travaux de sa femme avant de l’abandonner pour épouser Elsa (Emily Watson), sa cousine. Cet aspect méconnu de la vie d’Einstein est sans doute l’un des plus passionnants ; l’autre intérêt résidant dans l’arrière-plan politique qui se dessine au fil des épisodes, avec l’émergence du nazisme et la consternation d’un Einstein qui finira par fuir son pays d’origine et ne cessera de dénoncer l’antisémitisme.

Pour sa première saison, la série anthologique Genius a choisi de retracer la vie d’Albert Einstein. Le résultat ? Une série un peu inégale, très classique mais remarquable, biographie didactique de l’un des hommes considéré comme l’un des plus grands génies de l’humanité. Sans doute lui manque-t-il une touche d »audace pour frôler le… génie, mais tout est… relatif ! (Il fallait bien la sortir, celle-là!) Cette saison reste excellente, et on attend déjà avec impatience la saison 2, avec Antonio Banderas dans la peau de Pablo Picasso : un génie peut en cacher un autre.

Genius (National Geographic)

Saison 1 : 10 épisodes de 50 minutes environ

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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