« Ce diable de M. Pasqua » disait François Mitterrand pour qualifier ce cher Charles Pasqua, décédé d’une crise cardiaque le lundi 29 juin. L’ancien ministre de l’intérieur était un homme politique fascinant tant il inspirait crainte et admiration. Les hommages qui lui ont été fait ont d’ailleurs été emprunts d’un profond malaise pour certains politiques, notamment ceux de gauche.
« C’est un personnage »
Nombre de son entourage le décrivait comme « un personnage », pour ne pas en dire plus. Charles Pasqua a, en effet, défrayé la chronique judiciaire à de nombreuses reprises. En fin collectionneur de procès et tribunaux, il a été condamné pour deux affaires et relaxé pour quatre autres. Du financement douteux de la campagne européenne en 1999 à l’affaire Sofremi en 2010, l’ancien ministre de l’Intérieur a su faire parler de lui. Bâtir sa popularité autour de zones d’ombre est quelque chose d’assez fort, mais de très particulier à cet homme. Il ne s’est d’ailleurs jamais caché de son admiration pour les truands, qui suscitaient à ses yeux beaucoup plus d’engouement que les fils de bourgeoisie de l’élite politique. Mais pour comprendre ce personnage, il faut revenir sur sa vie. Un parcours jalonné d’expériences dans la vente d’alcool chez Ricard et d’un engagement aux côtés du général de Gaulle.
Un parcours alambiqué
D’origine corse, Charles Pasqua vivait au cœur d’une famille patriote avec un père policier et un grand-père berger. En 1942, il s’engage dans la Résistance sous le pseudonyme de Prairie et fait partie d’un groupe de jeunes qui se rallieront à la France libre de Charles de Gaulle. Il rejoindra le général après la guerre, en 1947, dans sa fondation le RPF. Mais ce n’est pas à ce moment-là que sa carrière politique débute, Charles Pasqua se cherche encore. Son attirance pour tout ce qui est un peu transgressif le guide vers l’entreprise d’alcool « Ricard » où il deviendra par la suite le numéro 2 du groupe. Néanmoins, son ardente passion pour le général de Gaulle n’a pas dépéri. Elle le mène à nouveau vers lui en 1959 lorsqu’il fonde le Service d’action civique (SAC), une sorte de police privée du gaullisme. Puis, il est élu député UDR dans la circonscription de Clichy-Levallois en 1968. Maintenant commence la carrière fulgurante de Charles Pasqua.
Proche du pouvoir, mais jamais au pouvoir
Il se lie d’amitié avec Jacques Chirac qui ne correspond pourtant pas à ses idéaux d’hommes politiques. Charles Pasqua préserve une sympathie hors-norme pour les hommes de guerre, les anciens de la résistance, qu’ils soient communistes ou socialistes. Il affiche également une connivence avec le Front National pour plusieurs de ses valeurs, même s’il oppose une hostilité farouche au député qu’est Jean-Marie Le Pen. Jacques Chirac, jeune garçon, arrive comme un cheveu sur la soupe. Et pourtant, il a quelque chose qui plaît au grand homme, nostalgique de la période de De Gaulle. En 1974, il lui prête allégeance tel un soldat au service de son roi : « Si vous maintenez pour la France le cap du gaullisme, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour vous aider à devenir ce nouveau chef ». Ensemble, ils créent le RPR, mouvement dans lequel Charles Pasqua sera le secrétaire général. Puis, en 1986, Jacques Chirac a gravit les marches du pouvoir et occupe désormais la place de Premier ministre. Ce qui lui permet de nommer son mentor, ministre de l’Intérieur. C’est à cette date que Charles Pasqua adopte le surnom de « premier flic de France ». Mais le 6 décembre 1986, la mort du jeune Malik Oussekine, décédé d’une violence charge de la police ternit durablement la réputation du ministre de l’Intérieur. Il convainc cependant un bon nombre de partisans de la droite pour sa politique sécuritaire intransigeante, illustrée notamment par cette phrase culte : « Il faut terroriser les terroristes ». Il n’occupera ce poste de ministre de l’Intérieur que jusqu’en 1988, avant de faire son come-back en 1994 lors de la deuxième cohabitation. Il convoitait également la présidence de la République en 2002, mais sa prophétie n’a jamais pu se réaliser. Charles Pasqua parlait d’une volonté de « l’éliminer ». Les obsèques de ce grand homme pour les uns, de « pourri » pour les autres, seront aujourd’hui célébrées à Grasse, dans sa ville natale.