Les restes démembrés d’au moins 100 prisonniers et visiteurs ont été trouvés dans les tuyaux d’évacuation d’une prison de la capitale colombienne Bogota. C’est ce qu’ont déclaré les enquêteurs en charge du dossier ce mercredi 17 février. La ville est le terrain des trafiquants de drogues, des rebelles marxistes et des groupes paramilitaires.
« Le nombre de victimes est inconnu, mais nous savons que c’est plus de 100, et ce pourrait être en plus élevé », ont expliqué les enquêteurs. « Les restes de prisonniers, visiteurs et autres ont été jetés par le système de drainage ». Ils examinent ainsi les cas rapportés de disparitions à la prison de Bogota entre 1999 et 2001, qui pourraient correspondre aux corps retrouvés.
Des cas de disparitions en prison
Les corps ont été trouvés dans la prison de La Modelo à Bogota. Cette dernière fait partie des plus surpeuplées et violentes d’Amérique latine. Ces dernières accueillent des guérilleros gauchistes, qui se retrouvent aux côtés de leur ennemis paramilitaires de droite.
En 1999, un responsable de la prison colombienne avait été mis à la porte après qu’une vidéo montrant des rebelles des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC) faisant une parade militaire et distribuant des armes d’entrainement à l’intérieur même de la prison se soit retrouvée sur le net.
En 2000, 32 détenus avaient été tués dans un affrontement entre des détenus de droits communs et d’autres appartenant aux forces paramilitaires. 17 autres avaient disparu. Un jour avant que le combat n’ait lieu, le corps démembré d’un résident avait été retrouvé dans un sac en plastique, dans les évacuations.
Enlevée pour avoir posé trop de questions
En 2000, la jeune journaliste colombienne Jineth Bedoya enquête sur la guerre colombienne contre le terrorisme. Elle examine alors une histoire sur le trafic d’armes entre fonctionnaires d’état et le groupe paramilitaire d’extrême droite Autodefensas Unidas de Colombia (AUC). Elle obtient une rencontre avec le leader Mario Jaimes — connu comme le « panadero », le boulanger — à la prison de La Modelo le 25 mai. Soupçonnant un piège, elle vient avec un rédacteur et photographe d’El Espectador, le quotidien pour lequel elle travaille. Alors qu’ils s’apprêtent à entrer dans la prison, ils se séparent un instant.
Jineth Bedoya est enlevée. Elle a été forcée de rentrer dans une voiture, droguée et emmenée à la campagne par trois hommes. Là, elle est torturée et violée. Dix heures après l’avoir saisie, ils la laissent dans un tas d’ordures sur le bord d’une route, à trois heures de Bogota, où elle est retrouvée vivante par un chauffeur de taxi.
La procureure colombienne Caterina Heyck, a indiquée mercredi qu’il y avait un lien entre la nouvelle enquête et ce qui est arrivée à la journaliste il y a seize ans.
« Des criminels ordinaires »
Au début du mois, Mario Jaimes a avoué avoir donné l’ordre de l’enlèvement. Alejandro « JJ » Cardenas a lui admis être l’un des trois hommes qui a enlevé, violé et torturé la journaliste. La procureure Caterina Heyck a annoncé qu’elle avait demandé à ce que les deux hommes ne bénéficient pas de la loi « Justice et Paix ». Cette dernière a été introduite en 2005 en Colombie, pour encourager les paramilitaires de se démobiliser. Des sentences réduites leur sont offertes s’ils baissent les armes et reconnaissant leurs crimes.
Mme Heyck a expliqué les criminels, tous deux en prison, ont gardé le silence pendant près de seize ans. Pour cette raison, ils doivent être traités comme des criminels ordinaires. Les investigateurs suspectent que Jaimes pourrait également être derrière d’autre disparitions à prison La Modelo.
D’autres disparitions sont également examinées dans les prisons des villes de Popayan, Bucaramanga et Barranquilla.
© Source à la photo à la Une : flick river.