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Des seins au prophète : le réveil des indignés des médias

Des très équivoques photos de la  princesse britannique Kate Middleton au provocateur long-métrage de Sam Bacile en passant par les valises de Bernard Arnault en couverture de Libé et la flambante Une de Charlie Hebdo, notre « liberté d’expression » chérie prend des allures monstrueuses sous les regards incisifs des lecteurs. Alors que seize des précieux clichés des seins nus s’apprêtent à être publiés par le journal people Danois Se og Hoer, le monde Arabe s’embrase après la diffusion du très polémique Innocence des musulmans.
Ça fait parler et ça fait moins rire que les royaux mamelons qui semblent n’ébranler que les massifs murs du château de Windsor. Dans un monde sous tensions géopolitiques, la rencontre entre antiaméricanisme et débauche du « tout-est-bon-à-dire » provoque des étincelles. Aujourd’hui, la couverture de l’évènement donnée par Charlie Hebdo enflamme le débat sur le droit de dire.

« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »

Blaise Pascal, visionnaire, avait déjà compris que ce que l’on donne pour légitime ici ne l’est pas forcément ailleurs. Alors notre très patriote liberté d’expression peut-elle transcender les frontières ? « La liberté d’expression est un concept culturel. Les occidentaux ont leur définition de cette liberté et ils clament leur droit de la revendiquer. Les musulmans eux, érigent en valeur suprême la croyance en leur prophète. Nous ne pouvons  prétendre avoir raison sans tenir compte de la liberté des autres » Pour Jean-Claude Carrière, écrivain et scénariste, le ton est donné, L’hebdo satirique, protégé par l’ethnocentrisme français qui fait de la liberté d’expression une valeur universelle, a trop usé de sa mine.

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». De son côté, Kristian, dessinateur de presse dans les Alpes-Maritimes, invoque l’argument voltairien pour défendre Charb. « Charlie Hebdo est un journal satirique. Il y a une actu, il faut la traiter de la manière habituelle […] la presse ne peut pas se laisser prendre en otage par une poignée de fanatiques qui menace de faire exploser le monde, on ne peut pas s’autocensurer en fonction du danger qu’impliquent les réactions des uns et des autres. »

La presse se veut-elle aveugle et sourde ? Entrons-nous dans une ère de liberté débauchée ? Sur Facebook, les avis fusent. Le groupe Touche pas à mon prophète réunit les indignés du web. « J’ai vécu la moitié de ma vie en Tunisie et je sais ce qu’est la censure et la répression. Mais il ne faut pas confondre liberté d’expression avec diffamation et blasphème. Je regrette qu’un journal puisse oser diffuser ce genre de caricatures surtout dans ce contexte. Je ne cautionne pas les violences mais ces publications nous mettent en danger » Mohammed, 23 ans, infirmier à Nice accuse un manque de responsabilité de la part de la presse.

La tête de Charb mise à prix

 Alors que les locaux de l’hebdo sont placés sous protection et que la tête de Charb a été mise à prix sur un site jihadiste, les responsables du culte musulman lancent un appel au calme. « La réponse par la violence n’est pas la solution, elle ne contribue pas à apaiser les tensions » Pour Abderrazak Kilani, ministre délégué chargé des relations avec l’assemblée constituante, les caricatures sont une insulte. « La caricature est positive lorsqu’elle contribue, par le rire, à faire avancer le débat » pour Jean Baubérot, historien et sociologue de la laïcité, c’est là le centre névralgique de l’affaire. Charb marche sur un fil en tournant l’actualité en dérision. Alors que certains s’esclaffent, d’autres tiquent nerveusement en ouvrant l’hebdo.
A l’heure actuelle, la liberté d’expression est le cheval de bataille des Américains et de la « pensée » occidentale. Rappelons tout de même que ce droit n’a pas toujours été inscrit dans le Premier Amendement de la Constitution américaine. Dans les années 1930, le Code Hays passait au crible l’ensemble de la production cinématographique hollywoodienne sous l’égide d’un code de mœurs impulsé par le lobby… Catholique. Le curseur du « j’ai le droit de dire » est soumis à des aléas que les sociétés ne peuvent pas toujours arbitrer.

 

 

Pauline Renoir.

 

 

 

 

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