On l’a découverte dans La Femme où elle prêtait sa voix notamment au célèbre titre « It’s Time To Wake Up ». On l’a entendue aussi dans « Avant tu riais » de Nekfeu. Impossible de ne pas reconnaître son grain de voix rauque et mélancolique. Quand Clara Luciani chante, quand Clara pleure, on sait tout de suite que c’est elle, ses larmes nous vont droit au coeur. On n’avait pas entendu ce genre de timbre depuis Maurane et bien avant, Barbara. Mais si son premier EP Monstre d’amour nous parle d’un chagrin sentimental sans qui Clara n’aurait peut-être pas osé se lancer seule en piste, il laissera bientôt place à un premier album plus solaire. Quand on voit Clara en vrai, on a plutôt envie de sourire que de pleurer. On l’a rencontrée pour vous !
Est ce que tu as toujours fait de la musique ?
Oui ! Je vais un peu te faire la réponse bateau de la chanteuse qui dit « oui quand j’avais 4 ans ma mère me faisait monter sur la table… » mais bon !
Monter sur la table, c’est assez originale !
Non mais tu sais, t’as l impression qu’elles sont toutes nées en chantant (rires). En ce qui me concerne, mon papa est musicien donc j’ai toujours fait de la musique.
Tu as su très jeune que c’était ça que tu voulais faire ?
Au départ comme j’avais de plutôt bonnes notes à l’école, je me dirigeais plus vers une carrière en histoire de l’art. Dans ma famille, je suis une des seules à avoir eu le bac alors je voulais vraiment impressionner mes parents ! Mais, quand j’ai eu 19 ans, je me suis rendue compte que je n’avais pas trop envie d’être du côté de ceux qui analysent l’art mais de celui de ceux qui le font. Ça a été difficile comme prise de conscience parce que ça voulait dire qu’il fallait l’annoncer à mes parents, ce qui à 19 ans est toujours un peu compliqué, et que j’allais m’engager dans une vie plus périlleuse.
Et tes parents l’ont pris comment alors ?
Ils avaient un peu d’espoir, ils se se disaient que peut-être je deviendrais l’érudite de la famille mais en fait pas du tout (rires) ! Il y a eu quelques mois pendant lesquels ils m’ont fait un peu la gueule, mais quand ils ont vu que ça avançait, ça a fini par aller mieux.
Tu t’y es mise à fond tout de suite ?
Oui, je n’avais pas vraiment le choix, c’était déjà tellement de sacrifices que faire tout ca pour rien aurait été trop ridicule. Il y avait une espèce d’urgence qui m’a poussée à faire tout très vite. Quand je suis arrivée à Paris, je devais tout payer toute seule et j’avais 0 argent de côté, je travaillais super tard chez Zara et je faisais ma musique a côté. Je ne pouvais pas traîner les pieds.
Comment t’en es arrivée à travailler avec La Femme ?
Avant de déménager à Paris, quand j’étais à Aix, une amie m’avait parlé d’un groupe super qu’il fallait absolument que j’écoute, c’était La Femme. J’ai écouté « La Planche » et j’ai adoré. Ensuite, on est allé les voir dans un festival à Cannes. J’avais un petit coup dans le nez et pas mes lunettes. Après le concert, Marlon est descendu de la scène et on a fini par danser ensemble sans que je ne réalise qui il était. Toutes mes copines me disaient : « ah mais tu danses avec le chanteur de la Femme ! ». On s’est mis à discuter et il m’a demandé de chanter un truc. Après ça, il m’a dit que ça pouvait trop marcher et m’a proposé de l’appeler quand je monterais à Paris, chose que je n’avais pas du tout prévue. Quelques mois plus tard je m’y suis installée, et vu que j’avais son mail, je me suis dit que lui envoyer un mail ça ne coutait rien. Il m’a répondu et m’a proposé de faire des tests sur « Time to wake up » en m’expliquant que Clémence avait un peu de mal à la chanter à cause de la tonalité. Du coup j’ai essayé et ça l’a fait !
Tu t’es faite embarquer dans cette aventure sans trop réaliser ce qui allait se passer !
Non et en plus j’étais un peu en indien dans la ville, je me retrouvais avec cette bande de farfelus, je me disais « ohlala, mais qu’est-ce que je fais ! ».
La Femme, ça a été un tremplin pour toi ?
Oui clairement, ça m’a fait la courte échelle. Quand je regarde en arrière, je me rends compte que toutes les choses sont liées à cette rencontre. En ce qui concerne ma collaboration avec Nekfeu par exemple c’est Sacha qui lui a donné mon numéro après qu’il ait entendu ma voix sur les chansons de La Femme. Et cette chose la plus improbable qui me soit arrivée dans ma vie, soit recevoir un texto de Nekfeu, je crois que c’est lié à La Femme.
C’est difficile pour toi de t’imposer en tant que Clara Luciani ?
Oui un petit peu… Hier j’étais à un festival et des gens sont venus me demander si j’étais la guitariste de La Femme ! Ahah ! Après il y a aussi des gens qui découvrent après coup que j’ai chanté avec La Femme. Je trouve ça très cool dans tous les cas, ce n’est pas comme si j’avais commencé avec un truc tout pourri, ça reste un groupe que j’adore.
Est-ce que La Femme t’a influencée artistiquement ?
Oui et non. Ce qui nous a rapproché avec Marlon, c’est qu’on avait les mêmes influences musicales. Marlon est fan de Barbara, de la chanson française traditionnelle, du yéyé, du punk tout comme moi. Ce qui est sûr c’est que de les avoir entendu chanter en français ça m’a fait comprendre à quel point c’était génial de pouvoir chanter en français. Quand j’ai commencé à écrire mes chansons, je me suis tournée très vite vers la facilité en choisissant l’anglais, je trouve que d’un point de vue sonore, ça passe mieux. Et puis on peut se cacher sous une forme de masque quand on chante en anglais. La plupart des gens ne comprennent pas ce que tu dis et du coup ca te protège un peu.
Oui mais comme tu dis, ça te cache aussi !
Oui, au départ c’était confortable pour moi mais de les voir s’émanciper et sans complexe par rapport à la langue française, ca m’a beaucoup inspirée. Après, il n’empêche qu’on a, je pense, des écritures vraiment différentes.
Qu’est-ce qui t’a décidée à te lancer dans une carrière solo ?
Ca s’est imposé à moi de façon nécessaire. Il y a eu ce chagrin d’amour et tout à coup j’avais enfin la légitimité de porter un message, bien que générale, sur scène. Et puis j’étais fatiguée d’être juste interprète et de chanter en anglais.
Avant tu ne te sentais pas légitime d’écrire des chansons ?
Non, je me disais « qu’est ce que je vais pouvoir dire qui n’a pas déjà été dit » ?
On ressent beaucoup de tristesse dans la plupart de tes textes, qu’est-ce qui t’a inspirée cette mélancolie ?
C’est sur le fumier que pousse les fleurs, à la base c’est un peu ça l’histoire de cet EP. Il s’est passé un truc terrible, ça m’a fait beaucoup de mal. Ces chansons m’ont a la fois sauvée et ont enclenché un espèce de processus artistique qui est en marche depuis et qui me permet d’écrire seule en français. Mais oui, à la base, mes textes parlent d’un chagrin d’amour duquel je sors tout juste. Cet EP, c’est un peu ma cicatrice, il fait partie d’un espace temps auquel j’ai survécu. Je suis très heureuse qu’il ait pris cette forme la.
Dans « Pleure, Clara, pleure », tu t’adresses à qui, à ton personnage de scène ?
Je m’adresse à moi-même ! C’est un truc très humain que de se complaire dans la douleur et dans les pleurs parce que la tristesse est un sentiment intense et comme tout sentiment intense, ça nous fait nous sentir vivant. Cette chansons fait écho à ce souvenir que j’ai de moi en train de pleurer devant le miroir. J’ai toujours eu un goût prononcé pour les drames et les larmes, tout en sachant que c’était ridicule.
Pour finir, peux-tu nous en dire plus sur ton album ?
Il y aura des sonorités plus rock, plus solaire que sur l’EP et que je vais introduire du saxophone, instrument que j’adore, mais bon ça ne va pas non plus être la fête du slip hein (rires) !
Pour suivre l’actualité de Clara Luciani, c’est par ici ! Elle jouera ce samedi 8 juillet à 21h05 sur la scène du Parvis de l’Hôtel de Ville, alors ne rate pas ça !
Propos recueillis par Eléonore Prieur et Etienne Bianco