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Christophe Mallet : « Metroid est l’expérience de la solitude »

Christophe Mallet : Metroid

Christophe Mallet est auteur de L’Histoire de Metroid édité chez Pix’N Love. À l’occasion de l’émission spéciale de HyperLink consacré à la série, nous avons pu enregistrer une interview dont le déroulé intégral est disponible ci-dessous.


À écouter : HyperLink #29 : Sur les traces de Metroid


Christophe Mallet : L'Histoire de Metroid

Tu n’es pas journaliste ni écrivain, qu’est-ce qui t’a conduit à écrire sur Metroid ?

Un concours de circonstances. Mon ami Raphaël Pezet bosse chez Pix’N Love, et on travaillait ensemble en amateur sur NintenDomaine. Je travaillais plus spécifiquement sur PlanetZebes, site dédié à Metroid que j’ai repris en 2006. Quand Pix’N Love a voulu publier un ouvrage consacré, ils ont très vite pensé à moi. Le projet a été repoussé de plusieurs années pour finalement se concrétiser très vite en 2015. J’ai eu la chance que Pix’N Love trouve mon travail digne d’être publié !

Quelles sources as-tu privilégié dans tes recherches ? Documents d’époque, entretiens… ?

J’ai privilégié des sources directes. Mon travail se base avant tout sur des interviews de développeurs, on peut difficilement avoir plus direct. Ensuite, plein de documents d’époque du début des années 2000 (magazines papier numérisés sur Internet). Dans un second temps, je me suis basé sur les tests pour avoir des avis extérieurs. Je donne quand même la priorité aux interviews d’auteurs et à tout ce qui a pu être dit par les créateurs ces trente dernières années !

Quel jeu t’a le plus surpris dans son itinéraire de développement ?

Christophe Mallet : Metroid IIÀ égalité, je dirais le tout premier Metroid sur NES et Metroid II sur Game Boy. Le 1 parce que c’est le début, on se rend compte que ça a été un vrai parcours du combattant pour ceux qui l’ont fait. Au départ ils étaient deux, puis c’est devenu un développement assez chaotique et il a fallu attendre Yoshio Sakamoto – qui deviendra le père spirituel de la série – pour que ça prenne forme.

Ensuite Metroid II, parce que je ne m’explique pas encore totalement pourquoi il s’est fait dans ces conditions-là. Il a été fait de manière totalement différente, en partie par les mêmes personnes mais sans Sakamoto. On a appris quelques infos supplémentaires avec le remake sorti sur 3DS il y a quelques semaines mais il reste pas mal de zones d’ombre. À terme, j’aimerais beaucoup avoir le retour direct de son réalisateur Hiroji Kiyotake, à qui l’on doit d’ailleurs le design de Samus. Il sera sans doute plus loquace quand viendra la retraite !

Christophe Mallet : Super MetroidOn ne se doute pas forcément du travail que chaque Metroid a nécessité, alors que ce sont des projets qui se font souvent dans la douleur et dont les ventes atteignent hélas rarement leurs objectifs. Dirais-tu que Metroid est une série élitiste ou ingrate ?

Je ne pense pas que Metroid soit une saga intentionnellement élitiste. Dans ceux qui ont été faits ces dernières années on retrouve la volonté de Sakamoto et Kensuke Tanabe de faire quelque chose qui plaise aux nouveaux venus. La série est en décalage avec le reste de l’univers Nintendo, plus joyeux voire enfantin…

Un univers peut-être plus immédiat aussi ?

Sans doute, car on est face à une saga dont la chronologie est développée d’un jeu à l’autre. Ça peut paraître rédhibitoire de débarquer dans un jeu sans savoir ce que l’on fait là, d’où viennent les Métroïdes… Peut-être que ça explique les ventes parfois décevantes de certains épisodes.

La saga Metroid cherche un peu son public mais elle se cherche aussi elle-même, notamment tout au long des années 2000 et dans Other M, dont tu dis d’ailleurs qu’il a cristallisé un schisme dans la communauté. Comment définirais-tu l’ADN de Metroid et à quoi cette rupture serait-elle due ?

Christophe Mallet : Metroid Other MJe ne veux pas parler à la place des développeurs, mais pour moi Metroid est avant tout une expérience de la solitude. On retrouve cette solitude dans l’exploration, les aller-retours incessants entre les différentes zones débloquées au gré des pouvoirs qu’on récolte, etc. Je ne pense pas qu’il faille se limiter à ça car on arrive rapidement à une impasse. C’est difficile de faire évoluer la série, Sakamoto a tenté quelque chose avec Other M – pas mon épisode préféré, mais ce livre m’a permis de mieux comprendre ses intentions. C’était intéressant de montrer l’envers du décor et le passé de Samus, mais je ne suis pas sûr que les joueurs y tenaient particulièrement.

Avec Metroid Prime, on a réussi à conserver les bases des jeux originaux tout en apportant la première personne qui s’avère extrêmement intéressante pour l’exploration. On n’est pas à l’abri d’une nouvelle rupture à l’avenir, peut-être avec Metroid Prime 4 qui pourrait respecter des bases solides tout en apportant quelque chose de nouveau.

Tu le dis en conclusion de ton livre : « Second couteau tu as été, second couteau tu resteras ». Maintenant que Nintendo semble déterminé à relancer la licence, comment vois-tu l’avenir de la série ?

Je le vois différemment. La conclusion de mon livre n’est plus d’actualité. J’en étais resté à Federation Forces, opus très décrié qui a réalisé les plus mauvaises ventes de toute la série… on pouvait être très pessimiste. Finalement, il y a la volonté d’apporter de nouvelles choses. Metroid ne sera jamais aussi forte que Mario ou Zelda, mais elle pourrait récupérer une certaine aura si la communication qu’on a eu avec Samus Returns en septembre se poursuit : un collector, une console aux couleurs de Samus, on n’avait jamais vu cette débauche de moyens dans la série avant ! Si on a la même chose avec Metroid Prime 4 sur Switch, on pourra toucher un plus large public. Même si ça reste une série de SF difficile et avec une chronologie, beaucoup de choses ont changé avec l’E3 2017.

Comment as-tu réagi sur le moment ?

Ça a été une bonne surprise. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il y ait quoi que ce soit sur MetroidJ’étais content de voir Prime 4, avec malgré tout une certaine suspicion vu qu’on pensait la trilogie bien achevée. L’arc de Dark Samus est terminé mais Tanabe laissait entendre qu’on pourrait retrouver les chasseurs de prime introduits dans Hunters… J’ai été en revanche assez surpris par la façon dont a été annoncé Samus Returns en catimini pendant le Treehouse. J’étais un peu réticent car on abandonnait le pixel-art qui a longtemps marqué l’identité de la série. Mais maintenant que je l’ai eu en main, c’est une réactualisation très agréable d’un jeu qui méritait selon moi un remake.

Tu dis en effet que Metroid II est un pivot pour la série, bien plus que Super Metroid pourtant préféré par le public.

Oui, car Super Metroid n’est qu’une relecture du premier. Sakamoto l’a conçu comme ça pour rajouter tout ce qu’il n’avait pas eu le temps de faire quand il a tiré le projet de sa torpeur trois mois avant la sortie. Pour moi, Metroid II est capital. C’est le moment où on passe d’un one-shot à quelque chose qui va se développer et devenir une saga à l’identité bien définie.

Est-ce que selon toi Metroid est adaptable au cinéma ?

Non. La tentative avortée de John Woo à la fin des années 2000 traduit la grande sensibilité avec laquelle Nintendo gère ses licences depuis le film Super Mario Bros. de 1993. Ce qui fait la force d’un jeu vidéo, c’est toutes ces mécaniques d’interaction propres au médium et difficilement transposables au cinéma. Pour le coup Metroid est très largement inspiré d’Alien, donc je ne vois pas ce qu’on aurait eu de plus qu’une redite dans un autre univers.

Christophe Mallet : Metroid, le manga

Je serais le premier heureux de voir une adaptation de qualité, mais qu’est-ce qu’on raconte ? Est-ce qu’on fait une paraphrase d’un épisode déjà sorti, est-ce qu’on fait le pont entre deux jeux ? On marche sur des œufs, d’autant qu’on n’est pas sûr que le public soit suffisamment massif pour justifier un projet aussi coûteux. Même si le Japon n’est pas son meilleur marché, la série a eu droit à des mangas pas inintéressants consacrés à l’enfance de Samus. Ça offrirait une base plutôt solide si le projet devait absolument voir le jour.

Christophe Mallet : Metroid PrimePour finir, quel est ton épisode préféré ?

Très clairement Metroid Prime. J’ai découvert la série et le jeu vidéo à travers ce jeu. Ça a vraiment été un choc, quelque chose de marquant qui m’a poussé à me renseigner sur la série et à en parler pour finalement rejoindre l’aventure NintenDomaine et PlanetZebes – je vais d’ailleurs essayer de retaper le site d’ici Prime 4 ! *rires*

À l’époque j’aimais déjà beaucoup les sciences naturelles et l’étude du vivant. Cette vision naturaliste d’un univers à travers le scanner qui donnait des informations très poussées et cohérentes sur la géologie et la biosphère m’a prise aux tripes, c’est vrai. C’est là que ça m’a touché, ça a réveillé ma fibre scientifique et biologiste : avancer dans l’inconnu, analyser chaque élément d’un environnement pour comprendre ce qui s’y déroule.

L’Histoire de Metroid, ouvrage de Christophe Mallet, est disponible chez Pix’N Love.

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Animateur de HyperLink et Rédacteur-en-chef Pop Culture, spécialiste en univers virtuels et jukebox itinérant.
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