Les Daft Punk, c’est désormais plus qu’un simple groupe de musique. Un succès planétaire certes, mais bénéficiant également d’un fanatisme enjoué de la part de fans qui voit en eux, l’aboutissement d’une réussite qui fait encore rêver. Dès lors, à la moindre apparition ou au simple teasing sur les réseaux communautaires, s’ensuit une vague médiatique exceptionnelle. Car, rappelons-le, l’univers Daft Punk, c’est avant tout l’art de la discrétion au service du minimaliste.
Cette chronique intervient suite à la déferlante de critiques sur le nouvel opus du duo casqué, Random Access Memories. Au lieu de proposer un avis piste par piste, qui serait un poil trop subjectif, ou encore un énième coup de gueule accusant le choix du retro, nous préférerons ici conter le récit du groupe le plus novateur de l’histoire de la musique.
Ce dernier débute dans les années 70, période faste pour la musique, qui est aussi la naissance de ceux qu’on s’amusera à appeler «punks timbrés». Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter se rencontreront la première fois à l’âge de 13 ans dans les couloirs du Lycée Carnot. Guy, originaire du Portugal, vit à Neuilly-sur-Seine dans le 92. Thomas, lui, est né et a grandi à Paris. Fait étonnant, une rumeur s’est largement répandue autour de Versailles qui a enfanté Etienne de Crécy, Alex Gopher, Air, Phœnix ou plus récemment Saint-Michel. Mais les Daft Punk n’habiteront jamais la ville du Roi Soleil.
Créer quelque chose qui n’existait pas.
Pour ce qu’il s’ensuit, rien ne prédestinait ces deux ados à faire de la musique ensemble, si ce n’est un attachement commun pour les mélodies des sixties et des seventies. Une culture que ne manquera pas d’exploiter le duo, qui aura l’audace de recycler certains titres méconnus en samples que nous connaissons tous. Hommage ou plagiat, finalement peu importe les Daft Punk ont apporté quelque chose d’unique dans la manière de faire de la musique. Ils n’ont pas cessé de répéter qu’avec leur premier album, Homework, le but était de «montrer qu’on pouvait créer un album sans bouger de sa chambre». Oh Yeah A leur tour de bercer une génération. Ces deux punks, rebelles, musiciens, geeks, peu importe leur dénomination, ont réussi quelque chose d’unique. Transposer un rêve de gamin classique à un univers propre, parfois incompris, mais qui n’a cessé d’inspirer les artistes du monde entier et pas seulement musiciens. Réalisateurs, dessinateurs, graphistes, stylistes, maquettistes, développeurs de jeux vidéo, ou tout simplement toi jeune prodige en quête d’identité. Bref, la liste est longue. Une chose est sûre : les Daft Punk ont collaboré avec les plus grands et ont su s’exporter, devenant la preuve que la musique est capable de transcender les barrières culturelles, et bien au-delà. Etats-Unis, France, Ecosse, Mexique, Japon, et plus récemment l’Australie (notamment pour le lancement de RAM), le duo enchaine les prestations live depuis 2006. Toujours placés au sommet de leur pyramide luminescente, chaque concert est retenu comme expérience inédite.
2013, arrive Random Access Memories
Plus qu’un hommage, on ressent dans cet album le désir de revivre un passé inachevé afin d’y accomplir ce qui y était dès lors, impossible. En 1993, les deux ados ont d’abord eu l’idée de former un véritable groupe de rock avec tout ce qui le caractérise. Batterie, guitare, basse et une voix qui en jette, bien sûr. Pas si simple. Au Royaume-Uni, berceau du rock, l’essor fulgurant de groupes audacieux tels que les Pink Floyd ou des sex-symbols comme David Bowie montrent la voie, mais semblent réservés à une élite disposant de certains moyens propre au développement culturel de leur pays. A la même époque en France, bien que la culture hip-hop est en pleine ascension, le rock’n’roll peine à trouver de dignes représentants.
En tant qu’être humain rêvant de reconnaissance, accepter sa condition et ce qui va avec, n’est pas chose aisée. En dépassant cette nature, tu es capable de tout. Robot Rock
Le problème avec le mode d’inspiration occidentale, c’est qu’elle se contente trop souvent d’un rapprochement des cultures, sans craindre l’uniformisation. Les Daft Punk l’ont compris, pour marquer le coup il faut produire un son du futur. Quelque chose qui ne ressemble à aucun autre.
Il fallait donc innover. Quoi de mieux qu’une technologie méconnue presque occulte, réservée aux premiers geeks de la planète. L’informatique et ses signaux numériques, sa capacité d’émulation. De chez soi, à force de bricoler et de raccorder des cables à des machines, nos compères se montrent capables de recréer une basse, ou le son survoltée d’une guitare électrique. Plus tard, on se permettra de déterminer si un son est du type « Daft Punk », reconnaissable notamment grâce à cette sonorité filtrée si particulière et un beat au rendu poussif grâce l’effet dit du « sidechain« . Encore, l’utilisation du « vocoder », aussi expérimental qu’emblématique, il permet au groupe de se détacher des standards durant un temps, avant que les producteurs « modernes » ne s’y mettent à leur tour. Mais les Daft Punk, c’est avant tout le sens du spectacle. Petit souvenir de 2007, jusqu’au prochain dont la date reste inconnue. Bonne nouvelle néanmoins, un album remix de RAM est prévu avant la fin de l’année.