A Very Englisman —The Look of Love dans son titre original— est le biopic de l’intrigant Paul Raymond, l’homme qui intronisa les premiers clubs de striptease en Angleterre. Il s’agit du 24ème long métrage du réalisateur britannique, à qui l’on doit le très sauvage The Killer Inside Me sorti en 1997 et de la quatrième collaboration entre Steve Coogan et Michael Winterbottom, que l’on pourra retrouver très prochainement dans The Trip 2.
Londres, 1958, Paul Raymond ouvre le «Raymond Revue Bar», théâtre et club privé où apparaissent des femmes dénudées au gran dam de l’Angleterre conservatrice. Sa réussite fulgurante, point de départ du film, sera sujète à de nombreuses polémiques. En se jouant des règles de communication habituelles, il préservera une notoriété médiatique hors-du-commun, le placant au rang des figures les plus importantes du pays.
«Qu l’on aime ou que l’on déteste, peu importe. L’important est que l’on en parle.» Paul Raymond
Paul Raymond est un magicien, à qui on concède «qu’à son contact, tout ou presque se transforme en or». Il n’y a pas besoin de débattre sur l’interprétation de Steve Coogan, qui fait partie de ces acteurs redoutables, capables de se fondre dans la peau de multiples personnages avec une facilité déconcertante. L’influence du théâtre dans l’éducation de Coogan n’y est pas pour rien, celui-ci étant passé par la très prestigieuse Manchester Polytechnic School of Theatre.
Ce dernier joue sur deux fronts. A la fois complexe et loin des conventions ordinaires, il se montre touchant l’espace d’un instant pour perdre toute trace d’humanité le moment d’après. En effet, derrière le masque de Paul Raymond, se cache Geoffrey Quinn —sa véritable identité— qui à l’âge de 33 ans, quitte Liverpool avec £5 en poche, habité par l’intime conviction de faire fortune.
Si ses détracteurs le qualifie de vulgaire pornographe, Paul Raymond n’en ai pas moins un homme de goût, un businessman excentrique et un formidable entrepreneur.
Doué d’un certain talent de manipulateur, il faut reconnaître à Mr. Raymond une attitude exceptionnelle qui lui permet de gérer chaque situation avec un détachement contagieux. Pour tout dire, même ses victimes finissent par le respecter. Non pas pour ce qu’il possède, ni pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il représente, réellement. C’est un professionnel dans l’art de contourner les lois. Ce don lui permet de constituer les premières pierres d’un immense empire. Il commencera à produire des cabarets dénudées puis instaurera petit à petit la notion de club privée. Cela lui permet d’investir dans le quartier du Soho, communément appellé West End, ou quartier du sexe.
Pourtant, pour ce fils unique qui grandit uniquement entouré de femmes, le destin semble tout tracé. Cette relation laissera une empreinte dans le quotidien de Paul Raymond, amateur du mode de vie libertin, toujours retranscris avec sincérité, sans complaisance. De ce fait, le film nous dépeint un ensemble de personnages tiraillés entre le plaisir et la vie familiale, relatif à un bonheur simple.
«No writer was ever born published» Paul Raymond
Au sein d’une mise en scène originale et décousue, on s’intéressera surtout aux différentes rencontres de Sir Raymond. C’est notamment autour de sa vie personnelle que la toute la réflexion s’oriente. D’abord marié durant sept ans à Jean — incarné par Anna Friel— avec qui il aura trois enfants, il se prendra rapidement d’affection pour celle qui deviendra l’égérie du magazine Men Only et sa maîtresse, Miss Fiona Richmond, rôle que Tamsin Egerton tient à merveille.
Les journalistes l’adorent, et pour cause lui aussi. Cette relation, comme sa volonté d’afficher publiquement sa vie privée, sont au coeur de la mise en scène de M. Winterbottom. Son public, aussi large que ses spectacles inventifs jouent pour beaucoup dans la vie de Paul Raymond. C’est un homme de foule, accro au contact et à la désinhibition.
L’histoire de la famille Raymond est passionnante, notamment la relation qu’entretiennent Paul et sa fille cadette Debbie. Le spectateur sait souvent ce qu’il va se passer, mais les personnages sont touchants et malgré certaines situations délicates, l’humour so british, qui colle à la peau du film, prend toujours le dessus. Pas une fois Steeve Coogan, ni la folle palette d’acteurs de ce film, ne nous plonge dans un mélodrame. Les émotions sont sincères, et les personnages ne s’attardent pas.
La culture c’est de s’intéresser à tout et Paul Raymond en est le parfait exemple. Ce film est un bel hommage et si vous n’êtes toujours pas convaincu, tachez au moins d’en apprécier le style.