On apprenait plus tôt dans la journée l’assassinat de Stéphane Charbonnier dans l’attentat qui a touché Charlie Hebdo aujourd’hui. « Charb » est mort à l’âge de 47 ans, laissant dans la mémoire collective le souvenir d’un homme engagé, passionné, qui allait jusqu’au bout de ses idées au travers les traits de son crayon.
C’est en laissant son esprit divagué, fuyant l’anesthésie promulgué par des cours de maths rébarbatif que le petit Stéphane saisit pour la première fois son crayon pour griffonner sur le coin de sa feuille. Comment aurait-il pût se douter que ses premiers dessins publiés dans le collège de Pontoise situé pas loin de Conflans-Sainte-Honorine, sa ville natale, seraient en réalité la formation qui le mènerait à son futur métier.
Il signe à l’époque de son nom complet, avant de l’abréger pour coller à la norme de la profession : Charb était né.
L’école ne lui plait pas trop, en colère contre les institutions il décroche pourtant son baccalauréat lors de la deuxième tentative en parallèle de ses petites publications dans des journaux locaux.
Après de brèves études dans la pub (milieu qui ne collait pas du tout avec son caractère) il enchaîne les petits boulots, jonglant entre récurer les cuvettes de chiottes, surveiller les jeunes dans un collège d’Argenteuil et publier sa colère dans le fanzine « Canicule ». C’est en 1992 qu’il participe à la renaissance du nouveau Charlie Hebdo, son temple où il ne se lassera jamais de croquer les patrons, les nationalistes, la bonne parole et la pensée unique.
Un engagement indissociable
Cette colère et cette haine de l’injustice, il la cultivera pendant toutes ses jeunes années et la trainera avec lui partout où il passera, laissant dans chacun de ses dessins un ton amère, sec, qui nous fait rire dans un premier temps, puis réfléchir lorsque la page se tourne.
Il se dresse contre les banques, le MEDEF, les puissants et toutes les grandes institutions de manière générale.
En 2008 il publie « Dico Sarko », un livre dans lequel il dénonce le changement et les mutations sociales qu’ont provoqué l’élection du chef de l’UMP à la présidence de la république. Il en profite pour remettre en question la portée et le sens du travail dans la société contemporaine tout en rappelant les profondes transformations et les « évolutions » de langage transporté par l’économie néolibérale.
Pour rester dans le même ton, il publie en 2009 (après la crise économique fracassante de 2008) « Marx, mode d’emploi ». Il dénonce ici le fonctionnement entier du néo-libéralisme en se basant sur le titre de Newsweek « Marx est mort ».
Il s’attelle à dresser un portait du fonctionnement et des mécanismes de l’accumulation du capital en prenant pour racine idéologique la pensée de Marx, toujours dans l’objectif premier de dénoncer un système intrinsèquement inégalitaire.
Évidemment, il serait impossible de tracer un chemin tout fait sur l’œuvre complète du célèbre « Charb ». Il a laissé son coup de crayon dans les plus grandes tribunes nationales et continuait à publier des ouvrages pour pousser des coups de gueules qu’il est très rare d’entendre aujourd’hui.
Sa mort n’atteint pas que ses proches et ses amis, c’est toute la France qui est désormais en deuil car c’est un grand auteur, un grand penseur et surtout un grand homme qui nous a quittés aujourd’hui.
Charb, tu nous manqueras.
Aurélien Monségu