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Comment les Restos du Cœur font-ils face au Coronavirus ? [Interview]

En cette période de confinement et de pandémie de Covid-19, les associations humanitaires continuent d’intervenir. Philip Modolo, secrétaire général des Restos du Cœur, a accepté de répondre à nos questions.

Est-ce que tous les établissements des Restos du cœur continuent de fonctionner malgré le confinement ?

Actuellement, nous étions un petit peu dans une période intermédiaire, parce que nous venons de finir notre distribution d’hiver. En règle générale, à cette période de l’année, nous fermons pendant quelques jours, voire quelques semaines, pour pouvoir faire des inventaires de nos stocks, faire des tris de collectes et d’être capables d’engager, dans les meilleures conditions, la distribution qui aura lieu tout au long de l’été. Donc, dans certaines situations, les centres sont fermés pour cette raison.

Mais il faut aussi noter qu’il y a des centres qui sont fermés actuellement, pour différentes raisons, dont la principale est effectivement liée aux bénévoles. Nous avons au sein de l’association 25 000 bénévoles de plus de 70 ans, ce qui représente à peu près le tiers de nos bénévoles. Pour respecter la sécurité et la prévention de ces personnes, nous leur avons demandé de rester chez eux temporairement, le temps de cette épidémie. Cela nous met, quelques fois, localement dans des situations difficiles.

Les activités continuent tout de même dans beaucoup de centres, même si certains sont fermés pour faute de bénévoles. Cela peut être, dans certains cas aussi, des directives au niveau des municipalités. 80% de nos locaux nous sont prêtés par les collectivités locales. Dans certaines situations, on nous a demandé de fermer ces locaux. C’est pourquoi aussi on attend des pouvoirs publics, qu’il y ait des instructions et préconisations extrêmement fortes auprès des collectivités locales pour que l’on puisse poursuivre nos activités.

Est-ce que vous avez constaté une hausse du nombre de personnes qui se rendent dans vos établissements ?

Très sincèrement on vit au jour le jour, nous sommes en situation de gestion de crise. Nous ne sommes donc pas capables, aujourd’hui, de manière exhaustive, de mesurer l’évolution du nombre de personnes qui souhaitent bénéficier de notre aide.

En raison de sa fermeture, Disneyland Paris vous a donné, à vous et au Secours Populaire, des tonnes de denrées alimentaires. Celles-ci vont être redistribuées dans les différents centres ?

Nous sommes, aujourd’hui, énormément sollicités. Cela peut être, par exemple, par les restaurants qui ont dû fermer et qui ont proposé aux associations des denrées alimentaires. Mais il faut savoir que le stockage et la logistique de denrées alimentaires est assez complexe à mettre en place. Il ne suffit pas de récupérer des stocks de denrées. Il faut être capable de les stocker, de les sécuriser en matière de respect de la chaîne du froid. C’est quelque chose de très compliqué. Nous n’avons donc pas donné de directive nationale concernant l’acceptation de ces denrées.

D’autres gros groupes comme celui-ci vous sont-ils venus en aide récemment ?

On sent une volonté forte, tous azimuts. Depuis quelques jours, nous sommes extrêmement sollicités. Malheureusement, nous ne pouvons pas répondre à toutes ces sollicitations, en raison de la logistique compliquée à mettre en place et surtout de la conservation. L’objectif n’est pas de récupérer des denrées et de les jeter trois jours après car on n’aura pas pu les distribuer, ou bien parce que les conditions de froid qui nous permettront de conserver ces denrées avec toutes les mesures de prévention nécessaire.

Nous considérons vraiment que nous sommes dans une situation d’aide humanitaire d’urgence.

A l’heure actuelle vous êtes surtout en manque de bénévoles et non pas de nourriture ?

Exactement. Le problème numéro 1 c’est vraiment le manque de bénévoles. Aujourd’hui, plus de 25 000 bénévoles de plus de 70 ans ont arrêté leur activité de manière temporaire. Si on prend ceux de plus de 65 ans, dont certains peuvent commencer à être inquiets, ils sont 44 000. Ce qui fait plus de 60% de nos bénévoles.

Nous avons fait, hier, un appel à bénévolat pour vraiment être capable de poursuivre notre activité pendant cette période difficile. Nous concentrons, maintenant, notre activité sur des missions d’alimentaire, dans nos centres de distribution et aussi dans les hébergements d’urgence et surtout auprès des gens de la rue. La situation des sans-abris, aujourd’hui, nous inquiète énormément. Nous considérons vraiment que nous sommes dans une situation d’aide humanitaire d’urgence et nous concentrons l’ensemble de nos activités pour faire face à nos missions d’aides alimentaires.

Le coronavirus a-t-il affecté votre association au niveau des dons ?

Non, nous n’avons pas vu de relation directe entre les dons et le virus. A cette époque de l’année, nous avons récolté 98% des dons qui vont nous permettre de mener notre activité sur les 12 prochains mois. Les dons financiers sont, en particulier, très concentrés sur la fin de l’année. Nous avons eu notre collecte nationale il y a une quinzaine de jours. Mais concernant le plan financier, nous n’avons plus d’inquiétude sur le fait que nous arriverons, à nouveau pendant toute l’année qui vient, à faire face à la demande grandissante. Aujourd’hui, 10 millions de français vivent en dessous du seuil de pauvreté, 5 millions font appel à l’aide alimentaire et nous en accueillons 1 million en resto.

Nous avons subi 4 cambriolages en 24 heures.

Vous avez un commentaire par rapport à ce qu’il s’est passé à Mâcon ?

Explication : à Mâcon, dans la nuit de lundi à mardi, un établissement des Restos du Cœur a été cambriolé. Les voleurs ont dérobé d’importantes quantités de pâtes, surgelés, conserves et laits pour bébé.

Effectivement, nous avons été choqués par les vols que nous avons subis. Nous avons subi 4 cambriolages en 24 heures, ce qui est une situation complètement inédite pour nous. Elle est bien entendue totalement inacceptable et nous espérons qu’elle ne sera que ponctuelle. On la suit au jour le jour. Hier, nous avons néanmoins écrit directement au ministre de l’Intérieur pour l’informer de la situation. Nous lui avons également demandé si les forces de police pouvaient porter une attention particulière à la sécurité de nos sites. En fonction de l’évolution de la situation, si les cambriolages perdurent, nous n’excluons de faire appel à des sociétés de surveillance, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Quelles ont été les autres villes touchées ?

Je ne connais pas les villes précises. Nous avons eu des cas dans les Pyrénées-Orientales, en Seine-et-Marne, en Haute-Saône et donc à Mâcon.

Notre objectif prioritaire dans les jours et semaines à venir, c’est vraiment de recruter des forces vives.

Comment les français peuvent-ils vous venir en aide en ces périodes difficiles ?

Priorité numéro 1 : le bénévolat. Nous avons vraiment besoin, aujourd’hui, de bénévoles pour compenser ceux qui ont dépassé les 70 ans. Nous allons complètement restructurer nos missions et modes d’interventions. Ce seront des missions de manutention, de transport de denrées, de préparation de colis, de distribution alimentaire. Ce sont des choses extrêmement simples à faire, ne nécessitant pas de savoir-faire ou d’expertise particulière. Bien entendu, ces nouveaux bénévoles seront encadrés par les bénévoles Restos qui nous restent fidèles et qui sont complètement engagés, dès lors qu’ils ne sont pas en situation difficile d’un point de vue de leur santé. Notre objectif prioritaire dans les jours et semaines à venir, c’est vraiment de recruter des forces vives.

Avez-vous des craintes ?

Notre principale crainte aujourd’hui, c’est qu’il y ait un élan très fort de la part de la population de devenir bénévole, et qu’ils soient étonnés que nous ne leur répondons pas dans l’heure ou la journée qui vient. Actuellement, nous sommes complètement en train de revoir notre dispositif de distribution. Nous allons vivre au jour le jour et ils ne seront pas recontactés systématiquement et rapidement. Nous essaierons de recontacter systématiquement, mais nous ne voudrions pas créer la désillusion. Si nous ne les recontactons pas, c’est que l’on doit gérer l’hyper-urgence ou bien car là où ils sont localisés nous n’auront malheureusement pas les moyens de redémarrer notre activité. Nous ne serons sûrement pas capables de rouvrir nos 2000 centres de distribution dans les semaines qui viennent. Mais nous allons faire le maximum pour assurer un maillage de territoire le plus large possible.

Cliquez pour devenir bénévole pour les Restos du Cœur.

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Journaliste spécialisé dans le culturel, la politique et le sport
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