Deux ans après sa chute au Sofitel, Dominique Strauss-Kahn refait surface, au diapason des médias. L’ancien directeur du FMI a été auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale. L’ex-favori aux présidentielles de 2012 a donné son analyse de la situation en tant qu’expert économique. Une visite qui présage un grand retour ? Sa carrière est-elle définitivement brisée ? Notre rédaction en débat.
POUR:
Hiver 2011. Le climat de la rigueur a durablement affecté l’opinion des français à l’égard du président de la République, Nicolas Sarkozy. Les élections présidentielles de 2012 approchent en chantant, présageant une défaite cuisante pour le locataire de l’Elysée. Car Nicolas Sarkozy a en face de lui un ennemi redoutable en la personne de Dominique Strauss-Kahn, patron du FMI, LE grand expert en matière d’économie. Mais, la nuit du 14 mai 2011, ce dernier est arrêté à l’aéroport de New York, suspecté d’agression sexuelle. Les témoignages se multiplient comme des lapins, le directeur du FMI est acculé, sa crédibilité se relâche : il est mort politiquement.
Deux ans après, DSK prépare ce qui pourrait être son grand retour : il apparaît dans les bras d’une charmante demoiselle au Festival de Cannes puis dans les tribunes de Roland Garros, ces lieux les plus huppés de cette période de l’année. Dans l’affaire du Carlton, le procureur se prononce pour un non-lieu : l’ex-patron du FMI est désormais libre, il peut préparer son grand retour pour 2017.
Et les choses se font sans tarder ; devant la situation délétère sous le mandat de François Hollande, le Sénat appelle clairement l’ex-favori des présidentielles pour ses conseils sur le dossier épineux de l’évasion des capitaux, quelle aubaine ! Le voilà propulsé devant le conseil des sages, lui « implorant » presque de leur prodiguer ses divins conseils. En politique on pourrait le traduire par un : « Hollande est nul, DSK sauve-nous ! » Et dans sa petite leçon d’économie, il n’hésite pas à tacler le président actuel par une belle métaphore «incriminer la finance dans le désastre économique que nous vivons en Europe en général et en particulier dans notre pays, a pour moi à peu près la même pertinence qu’incriminer l’industrie automobile quand on parle des morts sur la route» (en référence à « mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance »).
Et puis les français ont la mémoire courte. Les grands hommes politiques, vous savez, ceux que l’on cite toujours en exemple, ont été détestés un temps, pour des affaires bien différentes. De Gaulle – ce héros républicain, était haï aux alentours de mai 68, Mitterrand abhorré lors du tournant de la rigueur. Tout cela a été oublié pour en faire des héros du passé. D’ici 2017, DSK ne sera plus un détraqué sexuel mais bien le « Jeanne d’Arc » national, le héros d’une République en faillite.
Par Jérôme Wysocki
CONTRE:
Un retour non anodin
Le retour de DSK hier après-midi au Sénat, n’est pas une simple affaire d’économiste. Comme l’on déclaré ses détracteurs les plus zélés, bon nombre de parlementaires possèdent les compétences de DSK, si ce n’est plus. Non, ce retour était bien trop attendu, et ce moment capturé de toute part par des journalites en émoi, pour prétendre à une simple leçon d’économie. Ce que l’on cherche, c’est la réanimation d’un homme, pour ainsi prouver qu’en politique rien n’est immoral.
Il faut plutôt comprendre que dans l’affaire qui le frappa il y a désormais 1 an, on assista à la chute d’un homme —que dis-je d’un roc, d’une péninsule— qui, déjà était déclaré président par l’ensemble de l’opinion. DSK veut dès lors, faire comprendre à cette même opinion, qu’en politique tout est possible, peu importe les dérives personnelles —une belle preuve que nos médias sont conditionnés à des niveaux qui dépassent l’intérêt général. Pour Estrosi : « C’est moche, tout simplement », selon l’ancien ministre. « Il y a des moments où il faut savoir se mettre de côté soi-même », et cela « même si on pense que c’est injuste, ce que l’on a subi. On ne doit pas pour autant transférer son injustice à ce qui peut ternir l’ensemble du fonctionnement des institutions », a ajouté le député-maire UMP de Nice. « Si vous me demandez mon avis, moi, j’estime que monsieur Strauss-Kahn n’appartient plus à la rubrique politique » déclare la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
Médias tendance
Toute cette diabolisation médiatique, cette récurrence de haut-vol, ces débats enflammés autour du cas «DSK» —et pas seulement vis-à-vis de l’affaire du Sofitel mais une plongée sur l’ensemble de sa vie privée— cet acharnement effréné ne serait donc qu’une passade de complaisance pour nous, peuple crédule et avilisé, gobant de manière systématique les images et dires des analystes autour d’un des plus gros scandale morale du XXIème siècle.
Dans ce cas, que pouvons nous encore attendre de l’information de masse, uniforme et constante sur les moindres détails, si finalement chaque affaire, aussi sordide soit-elle, où chaque chroniqueur donne un avis de complaisance si intime, qu’on pourrait presque le croire présent au moment des faits alors qu’en à peine un an, tout semble balayé, épongé et prêt à repartir de plus belle.
Par Guillaume Corbillé