Les afro-américains dénoncent les inégalités raciales et les violences systémiques qu’ils subissent pendant que les contribuables – en partie les plus riches – luttent contre l’impôt. Les voix ouvrières et socialistes s’effondrent laissant une large place à un consensus démocrate plutôt centriste et plus que contestable. Les Églises perpétuent leur influence considérable dans les territoires davantage intérieurs et les classes intellectuelles se divisent entre deux pôles presque irréconciliables, et ce, jusqu’à ne plus s’entendre. Nous sommes dans les États-Unis des années 80′ et Ronald Reagan vient d’être élu. Une Amérique si lointaine ?
Le contexte économique est en tout cas le même qu’au tournant des années 80′ ; les chocs pétroliers successifs comme la crise du Covid-19 détruisant des milliers d’emplois. Couplé à un épisode de récession, cette hausse du chômage peut aujourd’hui s’avérer dramatique dans le temps si la perspective d’une inflation s’affirme. Un épisode causé par la multiplication des ruptures de chaînes d’approvisionnement – conséquence d’un protectionnisme affirmé comme seule réponse à la relance économique. Une parenthèse de stagflation pourrait être envisagée. En bref, une situation inquiétante et comparable à celle au lendemain de 1979.
Mais sur l’ensemble de son mandat, le bilan économique est paradoxalement bon. Le chômage est au plus bas depuis une cinquantaine d’année, une croissance solide, un soutien du milieu du « Big Business » cher à l’actuel président… L’histoire est écrite : relance de la consommation, de l’emploi et des marchés. Grâce à son grand combat fiscal incarné par sa réforme votée à la fin de l’année 2017, Donald Trump est crédible en tant que candidat à sa propre succession.
Théories et réussite
Les démocrates semblent aujourd’hui incapables de proposer une véritable alternative fiscale. Et le plan de relance de plusieurs centaines de milliards promis par Joe Biden est un cache-misère au ré-engagement de l’État au cœur de la chose économique. Donald Trump, quant à lui, reste droit dans ses bottes avec pour seul mot d’ordre la réduction drastique de l’impôt. L’impôt sur les sociétés en ligne de mire et une baisse considérable sur les revenus. Le même plan que son prédécesseur et 40ème président des États-Unis.
Pour quels résultats ? Une croissance solide et un taux de chômage maintenu à un taux très bas. Un miracle permis à la fois par les effets positifs des mandats précédents mais aussi par une politique fiscale très favorable aux ménages les plus aisés – soutenant ainsi la consommation – et l’allègement de la réglementation des entreprises. L’idéologie de la dérégulation pourrait avoir un effet sérieux dans les urnes, jusqu’à peut-être voir rempiler l’actuel président pour un deuxième mandat. Une chose est sûre : si Trump vient à gagner, ce sera aussi la victoire de Reagan.
Crise progressiste et contre-révolution blanche
2019. Les lois restrictives concernant le droit à l’avortement s’enchaînent en Alabama, en Géorgie ainsi qu’en Louisiane. Une mouvance définitivement radicale, chrétienne et très influente traverse l’Amérique pour s’opposer juridiquement à ce droit reconnu depuis 1973 et qui n’est pas sans rappeler les contestations de ce droit durant les années Reagan. La crise sanitaire a d’ailleurs révélé dans le Texas comme dans de nombreux états du Sud que les interruptions volontaires de grossesse n’étaient plus considérées comme des interventions médicales urgentes. Ainsi, l’avortement est alors suspendu durant l’épidémie. Preuve d’un retour clair à un conservatisme social fort.
Et Black Lives Matter ne bousculera pas la donne ; la communauté afro-américaine étant déjà acquise à la cause des démocrates en 2016. En effet, la base électorale de Trump est essentiellement constitué d’Américains blancs appartenant à une classe moyenne inférieure et non diplômée. Souvent ruraux, principalement chrétiens, Donald Trump plaît toujours à ceux qui l’ont élu en 2016. Arguant un discours anti-immigration et défendant des positions ouvertement conservatrices, les manifestations et émeutes ne changeront sensiblement rien à un électorat acquis et à des « indécis » inexistants tant la fracture idéologique se polarise entre les deux partis majoritaires.
Guerre culturelle
Des articles scientifiques sont discrètement publiés quant à l’influence des think tanks conservateurs sur l’administration Trump. Dans un article publié le 22 mars dernier, l’OREMA (Observatoire des Relations Extérieures du Monde Anglophone) affirme que ces laboratoires d’idées ont un poids direct au cœur de l’administration, rappelant la multiplication de ces groupes de réflexion libéraux et conservateurs financés par de richissimes familles profondément républicaines durant les années 70′ puis 80′. Ces groupuscules ayant largement contribué à l’élection de Reagan en fournissant à l’équipe de campagne une majeure partie de son programme.
En effet, James Carafano a intégré l’équipe de transition de Donald Trump fraîchement élu et défend régulièrement l’actuel président sur la conduite de sa politique étrangère, soulignant que le retrait des troupes américaines du nord-est de la Syrie ne « contredit en rien les intérêts américains dans la zone ». Sur la question plus récente de l’Iran, Carafano soutenait les actions du chef de l’Etat en décrivant Soleimani de « terroriste » seulement quelques heures après sa mort et défendait la nécessité d’une attaque. James Carafano est vice-président de l’Institut des Relations Internationales de la Heritage Foundation, think tank néo-conservateur le plus puissant des États-Unis.
Carafano n’est pas le seul exemple de l’influence de ces groupes conservateurs sur l’administration Trump. Jon Feere, Ronald Morgenstern, Julie Kirchner. Respectivement conseiller sur l’immigration et la douane, conseiller du secrétaire d’État chargé de la Population, des Réfugiés et de la Migration, et conseillère du commissaire aux douanes et frontières Kevin McAleenan. Tous font partie de think tanks spécialisés sur la question de l’immigration : le Center for Immigration Studies et la Federation for American Immigration Reform. Tous conservateurs. Les logiques sont comparables lors de l’élection de Reagan où, selon certaines opinions les plus franches, ce sont ces think tanks représentatifs de l’ultra-droite actuelle qui ont bombardé Ronald Reagan au sommet de la nation unifiée.
Faillite de l’opposition
L’engouement médiatique autour de la figure de Joe Biden nouvellement investi par le parti démocrate peut être considérablement nuancé. En effet, la récente convention démocrate est trompeuse, essayant d’effacer subitement le chaos des primaires aux 24 candidatures annoncées pour 10 candidats officiellement déclarés. Le parti est divisé en deux branches fortes : progressistes et centristes. 2016 et la ligne de l’establishment du parti a connu une virulente défaite ne rassemblant pas l’électorat traditionnel du parti, perdu depuis de nombreuses années.
2020 et Biden ne semble pas prendre la tangente de son homologue Clinton il y a 4 ans. Le récit présidentiel et le mandat défendu ne sont pas contredits. Oui, la réforme fiscale est favorable aux classes supérieures et aux classes très aisées. Cependant, malgré un taux de croissance constant, les salaires n’augmentent pas, les coûts liés au logement explosent en même temps que ceux liés à l’accès à l’enseignement supérieur et à la santé. La paupérisation de dizaines de millions d’américains cachée derrière le versant d’une réforme devenue l’étendard de Donald Trump. De quoi le parti démocrate est-il encore le nom ?
Jimmy Carter a été violemment balayé, largement affaibli par des crises répétées durant son mandat, soutenu timidement par son parti et ses électeurs. Les indicateurs sont au vert pour que le scénario de 1980 se répète. Donald Trump en nouveau Reagan deviendra-t-il un président aux 2 mandats ?